La fête aurait pu être si belle. Les représentants politiques, les ONG et même les entreprises de toute la planète s’étaient réunis à Marrakech en novembre dernier pour célébrer l’entrée en vigueur en un temps record de l’accord de Paris sur les changements climatiques. Un accord historique via lequel les signataires se sont engagés à réduire le réchauffement climatique de 2 degrés Celsius et d’œuvrer à atteindre les 1,5 degrés. La prompte ratification confirme la volonté de passer à l’acte. La COP 22 à Marrakech avait pour objectif de concrétiser les prochaines étapes et de mettre sur les rails un plan ambitieux de mise en œuvre. Cependant, un événement marquant est venu plomber l’ambiance. L’élection de Donald Trump à la Présidence des États-Unis a jeté un coup de froid sur Marrakech et a posé les dirigeants devant de nombreuses questions. En effet, les déclarations de Donald Trump lors de la campagne électorale démontrent son aversion à cet accord international. Après son élection, il a confirmé sa volonté de faire marche arrière sur la politique énergétique de son prédécesseur. Même si l’appartenance future des États-Unis à l’accord reste à être clarifiée, son adhésion à ses objectifs ambitieux deviendra compliquée. Les investissements massifs prévus dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste ainsi que dans la production d’électricité à partir du charbon mettront à mal la réalisation de l’objectif auquel les États-Unis se sont engagés..

Pour l’industrie européenne, la nouvelle politique américaine est une très mauvaise nouvelle. Nous soutenons l’accord de Paris et sa mise en œuvre car elle est essentielle afin de rapprocher les efforts de réduction d’émissions de gaz à effet de serre entrepris et décidés par l’Europe de ceux de nos principaux concurrents. Même si nous ne nous trouvons pas sur un pied d’égalité, la dynamique enclenchée allait dans le même sens. Le changement dans la politique américaine interrompt et inverse de cette trajectoire et nous pose un sérieux problème. L’industrie européenne aura du mal à rester concurrentielle face aux exportations américaines davantage chargées en carbone. C’est pourquoi le système européen d’échange de quotas d’émission devra protéger les entreprises intensives en énergie contre cette concurrence qui ne se voit pas imposée la même rigueur environnementale. La révision de ce système entre dans sa phase décisive au niveau européen et cela nous présente avec une excellente opportunité pour bien faire.

En 2015, lors de la présentation de la proposition de la Commission européenne, nous avions jugé la protection de l’industrie insuffisante. Depuis lors, les discussions ont été compliquées et parfois controversées. La tournure finale que prendra la révision de la directive ETS reste ouverte. De nombreuses idées circulent qui vont dans le bon sens, à savoir une meilleure allocation de quotas en faveur des entreprises intensives en énergies les plus performantes. Ceci dit, d’autres mouvances œuvrent dans la direction opposée et une majorité claire ne se dessine pas encore. De notre côté, nous poursuivons le dialogue avec le monde politique afin d’expliquer que nos entreprises, déjà parmi les plus performantes en Europe, investissent des sommes conséquentes afin d’améliorer davantage leur rendement énergétique, tout en réduisant leurs émissions de CO2. Ces entreprises ont besoin d’un signal fort pour continuer à investir en Europe. C’est pourquoi la révision de la directive ETS est une opportunité à ne pas manquer pour adresser un vote de confiance envers l’industrie. En ce moment, les signaux forts émanent des États-Unis. Laisser Trump gâcher la célébration d’un accord sur le climat est une chose. Le laisser ruiner l’industrie européenne en est une autre.

Henri Wagener
Conseiller auprès de la FEDIL