La généralisation des véhicules électriques, voulue pour 2035 en Europe, reste un défi majeur. Elle se heurte à bien des interrogations. Les décisions prises aujourd’hui ne doivent pas priver une partie des usagers de moyens de déplacement individuels abordables. L’ACL propose des pistes de réflexion.

Parce qu’il s’agit de pouvoir se déplacer d’un point A à un point B le plus efficacement possible, la mobilité apparaît plus que jamais comme un maillon indispensable de notre économie, d’autant plus dans un contexte transfrontalier tel que le vit le Luxembourg au jour le jour. Mais au fond que se cache-t-il derrière le terme « mobilité » ? Quelles solutions pour optimiser les investissements dans la gestion d’un parc d’entreprise ? Comment rester compétitif quand de nouvelles obligations viennent s’ajouter à une crise sanitaire longue de deux ans et un renchérissement record des matières premières ?

Les experts de l’ACL proposent de répondre en gardant l’esprit ouvert tout en considérant la réalité économique du terrain.

DES COÛTS SIGNIFICATIFS

Avec 282 millions de véhicules circulant sur son territoire, l’Union européenne dispose d’un parc de véhicules conséquent. Sa décarbonisation des véhicules neufs voulue pour 2035 ouvre l’un des chapitres les plus captivants de l’histoire de la mobilité individuelle depuis l’avènement de l’automobile. Elle s’accompagne aussi de nouveaux défis colossaux à relever. Il ne s’agit pas seulement de remplacer un moteur thermique par un moteur électrique mais aussi d’investir dans des infrastructures de distribution électrique à l’état embryonnaire.

Les aides de l’État annoncées dans le cadre du « Klimapakt fir Betriber » sont un premier pas mais apparaissent d’ores et déjà insuffisantes au regard des sommes en jeu. Entre le renouvellement des véhicules, les infrastructures de recharge mais aussi de nouveaux procédés de production plus écoresponsables, les investissements à réaliser par les entreprises, en particulier l’industrie, sont énormes.

Comment calculer aujourd’hui la puissance nécessaire pour un parc automobile qui n’existe pas encore ? Quelles bornes de recharge choisir : rapides, intelligentes, normales ? Vers qui se tourner pour obtenir des conseils avisés en la matière ?
Combien coûtera cette électricité consommée pour le transport lorsque les taxes actuelles sur les carburants fossiles seront reportées sur la consommation électrique en kWh ?

Entre le déploiement des bornes de recharge, la capacité de l’infrastructure électrique, la production d’électricité verte, les écueils se multiplient autour de la décarbonisation de la mobilité. La transition énergétique se fait en ordre dispersé.
Outre le renouvellement de leur propre parc de véhicules, les entreprises doivent en plus se soucier de leur capacité à accueillir et à recharger ceux de leurs collaborateurs et de leurs visiteurs sur site.

DE NOUVELLES RESPONSABILITÉS

Ce n’est un secret pour personne, le trafic professionnel – matin et soir – est celui qui encombre le plus les routes. La mobilité telle qu’on l’entend aujourd’hui ne se limite pas seulement aux moyens de déplacement, elle s’étend aux infrastructures routières et ferroviaires. Or, à l’heure actuelle, le compte n’y est pas. Les investissements publics n’ont pas suivi l’essor économique de notre pays.

Et pourtant, le fardeau de la mobilité (ou de l’immobilité) a été transféré aux entreprises sous couvert de leur responsabilité sociale (RSE ou CSR en anglais). Il leur est demandé de tenir compte des obstacles qui se dressent chaque jour sur le chemin de leurs collaborateurs pour se rendre au travail afin de rester attractives et attirer la main-d’œuvre dont elles ont besoin.

Qu’ai-je à offrir de plus à mes salariés ? Une place de stationnement avec une borne de recharge ? Un parcours sécurisé à vélo du domicile au travail ? Comment apporter des solutions aux 210 000 frontaliers qui sont exclus des subsides étatiques au Luxembourg et, la plupart du temps aussi, dans leur pays de résidence ? À l’ACL, nous sommes d’avis que ces questions autour de la mobilité sont cruciales.

En faisant évoluer le métier de gestionnaire de parc automobile vers une fonction de « Mobility Manager » (avec une formation adéquate) dans les entreprises et les administrations, les acteurs économiques parviendraient non seulement à réduire l’impact de leurs déplacements sur l’environnement mais également à contenir les coûts qui y sont liés. À l’instar d’un délégué à la sécurité, le rôle du
« Mobility Manager » sera de proposer des solutions sur la gestion du parc auto, la mobilité alternative, les déplacements domicile-travail, les infrastructures de stationnement et de charge, l’empreinte carbone de l’entreprise, etc.

Les coûts pourraient d’ailleurs être mutualisés en encourageant les sociétés géographiquement proches à travailler main dans la main. Car c’est aussi l’un des autres défis majeurs : les moyens de déplacements individuels doivent rester abordables pour tout un chacun. Les offres de transports en commun peineront systématiquement à satisfaire les besoins de l’ensemble des usagers, notamment ceux qui travaillent de nuit ou en milieu rural loin des réseaux de transport public.

LES ALTERNATIVES AU TOUT-ÉLECTRIQUE

La réussite de cette transition vers une mobilité respectueuse de la planète passe nécessairement par une stratégie à moyen et long terme. La décarbonisation de notre société ne peut pas être seulement électrique. Il est nécessaire de maintenir une certaine ouverture technologique par rapport au tout-électrique et de développer des alternatives afin de répondre à la réalité du terrain. Par exemple, le diesel synthétique (de type HVO) permet d’ores et déjà de réduire les émissions de CO2 de plus de 70 %.

À en croire les messagers de la Commission européenne, l’avenir sera électrique ou ne sera pas. Pour l’ACL, le futur s’écrit en trois lettres : M.I.X. comme mix énergétique. Si la propulsion électrique à batterie présente de nombreuses vertus, elle ne peut répondre à tous les besoins en matière de mobilité et de transport. Les transports de marchandises ne peuvent fonctionner avec les temps de recharge imposés. De même, les flottes de véhicules qui doivent tourner 24h/24 et 7j/7 nécessitent des ajustements au risque de devoir dupliquer la flotte pour maintenir la continuité des services.

En investissant dans les filières neutres en carbone adéquates, les carburants synthétiques (eFuel et HVO) pourraient nous permettre de conserver les moteurs thermiques pour assurer la transition vers le tout-électrique de manière sereine et parfaitement planifiée. Ceci d’autant plus que la filière hydrogène (pile à combustible) ne verra le jour à grande échelle que lorsque les infrastructures de production renouvelables et de distribution seront déployées.

Comment développer un réseau de recharge en milieu urbain pour les personnes vivant en copropriété et celles vivant en location ? Comment gérer le problème brûlant des feux de batterie particulièrement difficiles à circonscrire ? Aujourd’hui, de nombreuses questions essentielles demeurent sans réponse et il est urgent de mettre en place un cadre légal national ou européen. Une des clés de la réussite de toute stratégie est la capacité à tirer parti de chacune des options à disposition. Ne mettons pas tous nos œufs dans le même panier.