Le transport de béton prêt à l’emploi sans émissions : voilà le défi à relever pour les entreprises du secteur. Spécialisée dans la fabrication et le transport de béton prêt à l’emploi depuis 1958, la société Bétons Feidt dispose aujourd’hui d’une flotte de 180 camions malaxeurs et d’une équipe d’environ 450 salariés.

En permanence à la recherche de nouvelles façons de réduire les émissions, Bétons Feidt a entamé les discussions avec la société Liebherr, spécialisée dans le développement de toupies, dès 2016. En constatant que les constructeurs automobiles n’étaient, à cette période, qu’aux débuts du développement des technologies de propulsion du futur, l’idée était de développer des technologies innovantes indépendamment de la stratégie des constructeurs automobiles. Dès lors, Bétons Feidt et Liebherr se sont tournés vers le développement de toupies électriques en semi-remorque

Il s’agissait alors d’innover et de faire les premières expériences avec l’entrainement électrique de la toupie. Une des contraintes majeures du projet était de développer une technologie qui sera compatible avec les camions du futur, indépendamment de l’énergie servant de propulsion pour le porteur. Ainsi, les deux premiers prototypes de la série ETM, équipés de toupies de 12m3, ont été testés en conditions réelles sur chantier au Luxembourg dès 2018. Ces équipements se caractérisent donc par l’entraînement électrique de la toupie : la batterie embarquée de la bétonnière se charge pendant le trajet entre la centrale et le chantier, à l’aide d’une génératrice couplée au moteur du camion, ou par recharge externe, soit durant les chargements, soit pendant la nuit.

Le fait de pouvoir couper le moteur du porteur dès l’arrivée au chantier permet de supprimer les émissions locales, résultant dans une amélioration de la qualité de l’air. Par ailleurs, le fonctionnement silencieux de la toupie 100% électrique permet de distribuer le béton aux heures décalées et dans des zones densément peuplées dans de meilleures conditions.

Finalement, la gestion intelligente de l’utilisation de l’énergie permet une réduction de la consommation de carburant de 30%, en évitant les pointes résultant du besoin en énergie simultané pour la rotation de la toupie et le transport du béton prêt à l’emploi, et ceci sans besoin de recharge externe.

À relever également que le CGDIS Hesperange a été impliqué dans le projet et que les prototypes de la série ETM ont été mis à disposition des services de secours pour des formations spécifiques d’intervention. L’objectif étant de faire découvrir aux services de secours la technologie du futur afin de garantir une prise en charge rapide et adaptée en cas d’incident.

Aujourd’hui, Bétons Feidt dispose de 3 camions de la série ETM avec des toupies électriques en semi-remorque. Dans la mesure où les constructeurs automobiles tablent sur des technologies alternatives de propulsion pour les porteurs dès 2025, la combinaison de l’utilisation d’énergies renouvelables pour les porteurs avec des toupies électriques pourra faire des bétonnières des véhicules 100% sans émissions locales.

Cependant, le transport de béton prêt à l’emploi sans émissions n’est pas seulement une question de technologie.

Alors que les avantages au niveau écologique sont indéniables, la technologie des toupies électriques a aujourd’hui un surcoût important, de l’ordre du quadruple du prix d’un engin traditionnel. Certes, la réduction de la consommation de carburant dû au fait que le porteur soit à l’arrêt en phase de chargement et sur chantier allège la facture, mais il s’agit aujourd’hui d’élaborer un cadre dans la construction urbaine qui permettra l’émergence des technologies neutres en émissions dans le futur, comme p.ex. une tarification spécifique pour la construction en milieu urbain.

Afin d’atteindre l’objectif de 0% d’émissions locales, il s’agit de mettre en œuvre un concept global avec une approche chantier et des engins spécialisés dans le transport urbain.

Les exigences spécifiques pour le transport du béton prêt à l’emploi requièrent l’utilisation de camions de grande taille, y compris pour la livraison locale (i.e. last-mile).

Cela passe donc par de nouvelles exigences aux constructeurs pour développer des engins destinés au milieu urbain incorporant des aspects tels qu’une limitation de la vitesse maximale des camions, adaptée aux restrictions urbaines, ou encore des capacités d’autonomie adaptées spécifiquement aux trajets courts. Cela permet de réduire le besoin en énergie finale nécessaire au transport et d’accélérer ainsi la mise au point de moteurs utilisant des énergies renouvelables pour les porteurs.
Évidemment, encore faut-il que la centrale de chargement du béton prêt à l’emploi reste à proximité des grands chantiers.

Les auteurs
Jean-Marc Zahlen
Conseiller énergie et environnement auprès de la FEDIL