Au terme de votre première année à la présidence de la FEDIL, quel regard portez-vous sur l’année qui vient de s’écouler et quels sont les grands sujets politiques qui ont marqué les activités de la FEDIL ?

Tout au long de l’année, c’est l’agenda européen qui a fortement marqué les activités et les travaux de la FEDIL. En amont des élections européennes de juin 2024, la FEDIL avait formulé toute une série de messages à l’attention des décideurs nationaux et européens amenés à forger la future politique, notamment industrielle et commerciale, de l’Union européenne. Au centre de ces revendications figuraient la redynamisation de l’industrie européenne, l’harmonisation du marché unique, l’encouragement de l’innovation, le renforcement des échanges commerciaux et l’allègement du carcan réglementaire. Tous ces sujets ont été abordés au fil des différents événements de la FEDIL – que ce soit lors de notre table ronde européenne, du FEDIL Industry Day ou encore de la Réception du Nouvel An des entreprises de cette année, où nous avons eu l’honneur d’accueillir Roberta Metsola, présidente du Parlement européen.

Après l’élection du nouveau Parlement européen et la mise en place de la seconde Commission von der Leyen, l’actualité européenne a continué de marquer les activités de la FEDIL, notamment suite à la publication du rapport d’Enrico Letta sur le marché unique – déjà publié avant l’échéance électorale – et du rapport de Mario Draghi sur la compétitivité européenne. Ce dernier a fait l’objet d’une analyse détaillée pour ce qui est des sujets relevant de la compétence de la FEDIL, avec une attention particulière portée sur la surrèglementation et la question énergétique.

Vous allez même jusqu’à parler de fléau de la surrèglementation…

En effet, tous les acteurs économiques, quel que soit leur domaine d’activité, perçoivent la surrèglementation et les charges administratives comme un important frein à la compétitivité. Les messages relatifs à ce sujet, véhiculés lors des dernières élections européennes, la prise de conscience sur le sujet de la compétitivité ainsi que les défis en la matière posés par nos partenaires commerciaux ont enfin initié le lancement d’actions correctives au niveau européen. Il ne s’agit pas d’abandonner les objectifs des règlementations en question, mais de redresser le tir après avoir constaté l’ampleur des implications réglementaires récentes, qui soulèvent des questions sérieuses quant à la faisabilité, à la capacité et au coût de gestion, ainsi qu’à l’intégrité du marché intérieur.

La « Boussole de la compétitivité » dont s’est dotée la Commission européenne et le paquet « Omnibus » visant à simplifier les règles européennes, doivent maintenant être suivis d’actions concrètes, pragmatiques et incisives. Nous n‘avons pas droit à l‘échec dans cet exercice de rééquilibrage particulièrement important pour l‘avenir économique de l’UE, en général, et notre avenir industriel, en particulier.

Au niveau national aussi, les actions du gouvernement vont dans le sens de la simplification administrative et du « Once Only », ce qui est bien sûr favorablement accueilli par les entreprises et les citoyens.

Dans votre programme d’investiture, vous avez placé les sujets liés à l’intelligence artificielle en haut de l’agenda, avec l’ambition de positionner la FEDIL comme un interlocuteur privilégié dans la transition numérique des entreprises. Quelles actions ont été mises en place pour prétendre à ce rôle ?

Lorsque j’ai consulté l’année passée certains de nos membres sur leurs sujets prioritaires, tous ont unanimement mentionné l’intelligence artificielle comme un facteur susceptible d’impacter leurs activités industrielles et commerciales. De ce fait, les experts de la FEDIL ont pris le sujet à bras le corps et se sont prioritairement penchés sur la transposition et l’implémentation de réglementations européennes importantes, telles que le Data Act, l’AI Act ou encore la directive NIS 2.0. Pour optimiser l’information à destination de ses membres, dynamiser les discussions et favoriser le partage de bonnes pratiques, la FEDIL a organisé un certain nombre de conférences et instauré des plateformes d’échange dédiées : les Digital & Innovation meet-ups, le FEDIL AI Forum et le FEDIL NIS2 Forum connaissent un grand succès auprès des entreprises et sont désormais des rendez-vous fixes dans notre calendrier.

La FEDIL a également présenté sa « Stratégie d’IA pour un Luxembourg compétitif et résilient » devant le Haut Comité à la transition numérique. Par ailleurs, elle a publié un avis sur le projet de loi 8476 (implémentation de l’AI Act), dans lequel elle met en exergue le rôle des futurs régulateurs et le cadre infrastructurel, y compris la question énergétique. Finalement, en partenariat avec Luxinnovation et avec le soutien de la Chambre de Commerce, la FEDIL a lancé la première édition des « Luxembourg AI Excellence Awards » qui sont remis à l’occasion de Nexus Luxembourg 2025. À côté du projet existant du Digital Innovation Hub, nous comptons aussi promouvoir l’activité des « AI Factories » de Luxinnovation.

Je tiens à souligner l’utilité des mesures d’incitation et d’accompagnement, initiées par le gouvernement directement ou à travers le réseau des organisations publiques du monde de l’innovation et de la recherche. Mais pour réaliser nos ambitions en la matière, il est impératif de faire les bons choix réglementaires et de prendre les bonnes décisions en matière d’infrastructures. Une collaboration étroite entre les acteurs publics et privés ainsi qu’entre les porteurs de projets et les fournisseurs de solutions est essentielle pour faire avancer les choses.

Vous venez de mentionner la question énergétique qui est pertinente aussi pour la transition numérique et l’économie des données. La FEDIL reste très impliquée dans tous les dossiers liés à la transition énergétique et à la décarbonation de l’industrie. Quels leviers peuvent être actionnés pour améliorer la compétitivité de l’industrie ?

Il ressort des messages de nos membres que nos entreprises manufacturières restent très vigilantes quant à la question énergétique. Disposer d’une électricité à un prix compétitif est considéré comme l’une des clés pour réussir le gigantesque chantier de la décarbonation de notre économie. Que ce soit à travers sa participation active à l’« Energiedësch » instauré par le nouveau gouvernement, sa collaboration au sein du Haut Comité pour le développement de l’industrie ou encore dans le cadre de la négociation d’un nouvel Accord Volontaire 2024-2030, la FEDIL a su faire valoir ses positions et recommandations en faveur des entreprises membres exposées à des coûts énergétiques élevés et à des objectifs de décarbonation difficiles à atteindre.

Nous sommes particulièrement satisfaits que notre collaboration avec le ministère de l’Économie et de l’Énergie ainsi qu’avec les spécialistes du secteur au sein et en marge du Haut Comité pour l’Industrie ait permis d’identifier des pistes d’action très concrètes qui seront soumises au gouvernement dans l’intérêt de nos entreprises et des consommateurs en général. Nous savons que la marge de manœuvre pour influencer la facture énergétique n’est pas illimitée, en raison des contraintes de marché ou encore de l’encadrement européen en cours d’amélioration. Mais il est essentiel d’utiliser la marge de manœuvre dont nous disposons pour influencer les décisions européennes dans le bon sens.

Avec plus de 1.900 conseils personnalisés, dont la plupart concerne le domaine des affaires sociales, la FEDIL est fortement sollicitée pour accompagner ses entreprises membres dans des questions relatives au droit du travail. Quels sont les sujets qui ont été dernièrement au centre des préoccupations ?

Dans le domaine des relations de travail et des affaires sociales, une attention particulière a été portée à l’absentéisme sur le lieu de travail, un sujet également abordé dans une enquête menée par l’UEL. Par ailleurs, les élections sociales de mars 2024, la directive sur la transparence des rémunérations, l’imposition des salariés frontaliers allemands et plusieurs projets de loi relatifs à l’organisation du travail figuraient en haut de l’agenda. La FEDIL continue d’œuvrer aux côtés de l’UEL pour une modernisation des instruments de dialogue social. Face aux besoins de modernisation et d’adaptation de notre cadre légal, nous sommes confiants quant aux annonces faites dans le programme gouvernemental et pensons qu’elles vont dans le bon sens. Nous espérons que le dialogue social relancé par le gouvernement mènera aux résultats escomptés.

La pénurie de main-d’œuvre qualifiée, l’attrait et la rétention de talents, la formation professionnelle continue, voilà d’autres thèmes qui préoccupent nos membres et pour lesquels la FEDIL s’engage à travers différentes initiatives et collaborations. La FEDIL a par ailleurs relancé le projet HelloFuture, en partenariat avec le gouvernement et la Chambre de Commerce, visant à promouvoir les métiers techniques et scientifiques auprès des jeunes. Ainsi 35 présentations, auxquelles nos entreprises membres sont associées, ont pu se faire dans une douzaine de lycées à travers le pays.

Compte tenu des derniers développements en matière de politique commerciale internationale et des enjeux géopolitiques actuels, l’économie européenne, et en particulier son industrie, traverse une période difficile, marquée par de nombreuses incertitudes. Comment la FEDIL se positionne-t-elle face à ces chamboulements et comment peut-elle accompagner ses entreprises ?

En effet, après la pandémie de Covid, la rupture de certaines chaînes d’approvisionnement et la crise énergétique provoquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les relations économiques internationales sont aujourd’hui impactées par la politique commerciale tous azimuts du président Trump. Lors de notre assemblée générale du 24 avril dernier, Johan Geeroms, Risk Director chez Allianz Trade, nous a dressé un tableau bien sombre en partageant les perspectives macroéconomiques et les risques respectifs pesant sur les économies européennes, asiatiques et américaines.

Les moments difficiles que nous sommes en train de vivre dans nos relations transatlantiques et les risques d‘une escalade des conflits commerciaux entre les principaux espaces économiques nous rappellent de manière frappante les avantages des principes d’ouverture économique, de fluidité des relations commerciales et l‘intérêt d‘entrer dans des accords commerciaux équilibrés avec nos partenaires. En Europe, comme ailleurs, les discours politiques avaient tendance à rassurer l’électorat sur la possibilité de se retrancher derrière des murs protectionnistes, sans mentionner le prix économique à payer. Nous espérons que l‘Europe unie se rappellera les vertus d‘un commerce mondial intacte et qu‘elle saura éviter les tensions malsaines, voire l‘escalade dans les conflits. La disponibilité de nombreuses ressources indispensables au fonctionnement de notre économie, le coût des fournitures intermédiaires de nos industries et les chances d‘écoulement de nos produits dépendent de la réussite de cet exercice difficile.

Indépendamment de l’issue de nos négociations avec nos partenaires commerciaux, et notamment les États-Unis – issue que nous ne maîtrisons pas entièrement -, n’oublions jamais qu’une partie de la réponse à cette situation difficile est entre nos mains, à savoir le renforcement de notre compétitivité, qui est une priorité absolue, voire une question de survie, pour les entreprises luxembourgeoises et européennes. Nos critiques à l’adresse de ceux qui veulent taxer nos exportations vers leurs pays ne sont pas très crédibles, si nous n’arrêtons pas d’alourdir nous-mêmes la charge interne des entreprises qui pratiquent ces exportations.

La FEDIL vient de renforcer son équipe pour améliorer son expertise sur ces sujets qui ont atteint une telle ampleur sur la scène politique qu‘il serait insensé pour nous de les ignorer ou de les sous-estimer. En particulier en matière de nouvelles réglementations et de mesures protectives et de leur impact possible sur les flux de marchandises et de services, la FEDIL continue de suivre de près les dossiers y relatifs sur le plan politique et d’accompagner ses membres sur cette question.

Au niveau national, il s’agit de poursuivre le dialogue constructif avec les ministères et les administrations pour traduire les intentions du gouvernement en actions propices à la croissance économique, à la modernisation du droit du travail ou encore à l’attrait d’investissements et de talents.