Le télétravail continue à occuper une place marginale dans l’emploi luxembourgeois, ceci en dépit de son potentiel certain pour mieux équilibrer la vie professionnelle et privée et pour réduire le trafic avec ses effets néfastes sur l’environnement. Malgré un grand intérêt aussi bien des entreprises que des salariés, les problématiques en matière fiscale et de sécurité sociale liées au travail à l’étranger, et en particulier au travail des frontaliers dans leur pays de résidence, empêchent de nombreux employeurs d’offrir au personnel la flexibilité de travailler à domicile.

Pour réussir à promouvoir le télétravail au Luxembourg, la recherche de solutions avec les pays limitrophes visant à résoudre les conflits d’imposition et d’affiliation, auxquels sont confrontés les frontaliers qui travaillent régulièrement à domicile, doit rester la priorité absolue. Dans l’attente de l’aboutissement des adaptations nécessaires, et sans plus tarder, des modèles alternatifs de télétravail doivent cependant être envisagés. La main-d’œuvre qualifiée frontalière, dont nos entreprises ont besoin pour rester compétitives, est déjà aujourd’hui de moins en moins encline à faire face au trafic transfrontalier quotidien. Un bon équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, avec la possibilité de travailler à domicile, commence à devenir plus important dans leur choix d’emploi qu’un package salarial attrayant. Si cela est actuellement déjà le cas surtout pour les jeunes diplômés, ce sera encore plus le cas pour les générations à venir. Outre les difficultés de recrutement déjà existantes pour beaucoup de postes qualifiés, l’attractivité des entreprises luxembourgeoises pour la main-d’œuvre frontalière est donc fortement en danger.

Or, le travail à domicile n’est pas le seul mode de travail à distance. Ainsi, les télétravailleurs peuvent effectuer leurs missions depuis leur domicile, mais tout aussi bien dans des télécentres. Établis près des frontières, l’existence de tels espaces de télétravail permettrait aux salariés, et notamment aux frontaliers, de travailler plus près de chez eux. Dans ce contexte, Monsieur le Premier ministre, Xavier Bettel s’est prononcé, dans sa déclaration de politique générale sur l’état de la nation du 26 avril 2017, sur un modèle de soutien aux entreprises pour la mise en place d’immeubles de bureaux partagés près des frontières.

Une première consultation réalisée auprès d’une sélection d’entreprises de différentes tailles et secteurs a fait apparaître un grand support parmi nos membres pour cette suggestion. Elles estiment que le travail, du moins partiel, dans des espaces de télétravail près des frontières pourrait convenir à une large partie de leurs salariés. Même s’il s’agit d’une solution intermédiaire, elles sont convaincues que de tels espaces de télétravail contribueraient déjà à considérablement réduire les déplacements des travailleurs non-résidents et à soulager les routes. Par ailleurs, contrairement aux craintes exprimées par certains, ce n’est pas la volonté des entreprises luxembourgeoises d’installer leur personnel dans des infrastructures sur territoire français. Au contraire, des immeubles de bureaux partagés mis en place de ce côté-ci des frontières avec les trois pays voisins seraient largement préférés.

Les entreprises demandent donc que des mesures soient prises pour concrétiser dans les meilleurs délais le modèle de soutien aux entreprises tel qu’annoncé par le Premier ministre. Toutefois, des problèmes d’ordre si pratique ne peuvent être résolus sans sonder les différents besoins et associer l’ensemble des parties concernées. De l’identification des sites d’implantation à la conception et réalisation des locaux, le projet doit être une collaboration entre les promoteurs, les décideurs et les entreprises.

Enfin, il convient de rappeler l’importance d’une politique cohérente pour éviter des approches contradictoires entre Ministères, notamment en matière d’aménagement du territoire et des zones frontalières, qui risqueraient de constituer un frein à la mise en place des espaces de télétravail.

Patricia Hemmen
Conseillère auprès de la FEDIL