L’absentéisme au lieu de travail pour cause de maladie a battu en 2022 le record1 de l’augmentation la plus importante d’une année à une autre depuis le début de l’analyse de ces données en 2006 par l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS).

Face à ce phénomène inquiétant, le gouvernement a pris la résolution d’analyser les raisons du taux d’absentéisme afin de mener des actions de prévention en concertation avec les parties prenantes et lutter contre toute forme d’abus en la matière2.

Alors que cet absentéisme engendre des conséquences financières pour les entreprises et sur l’organisation de ces dernières, la FEDIL ne peut rester en retrait face à ce constat et a déjà pris les devants en rédigeant une position3 sur le sujet dès la publication du rapport de l’IGSS, pointant du doigt certains comportements abusifs de salariés qui favorisent à augmenter ce chiffre sans que des solutions efficaces ne soient prises pour y remédier.

Parmi les solutions existantes, le contrôle administratif opéré par le Service contrôle et gestion des certificats d’incapacité de travail de la Caisse nationale de santé (CNS) est très souvent remis en cause par les employeurs pour l’absence de réactivité et l’inefficacité de ce service.

Les statuts de la CNS prévoient en effet aux articles 200 et 203, les conditions dans lesquelles la personne en incapacité de travail peut s’éloigner de son domicile ou se déplacer à l’étranger. En cas de contrôle, le non-respect de ces conditions pourrait constituer un indice pour l’employeur permettant, avec d’autres éléments probants, de remettre en cause la présomption d’incapacité de travail du salarié et par ailleurs entraîner des amendes pécuniaires pour le salarié.

Dans l’affaire4 en cause, le salarié engagé aux services de l’État du Grand-Duché de Luxembourg a, au cours d’une période d’incapacité de travail allant du 18 décembre 2019 au 3 avril 2020, violé à trois reprises les dispositions des articles 200 et 203 des statuts de la CNS, premièrement en participant en tant que porte-drapeau à la journée de commémoration en souvenir de la lutte menée par le peuple luxembourgeois durant l’occupation de 1940 à 1945 ayant fait l’objet d’un reportage sur RTL, deuxièmement en participant à une session de carnaval pour laquelle il a lui-même publié une vidéo sur son compte Facebook et troisièmement en étant absent lors d’un contrôle administratif effectué à son domicile vers 19.30 heures.

L’employeur a procédé au licenciement avec effet immédiat du salarié après la période de protection contre le licenciement en invoquant, d’une part, le non-respect des articles des statuts de la CNS cités, d’ailleurs repris dans la convention collective de travail des salariés de l’État et, d’autre part, la violation de l’obligation de loyauté et de bonne foi du salarié vis-à-vis de son employeur.

En première instance, le Tribunal du travail a qualifié le licenciement d’abusif après avoir jugé que les trois sorties non-autorisées pendant l’absence pour maladie reprochées au salarié ne constituaient pas des fautes suffisamment graves pour justifier un licenciement avec effet immédiat au regard de son ancienneté de 25 ans.

L’État en tant qu’employeur a interjeté appel de cette décision et il ressort de l’arrêt e la Cour d’appel que : « Si le non-respect du régime des sorties du malade est certes sanctionné par l’article 213 des statuts de la CNS, ces manquements peuvent également constituer des motifs réels et sérieux de licenciement pour être liés à la conduite du salarié et rendant impossible la continuation des relations de travail. »

Quant au principe de bonne foi, la Cour a admis que : « C’est cependant [le salarié] qui a manqué à cette obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail, principe général inscrit à l’article 1134 du Code civil, en profitant de ses arrêts de travail pour participer à des activités officielles et de loisirs, agissant en ce faisant dans un intérêt purement personnel et sans égard pour les droits de son employeur et de ses collègues de travail. Cette absence d’engagement et de motivation pour les intérêts du service caractérise un comportement déloyal à l’égard de son employeur, qui a été confronté à des problèmes d’organisation du service et de motivation pour les collègues de travail. »

La Cour d’appel a dès lors conclu à la réformation du jugement et a déclaré le licenciement justifié étant donné que les trois sorties non-autorisées « prises dans leur ensemble, constituent une cause sérieuse revêtant une gravité certaine rendant impossible, sans dommage pour l’entreprise, la continuation des relations de travail, le maintien de la relation étant irrémédiablement compromis et la confiance réciproque indispensable entre l’employeur et le salarié étant définitivement rompue. »

Vu le contexte exposé ci avant, cet arrêt présente un fort intérêt. Sans remettre en cause de manière générale la bonne foi des salariés en incapacité de travail, nous saluons la décision de la Cour d’appel qui nous l’espérons contribuera à réduire le nombre d’incapacités de travail « fictives » en attendant des actions concrètes à prendre en la matière au niveau étatique.

Ella Gredie
Conseillère affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL