Les entreprises peinent de plus en plus à trouver les compétences nécessaires afin de faire notamment face aux défis de la transformation digitale et de la transition énergétique. Le contexte actuel des procédures et des législations rigides auxquelles elles doivent faire face, ainsi que les messages populaires proliférés en amont des élections législatives, ne facilitent certainement pas, mais rendent tout au contraire la vie encore plus difficile aux entreprises.
Étant une préoccupation principale pour ses membres, l’attrait et la rétention de talents est une des priorités de l’action politique de la FEDIL. Elle a néanmoins pris une autre dimension dans le cadre et en aval de la pandémie du COVID-19. Ainsi, le point de vue des salariés sur la prestation de leur travail a changé, alors que la demande de télétravail a pris une envolée jamais attendue.
Dans le passé, le télétravail n’était possible qu’après une période d’accommodation comprenant une adhésion à la culture et aux valeurs de l’entreprise, l’intégration dans les équipes et l’assimilation des méthodes de travail. Aujourd’hui, les principales revendications exprimées à l’égard des employeurs voulant attirer des talents ne tournent plus autour du niveau de la rémunération, mais sur le nombre de jours télétravailables dès le premier jour de service.
Ce changement d’approche peut trouver ses origines aussi bien dans la pénibilité des trajets pour rejoindre le lieu de travail que dans les expériences vécues pendant la pandémie où les salariés étaient obligés, pour des raisons sanitaires, de rester éloignés de leur lieu de travail habituel.
Même si l’entreprise est ouverte au télétravail et si le poste de travail est télétravailable sans perte de productivité, le télétravail des non-résidents est néanmoins cantonné par l’application des règles en matière de sécurité sociale et de fiscalité.
Dans ce contexte, il faut saluer que les responsables politiques, que ce soit au niveau national ou au niveau de la Grande-Région ont pris conscience des effets positifs du travail transfrontalier en général et du télétravail en particulier pour leurs économies et leurs finances publiques respectives, avec l’introduction de périodes transitoires au niveau de la sécurité sociale et de la fiscalité, respectivement en relevant les seuils de tolérance en matière de fiscalité. Cependant, les efforts doivent continuer afin d’éviter que les entreprises luxembourgeoises ne perdent leur attractivité pour les salariés frontaliers considérés comme éligibles au télétravail. En outre, il faudra être attentif dans la communication des seuils de tolérance, souvent simpliste dans les médias, alors que les jours de tolérance ne sont pas uniquement des jours de télétravail, mais tous les jours de travail (télétravail et missions professionnelles) prestés en dehors du Luxembourg pour le volet fiscal et tous les jours de travail prestés dans l’État de résidence du salarié frontalier pour le volet de la sécurité sociale.
Même si le Luxembourg affiche actuellement un taux de chômage relativement bas et si le nombre de places vacantes déclarées par les entreprises est légèrement inférieur au nombre de demandeurs d’emploi enregistrés auprès de l’Agence pour le Développement de l’Emploi (ADEM), on ne peut pas ignorer l’écart entre les compétences disponibles, aussi bien dans les fichiers de l’ADEM que dans le réseau EURES, et celles exigées par les entreprises.
Cette réalité a notamment été documentée dans le cadre du partenariat pour l’emploi entre l’Union des Entreprises Luxembourgeoises (UEL) et l’ADEM par l’établissement d’une liste des métiers en pénurie. Mais, il ne s’agit que d’un indicateur parmi d’autres reflétant l’impossibilité de pourvoir aux besoins de compétences spécifiques des entreprises. Pour faire face aux exigences des entreprises, il s’agira de travailler sur des plans multiples. Certains leviers à activer sont d’ailleurs une simplification de la procédure relative au recrutement de salariés non-ressortissants de l’Union Européenne, ainsi que la révision du statut des immigrés impliquant des changements dépassant les adaptations actuellement prévues par le projet de loi sur le budget de l’État.
Le Luxembourg est actuellement confronté à deux problèmes majeurs, à savoir la pénurie de compétences disponibles et une inflation galopante, certes freinée temporairement par les mesures décidées dans le cadre de la « tripartite ». Sans vouloir développer davantage, je me dois de constater que toute proposition visant une réduction du temps de travail, certes populaire, mais néanmoins irresponsable, ne ferait qu’aggraver ces deux problèmes. En fait, une pénurie de services et une réduction des heures de prestations disponibles, combinée au manque persistant de main-d’œuvre pas seulement pour compenser les heures perdues, aurait nécessairement un impact inflationniste sur le prix des produits et services et affaiblirait le pouvoir d’achat de tout un chacun. L’idée de rendre le Luxembourg plus attractif pour les frontaliers par une réduction du temps de travail est une affirmation gratuite faute de compétences et profils adéquats disponibles dans l’ensemble de la Grande-Région pour parer à un tel dictat politique.