Le secteur de la construction connaît actuellement une crise à causes multifactorielles. Avec son « Programme politique OAI (ppo.lu) pour les élections législatives 2023 », l’Ordre des Architectes et des Ingénieurs-Conseils (OAI) a apporté sa contribution et nourri les réflexions autour des thématiques décisives pour l’avenir de notre cadre de vie.

L’accord de coalition a repris heureusement plusieurs points essentiels de nos propositions. L’OAI et ses membres sont très bien placés pour contribuer à concrétiser rapidement ces dossiers.

Ainsi, simplifions les démarches administratives pour toutes les parties prenantes, libérant des ressources pour mettre la qualité des projets et leur plus-value réelle pour notre vivre-ensemble au centre.

Rendons le cadre légal et réglementaire plus opérationnel en établissant un véritable code de la construction, qui structure, hiérarchise et surtout assure la cohérence de tous les textes applicables en la matière.

Adaptons aussi le déroulement des projets aux connaissances et exigences actuelles. Les maîtres d’ouvrage ont tout avantage à opter pour une programmation détaillée et une conception poussée et intégrale, selon la méthodologie Maîtrise d’œuvre OAI (MOAI.LU) ; une condition sine qua non d’une réalisation efficiente, rapide et économe, soucieuse des investissements tout en garantissant un cadre de vie durable.

Le Luxembourg dispose de tous les atouts pour ouvrir la voie et être un moteur dans ce domaine, aussi par un
« Baurecht » performant qui favorise la création de qualité : un programme de la qualité architecturale et technique pour des constructions expérimentales et simples !

Nos propositions très concrètes se résument en 6 revendications phares pour tenter d’enrayer cette polycrise :

Pour un.e « BAUTEMINISTER.IN » et un véritable code de la construction

Nous avons besoin d’un.e « Bauteminister.in », non pour mettre toutes les administrations et procédures d’autorisation sous sa seule responsabilité, mais pour garantir une réponse univoque des pouvoirs publics.

Il faut aussi :

  • poursuivre la simplification administrative et la digitalisation intelligente des procédures ;
  • établir un code de la construction pour sortir du maquis législatif des règlementations diverses ;
  • établir un véritable code de la qualité architecturale et technique en dialogue avec les professionnels ;
  • favoriser la normalisation à l’initiative du secteur de la construction ;
  • légiférer moins, mais mieux avec l’apport et l’écoute des acteurs du terrain.

Pour un renouveau du programme de politique architecturale

Dans l’esprit du « nouveau Bauhaus européen » 1 il faut insuffler un renouveau du programme de politique architecturale, promouvant une architecture de haute qualité et la « Baukultur », et ainsi de :

  • valoriser une programmation détaillée et une conception poussée des projets de construction, suivant le principe « Design First, Build Smart, Sustainable and Inclusive » ;
  • reconnaître la plus-value apportée par les concepteurs indépendants à l’acte de bâtir, en attribuant également à ces derniers des missions complètes et mieux valorisées;
  • encourager l’innovation technique et les projets pilotes expérimentaux, en particulier via des projets publics exemplaires;
  • favoriser des solutions Less is more if Less is Quality and Health, selon le principe de la « sobriété heureuse » (Suffizienz), avec le secours d’une conception architecturale et technique ingénieuse soucieuse d’un emploi raisonné des ressources.

Pour une réforme ambitieuse de la législation portant organisation des « Professions OAI »

L’OAI a émis un avis 2 critique sur le projet de loi n°7932 sur l’exercice des professions libérales des secteurs de la construction et de l’aménagement du territoire (visant à remplacer l’actuelle loi du 13 décembre 1989). L’OAI souhaite des amendements, dont :

  • l’extension du recours obligatoire du maître d’œuvre postérieurement à l’autorisation de bâtir, en particulier pour la réalisation des plans d’exécution du projet, et afin d’assurer lors de la phase chantier, la présence d’hommes de l’art indépendants et responsables reprenant une mission publique de contrôle qui à défaut serait vacante ;
  • une interdiction expresse des activités ou sous-traitance illicites des professions réglementées en cause par des acteurs étrangers aux Professions OAI ;
  • la préservation et le renforcement de l’indépendance du capital social des sociétés, dont la détention majoritaire et le contrôle doivent rester aux mains des titulaires des professions libérales exerçant des Professions OAI.

La réforme de la législation sur les marchés publics : Attribution du marché au « mieux-disant » sur base de critères qualitatifs QBS (Quality Based Selection)

En dépit des innovations de la Directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics, l’attribution des marchés se base trop souvent sur les critères des coûts ou du prix à court terme. Pourtant, les honoraires des concepteurs représentent une faible fraction dans l’investissement financier d’un projet. Et surtout, une conception intelligente réduit les coûts futurs (maintenance, consommation d’énergie, extension, déconstruction, etc..). Il faut :

  • privilégier réellement les critères qualitatifs lors de l’attribution des marchés publics ;
  • appliquer la méthodologie « QBS » (Quality-Based Selection) recommandée par l’Union Internationale des Architectes ;
  • valoriser la phase de programmation et de conception des ouvrages, en allouer davantage de moyens aux concepteurs, afin de construire de manière plus durable et circulaire.

Réforme du code civil et des règles régissant les responsabilités des constructeurs et et des assurances

La réforme annoncée par le projet de loi n°5704 portant réforme des régimes de responsabilité en matière de construction 3 est encalminée depuis 2007. Il faut la relancer.

Aider le secteur des concepteurs indépendants pour améliorer leur compétitivité et relever les nouveaux défis

Les pouvoirs publics doivent apporter leur soutien pour affronter les défis à relever (marché de l’emploi, économie circulaire, intelligence artificielle, bâtiments intelligents, digitalisation (BIM)…). Il convient aussi d’adopter des mesures de formation et rendre plus attractifs les métiers techniques (cursus scolaire, formations de métiers spécifiques, académie professionnelle, réforme des BTS…) et stimuler la recherche et le développement en la matière, avec le secours des organismes déjà actifs au Luxembourg.


(1) Voir également le courrier du 16 décembre 2021 de l’OAI adressé au Gouvernement et à la Chambre des Députés dans la rubrique « Avis OAI » de la Médiathèque du site www.oai.lu
(2) Cf. le document parlementaire n°79321 sur www.chd.lu
(3) Voir projet de loi n°5704 portant réforme des régimes de responsabilité en matière de construction et modifiant le code civil (2007) sur www.chd.lu