Lorsqu’un fait ou une faute de l’employeur rendent impossible le maintien de la relation de travail, le salarié peut démissionner avec effet immédiat. En pratique, le non-paiement par l’employeur du salaire (respectivement les retards répétés de paiement de salaires (1)) ainsi que le défaut de remise des fiches de salaire de l’employeur (2) ont à plusieurs reprises été considérés comme justifiant une démission avec effet immédiat du salarié. La jurisprudence constante conclut qu’il ressort des dispositions légales que la démission avec effet immédiat n’est soumise à aucune règle de forme et que le salarié n’est pas non plus obligé de communiquer les motifs de sa décision à l’employeur. Ainsi, il suffit qu’il les énonce en cas d’action en justice intentée par l’employeur ou par lui-même afin de permettre aux juges d’apprécier la régularité et le bien-fondé de la résiliation du contrat de travail (3). Les motifs doivent avoir existé au moment de la démission (4). Dans une affaire très récente (5), la Cour d’appel semble néanmoins avoir établi une condition de validité non prévue par le Code du travail à la démission avec effet immédiat du salarié.
En l’espèce, un salarié a démissionné avec effet immédiat pour faute grave de l’employeur en date du 30 décembre 2016 pour non-paiement d’heures supplémentaires qu’il aurait presté durant des années. L’employeur, quant à lui, indique que la démission serait intervenue dans des conditions intempestives, puisqu’elle n’aurait jamais été précédée de quelque mise en demeure que ce soit et que le salarié n’aurait jamais émis de prétentions précédemment. Il soutient qu’elle serait dès lors à déclarer abusive.
La Cour d’appel a retenu qu’« eu égard à la nature des motifs en cause, il eût appartenu au salarié d’adresser, au préalable, ses revendications à l’employeur et de tenter d’obtenir satisfaction. Ce n’est qu’en cas de refus ou de non réponse de l’employeur dans un délai raisonnable, qu’il eût été, le cas échéant, en droit de résilier le contrat de travail avec effet immédiat.
Or, en l’espèce, l’intimée conteste avoir reçu quelque mise en demeure que ce soit et même avoir été, de quelque manière que ce soit, informé des prétentions litigieuses, tandis que l’appelant reste en défaut de prouver ou d’offrir en preuve qu’il aurait présenté en vain ses revendications à l’appelant, avant de lui remettre sa démission.
Le maintien des relations contractuelles entre les parties au litige n’a pas été rendu « immédiatement et définitivement impossible » par la présentation des revendications financières de l’appelant, au demeurant excessivement imprécises. Il suit de là que la démission avec effet immédiat de l’appelant est à déclarer abusive, par confirmation du jugement déféré. L’appelant est donc tenu de payer à son ancien employeur une indemnité de préavis correspondant au salaire qu’il aurait perçu durant le préavis non respecté (article L. 124-6. du Code du travail). ».
Il est important à noter que la Cour d’appel a retenu en l’espèce qu’une mise en demeure de l’employeur envoyée par le salarié avant sa démission avec effet immédiat aurait dû être effectuée. Une telle obligation à charge du salarié n’est pas prévue par le Code du travail. Ainsi, l’arrêt soumis à étude est intéressant dans la mesure où il a établi (à voir si l’arrêt fera le début d’un courant jurisprudentiel) une condition de validité pour une démission avec effet immédiat n’existant pas à charge de l’employeur dans le cadre d’une procédure de licenciement avec effet immédiat d’un salarié. La validité d’un licenciement avec effet immédiat n’est, à l’heure actuelle, pas conditionnée à l’envoi d’un avertissement écrit au salarié préalablement à la décision du licenciement.
Même s’il s’agit ici d’un cas d’espèce et que les juges seront toujours amenés lors d’un litige à faire une analyse et une appréciation concrète des circonstances de l’affaire, il sera intéressant de suivre si le raisonnement opéré dans ce cas (a priori favorable à l’employeur) sera confirmé dans le futur par d’autres juges.
Chronique Juridique
7.06.2021