À l‘occasion des tables rondes ou autres manifestations pré-électorales réunissant candidats aux européennes et représentants d’entreprises au Luxembourg et dans les pays voisins, on a pu constater à quel degré la surrèglementation et la charge administrative qu‘elle engendre préoccupent le monde économique. Un certain nombre de politiques se montrent compréhensifs et annoncent des améliorations. La Commission européenne, initiatrice du cadre réglementaire en question, n’hésite pas à annoncer -25% de charge dans les obligations de reporting. Si, à première vue, on aurait tendance à croire que cela va dans la bonne direction, on peut toutefois légitimement se demander si ces annonces sont crédibles ou s’il ne s’agit que de paroles en l’air?

L’ordre du jour de la réunion du Conseil Compétitivité du 24 mai dernier réunissant les ministres de l’Économie et de l’Industrie des 27 États membres illustre bien la situation quelque peu ambivalente. Les ministres y ont parlé de l’avenir industriel de l’Europe, ils ont discuté le rapport « Letta » qui pointe du doigt une série de freins au développement et à la modernisation de notre économie et, dans leurs conclusions, ils ont souligné l’importance de renforcer la productivité et la compétitivité des entreprises européennes. Tout va pour le mieux? Pas vraiment, car l’ordre du jour de cette réunion comportait également l’adoption de règlements et directives supplémentaires, dont la fameuse directive sur le devoir de diligence qui, ensemble avec plusieurs autres textes ESG mal coordonnés, affiche le potentiel d’atteindre de nouveaux sommets en termes de charges administratives.

En adoptant ce texte, les ministres ont souligné, à juste titre, l’intérêt de disposer d’un cadre européen plutôt que d’une mosaïque composée de textes nationaux qui aurait pu faire éclater le marché intérieur, même si le texte adopté ne garantit pas non plus une parfaite harmonisation en la matière. Mais ce qui est particulièrement déplorable dans ce dossier, c’est le fait que ni le Conseil, ni le Parlement, ni les initiateurs de ce nouveau cadre réglementaire à la Commission ne se sont souciés sérieusement de questions de faisabilité ou de simplification. Or, ces questions préoccupent les entreprises qui devront se conformer aux nouvelles règles, soit directement en tant que grande entité tombant sous le champ d’application de la future directive, soit indirectement en tant que maillon de la chaîne d’approvisionnement d’une de ces grandes entités.

Devant cette nouvelle expérience somme toute décevante, il ne nous reste plus qu’à espérer en un revirement post-2024. Voici quelques recommandations aux décideurs politiques appelés à prendre des responsabilités européennes après le scrutin du 7 juin:

  • Ne pas s’adonner à une méfiance exagérée à l’égard des entreprises, cette méfiance qui explique en partie le tsunami réglementaire ayant marqué la législature passée.
  • Plutôt que de se fier exclusivement aux études d’impact commandées par les rédacteurs des propositions de législation, aller à la rencontre d’entreprises concernées par ces propositions pour améliorer le degré de compréhension de sujets qui peuvent présenter de multiples facettes.
  • Garder un œil critique sur la cadence et le volume des nouvelles réglementations et ne pas arrêter de faire pression en faveur d’un allégement significatif des réglementations existantes pour que les -25% et autres annonces vertueuses ne restent pas lettre morte.
  • Veiller à ce que des propositions sources de formalités pour les entreprises soient accompagnées de travaux d’élaboration des instruments digitaux nécessaires pour faciliter une application efficace et moins onéreuse auprès des administrés.

L’Union européenne a perdu du terrain par rapport aux autres grands espaces économiques. Nos performances économiques sont plutôt décevantes et nous risquons de rater en partie la transformation technologique avec notre industrie. La simplification administrative et l’amélioration de la qualité des textes législatifs doivent faire partie des mesures correctrices pour changer les choses.

René Winkin
Directeur de la FEDIL