Le Luxembourg bénéficie depuis longtemps de taux de croissance structurellement élevés, d’une économie ouverte avec des revenus moyens élevés et d’une aisance peu fréquente dans le groupe des pays industrialisés. Dans le même temps, le pays s’internationalise chaque année davantage tout en conservant une excellente qualité de vie.

Qui ne voudrait pas signer pour cela ? Et une fois que l’on a atteint ce « sweet spot », qui n’a pas envie d’y rester ? Pour la Belgique voisine, partenaire dans l’Union économique belgo-luxembourgeoise, le modèle économique luxembourgeois est également un modèle que nous souhaitons vivement voir perdurer, parce que nous sommes amis et voisins. Et parce que, tout simplement, nous y avons aussi intérêt, il n’y a rien de mal à cela. Et il offre même de grandes opportunités à la Belgique voisine.

Aucune économie n’est jamais statique et garantie pour toujours. Et c’est d’autant plus vrai pour une économie de marché ouverte et internationale comme celle du Luxembourg. Le Luxembourg a en outre la particularité de dépendre fortement de plus de 210 000 travailleurs transfrontaliers des pays voisins, dont plus de 50 000 venant de la Belgique limitrophe.

DES DIFFICULTÉS DE CROISSANCE EN PERSPECTIVE. MAIS PAS SANS OPPORTUNITÉS

Des études récentes (juin 2022) du Comité économique et social et du groupe de réflexion IDEA de la Chambre de Commerce (février 2023) contiennent des indications fondées sur les défis et les opportunités futurs pour notre pays voisin. À l’horizon 2050, le Luxembourg devrait voir sa population doubler, avec – en même temps – un doublement du nombre de travailleurs frontaliers. Actuellement, il y a déjà une pénurie sur le marché immobilier (avec un petit exode correspondant de jeunes Luxembourgeois vers la Belgique, la France et l’Allemagne). La mobilité transfrontalière est un défi quotidien, et tout cela se produit dans le contexte d’une économie en pleine transition énergétique et d’une révolution numérique.

Comme d’autres États membres de l’Union européenne, le Luxembourg a récemment laissé derrière lui la période de la pandémie. Sur le plan économique, cela a eu pour conséquence de nous permettre d’expérimenter le travail à domicile. Les réticences latentes dans le monde des affaires ont pu être surmontées en grande partie et en peu de temps sous la pression des circonstances. Même si cette nouvelle approche ne s’est pas avérée applicable dans tous les secteurs ou pour tous les travailleurs.

Le grand pas en avant autour du télétravail a même conduit le Luxembourg à voir cette nouvelle réalité se traduire par une mise à jour des accords avec la Belgique et la France autour du traitement fiscal de ce type de travail.

Nombreux sont ceux, en particulier du côté des employés, qui attendent presque tout le salut d’un développement du télétravail. Les médias du Luxembourg et de la Grande Région expriment souvent et avec enthousiasme l’espoir et la perspective de périodes d’exonération fiscale encore plus longues pour le travail à domicile dans les relations avec les pays voisins. Je partage moi-même cet espoir, sur base des expériences personnelles que j’ai acquises en faisant la connaissance de travailleurs frontaliers et d’employeurs au Grand-Duché. En même temps, cette approche, dans une grande mesure, ne traduit que le point de vue de ceux qui font des trajets quotidiens parfois frustrants à travers les frontières.

Cependant, les gouvernements doivent prendre en compte des perspectives multiples et s’efforcent de trouver des solutions dans l’intérêt du plus grand nombre. Et je parle du développement économique dans la région métropolitaine au sens large, des travailleurs frontaliers, mais aussi de ceux qui habitent et travaillent dans la région sans traverser une frontière.

LA CONSULTATION ET LE DIALOGUE TRANSFRONTALIER OFFRENT UNE EXCELLENTE OPPORTUNITÉ AFIN DE TROUVER DES RÉPONSES AUX QUESTIONS OUVERTES

Le télétravail n’offre donc pas une solution exclusive aux objectifs de développement économique dans la région métropolitaine autour de Luxembourg. Un recours massif au télétravail risque d’offrir un confort à certaines parties prenantes, mais risque aussi de créer d’autres problèmes. Sur le plan immobilier par exemple, son usage accru causerait un étalement de la pression immobilière sur les régions concernées, y créant une pénurie de logements et une hausse des loyers. Celle-ci aura alors pour effet d’accroître les inégalités sociales. Sur le plan de la durabilité également, le télétravail permet une dispersion géographique plus importante des travailleurs du Luxembourg, mais les effets positifs engendrés par la diminution des jours sur les routes seront contrecarrés par un allongement des kilomètres parcourus, et par un usage plus fréquent du véhicule lié au manque de transports en commun dans des régions rurales en transformation rapide vers une réalité périurbaine.

La Belgique voisine a besoin du Luxembourg, cela ne fait aucun doute. Cette interdépendance, toutefois, joue dans les deux sens. Nous avons tout intérêt à ce que le modèle économique luxembourgeois continue de réussir, et ce avec la contribution des pays voisins dont la Belgique.

La question que l’on peut se poser est la suivante : le modèle actuel peut-il perdurer sans relâche ? Est-ce qu’un mélange de mesures à moyen et long terme n’offre pas d’alternatives. Ces questions restent pour l’instant sans réponse, même si le Comité économique et social, avec son rapport de juin 2022, propose des initiatives particulièrement méritoires et scientifiquement fondées pour le développement d’une stratégie à l’échelle de la région. Des exemples étrangers comme le grand Genève, les deux régions du Limbourg, la région de l’Oeresund (à cheval sur la Suède et le Danemark) ou même simplement la micro-intégration des marchés du travail autour du port binational North Sea Port (Gand-Terneuzen-Vlissingen) peuvent également générer de l’inspiration.

C’est précisément la raison pour laquelle il semble dans l’intérêt de tous de réfléchir stratégiquement à la question du modèle économique luxembourgeois vers l’horizon 2050.

En effet, la Belgique voisine possède des ingrédients qui pourraient enrichir un futur cocktail de développement : de l’espace et des collaborateurs compétents, une démographie positive, sa proximité, le privilège de la zone UEBL, une longue tradition historique de solidarité et un sens aigu de ce que signifie être résident/entrepreneur/salarié/citoyen dans la zone frontalière entre les mondes latin et germanique en Europe.

Ainsi, dans un vaste espace métropolitain, ensemble, nous pouvons tous rester ce que nous sommes : Luxembourgeois, Belges, Européens. Mais surtout : voisins et amis, vivant ensemble en prospérité. Mir wëlle bleiwe wat mir sinn. Et l’union fait la force.