Même si le reclassement professionnel interne procure une protection contre le licenciement, cette protection ne vaut que pour le licenciement avec préavis et ce jusqu’à 12 mois après la notification de la décision de la Commission mixte1.
Ainsi, un salarié reclassé en interne peut faire l’objet d’un licenciement avec effet immédiat en cas de faute grave dans son chef rendant immédiatement et définitivement impossible le maintien des relations de travail pendant la période de 12 mois visée ci-dessus et même être licencié avec préavis après cette même période.
Dans l’affaire 2 en cause, la salariée engagée en qualité d’agent d’entretien reclassée en interne avec une réduction du temps de travail a été licenciée avec effet immédiat le 15 février 2020 pour refus de travail. Elle s’est pourvue en justice pour voir déclarer son licenciement abusif au motif que l’employeur n’aurait pas rempli les obligations lui incombant alors qu’elle aurait été déclarée inapte à son poste de travail par le médecin du travail.
Le Tribunal du travail a déclaré le licenciement abusif en soutenant qu’eu égard à la décision de reclassement interne du 21 décembre 2018, à la déclaration d’inaptitude définitive du médecin du travail du 5 décembre 2019 ainsi qu’à la décision de la Commission mixte du 24 décembre 2019 de maintenir les conditions du reclassement professionnel décidé antérieurement, l’employeur aurait dû réaffecter cette dernière à un nouveau poste de travail tout en faisant constater l’aptitude à ce nouveau poste par le médecin du travail compétent suivant les dispositions de l’article L. 551-1 (3) du Code du travail.
Dès lors, pour les juges de 1re instance, l’éventuel refus de la salariée de réaliser des travaux de nettoyage « en restant assise sur une chaise » n’est pas d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement avec effet immédiat.
Le raisonnement du Tribunal s’étant avéré erroné, c’est donc à juste titre que le jugement a été réformé en appel. Avant tout progrès, la Cour d’appel a rappelé que la salariée n’a pas exercé de recours contre les deux décisions de la Commission mixte qui, à deux reprises, n’a pas suivi l’avis du médecin du travail suggérant un reclassement externe de cette dernière.
Ensuite, la Cour a tenu à expliquer que : « À la suite de la décision de la Commission mixte du 21 décembre 2018, un avenant au contrat de travail de la salariée a été conclu en date du 14 janvier 2019 et l’aptitude de celle-ci au nouveau poste de travail a été validée par le médecin du travail en date du 5 février 2019.
Dans la mesure où la Commission mixte n’a pas rendu, en date du 24 décembre 2019, une décision de reclassement professionnel, mais s’est limitée à maintenir les conditions du reclassement professionnel décidées antérieurement, de sorte que les tâches à effectuer par la salariée n’avaient pas à être adaptées, l’employeur n’était pas tenu de faire constater à nouveau l’aptitude de [la salariée] au poste lui assignée, suite à la décision du 21 décembre 2018. En effet, les dispositions de l’article L. 551-1 (3) 3 du Code du travail ne s’appliquent pas dans l’hypothèse où, suite à une réévaluation des capacités résiduelles du travailleur, les conditions d’un reclassement professionnel interne antérieurement décidées sont maintenues. Il ne saurait davantage être reproché à [l’employeur] de ne pas avoir tenu compte du rapport du médecin du travail du 5 décembre 2019, faisant état d’une inaptitude au poste de travail préconisant un reclassement externe, ainsi qu’une réorientation professionnelle, dès lors que la décision de la Commission mixte prime celui-ci et que l’employeur se devait uniquement de respecter cette décision. »
La Cour d’appel conclut que l’employeur a suffi à son obligation suite à la décision du 24 décembre 2024 et était donc en droit d’affecter la salariée à un poste d’agent d’entretien tel que validé antérieurement par le médecin du travail.
Pour ce qui est de la salariée, la Cour a jugé qu’elle : « n’était pas en droit de refuser toute mission de nettoyage en invoquant son état de santé et l’avis du médecin du travail, non entériné par la Commission mixte. Se sentant en incapacité d’exercer les tâches correspondant au poste validé par le médecin du travail en 2018, il lui aurait appartenu d’exercer un recours contre la décision du 24 décembre 2019 auquel cas son contrat aurait été suspendu jusqu’au jour où le recours aurait été définitivement vidé, conformément à l’article L. 551-10 (1) du Code du travail. »
La décision du Tribunal du travail dans cette affaire ayant été construite sur des fausses bases, nous saluons le fait que l’employeur ait fait appel de ce jugement. Il est évident, comme l’ont si bien mentionné les juges du second degré, que la position du médecin du travail ne lie pas la Commission mixte qui est seule compétente pour décider d’un reclassement externe ou interne et de ses conditions.