Une entreprise établie à l’étranger peut détacher temporairement des salariés sur le territoire luxembourgeois pour exécuter des travaux. Pour être conforme aux dispositions légales sur le détachement cependant, elle doit faire une déclaration de détachement via la plateforme électronique de l’Inspection du Travail et des Mines (ITM). Cette obligation s’applique même pour des activités qui ne prennent qu’une journée voire quelques heures.

Lorsqu’une entreprise travaille plusieurs fois par jour au Luxembourg sur différents chantiers ou lieux de travail par ailleurs, elle est tenue de répéter l’exercice pour chaque détachement différent. Cette déclaration génère pour chacun des salariés détachés un badge social à présenter en cas de contrôle et qui est obligatoire pour toute entreprise étrangère, quel que soit son secteur économique, sauf le secteur maritime. Depuis une loi du 14 mars 2017, les exigences administratives et les contrôles ont été considérablement renforcés.

Même si elles saluent l’objectif de renforcer la lutte contre le dumping social et la concurrence déloyale, les nouvelles restrictions posent d’importants problèmes aux entreprises luxembourgeoises. La mobilité des salariés et la prestation transfrontalière de services, dont le détachement est une forme, sont d’une importance capitale pour une économie ouverte comme celle du Luxembourg et des autres pays qui ne disposent pas d’un grand marché économique. Vu l’exiguïté du territoire luxembourgeois et l’ouverture de son économie, les entreprises luxembourgeoises dépendent largement de produits ou de services provenant de l’extérieur. Compte tenu de la petite taille du pays, beaucoup de prestataires et surtout des spécialistes ne sont pas disponibles sur le territoire national, ce qui oblige nos entreprises de recourir à des cocontractants étrangers.

Or, nos entreprises constatent que, face aux coûts et délais supplémentaires liés aux obligations déclaratives et à la communication des documents requis (tels les certificats de TVA et de déclaration préalable ainsi que, pour chacun des salariés, les formulaires A1, contrats de travail, certificats médicaux d’embauchage, autorisations de séjour, attestations des qualifications professionnelles, fiches de salaires et pointages indiquant le début, la fin et la durée du travail journalier pendant la durée du détachement), de plus en plus de leurs prestataires augmentent leurs prix ou refusent même de manière générale de détacher leurs salariés pour travailler pour des clients luxembourgeois. S’ils comparent la valeur économique de la prestation et le prix qu’ils peuvent facturer aux coûts administratifs et risques d’amende associés, leur intérêt à prendre la commande devient minime voire nul.

Si ces charges administratives peuvent être justifiées pour un détachement de quelques semaines, mois ou années, elles sont clairement disproportionnées pour une simple livraison. Il en va de même pour toute réparation ou maintenance sur une machine ou une autre installation. C’est pour cette raison que les pays voisins ont considérablement facilité les déclarations en raison de la nature ou de la courte durée de certaines activités. Ainsi par exemple, les entreprises de transport international qui effectuent des livraisons sur le territoire allemand, français ou belge peuvent présenter une déclaration pour une période pouvant aller jusqu’à six mois ou en sont complètement dispensées. Des solutions distinctes et appropriées sont donc indispensables, du moins dans le cas d’activités de courte durée telles que la réparation ou maintenance ainsi que pour le secteur du transport international, afin de ne pas compromettre sur le marché unique la compétitivité des entreprises luxembourgeoises, qui risquent de ne plus pouvoir ni s’approvisionner ni entretenir leur parc de machines parce que les entreprises de la Grand-Région sont dissuadées d’envoyer leurs salariés. Cette situation risque de s’aggraver encore plus si certaines propositions faites à la lumière de la révision actuelle des directives de détachement devraient être mises en œuvre. Plutôt que de les soutenir, la révision devrait être une opportunité pour le Luxembourg de se positionner en faveur de dispositions n’obstruant pas le fonctionnement quotidien de ses entreprises.

Patricia Hemmen
Conseillère auprès de la FEDIL