Le véhicule de fonction s’inscrit dans la liste des instruments utilisés par les employeurs pour attirer des talents et retenir leurs salariés. Toutefois, dans la plupart des cas, le véhicule n’appartient pas à la flotte privée de l’employeur et le contrat de leasing conclu entre l’employeur et le bailleur du véhicule ne lie en principe pas le salarié qui n’est pas partie à ce contrat.

En cas de rupture de la relation de travail avant l’échéance du contrat de leasing, il est utile de se pencher sur le sort du véhicule. C’est pourquoi il est recommandé sinon indispensable de rédiger une car policy qui circonscrit les droits et obligations respectifs des parties quant à la mise à disposition du véhicule. Encore faut-il que cette car policy soit rédigée dans les règles de l’art et soit portée à la connaissance du salarié afin de justifier des demandes pécuniaires formulées par un employeur à l’encontre de son salarié.

Les deux affaires récentes faisant l’objet de cette chronique se sont penchées sur des demandes de remboursement de sommes avancées par deux employeurs dans le cadre d’un leasing à la suite de la rupture de la relation de travail.

Dans la première1 affaire, le salarié qui a été licencié avec préavis avant la fin du contrat de leasing, s’est vu exiger de son employeur la somme de 8.066,26 euros principalement pour dépassement kilométrique, sur base de l’article 7bis de son contrat de travail qui prévoyait : « […] En cas de rupture du contrat de travail, et pour quelque motif que ce soit, le salarié est tenu sur demande de [la société] de restituer le véhicule à l’issue du contrat et de supporter tous les frais supplémentaires directs ou indirects facturés par la société de leasing dans le cadre d’une utilisation inappropriée, d’un mauvais entretien ou de tout autre négligence pouvant réduire la valeur résiduelle du véhicule (y compris dépassement kilométrique). […] »

L’employeur a été débouté de sa demande au motif que : « Il ne ressort pas des pièces versées en cause si le dépassement du kilométrage de 80.000 km, qui a donné lieu à la réadaptation des paramètres contractuels, était imputable à une utilisation excessive du véhicule pour les besoins privés du salarié ou à l’exercice de sa mission. La partie appelante n’établit partant pas que le dépassement kilométrique soit le résultat d’une
« utilisation inappropriée » du véhicule par le salarié ou d’une « négligence pouvant réduire la valeur résiduelle du véhicule », au sens de l’article 7bis du contrat de travail. Il s’y ajoute que le nombre exact de kilomètres parcourus par [le salarié] jusqu’au 4 avril 2023 ne saurait être déterminé au vu des éléments du dossier. »

Par ailleurs, le salarié avait remis le véhicule à l’employeur le 4 avril 2023 alors que le « car check » renseignant du kilométrage n’a été effectué que le 15 mai 2023 soit six semaines après la restitution du véhicule par le salarié.

Dans la seconde 2 affaire, le salarié a démissionné quinze jours après la mise à disposition d’un véhicule de fonction de sorte que l’employeur lui réclamait l’indemnité pour résiliation anticipée du contrat de leasing évaluée à 15.428,99 euros.

En première instance, l’employeur a obtenu gain de cause tandis que les juges d’appel ont décidé que : « En l’espèce la quotité de l’indemnité de rupture anticipée litigieuse n’a pas été déterminée dans les documents contractuels liant les parties au litige. Ceux-ci ne contiennent pas la moindre indication au sujet de la fixation du montant dont l’appelante serait redevable à ce titre. Dans l’addendum n°2 au contrat de travail il est simplement fait référence au règlement de la Banque intitulé « Company Cars » pour ce qui concerne l’allocation et l’usage du véhicule de fonction.

Même à le supposer applicable, la Cour constate que le règlement en question ne précise pas non plus le montant de l’indemnité de rupture dont l’appelante serait éventuellement redevable en cas de démission, ni les éléments par rapport auxquels ce montant pourrait être déterminé.

Les modalités de calcul de l’indemnité litigieuse sont spécifiées à l’article 14 et à l’article 7 de la convention de leasing à laquelle [le salarié] n’est pas partie et dont il n’est pas établi ni même allégué qu’il en aurait eu connaissance au moment de la conclusion de l’addendum n°2 à son contrat de travail. »

L’employeur a dès lors été débouté de sa demande.

Ces deux affaires illustrent l’importance stratégique d’une car policy rigoureusement rédigée. Au-delà de sa simple existence, c’est bien la précision des clauses qu’elle contient qui conditionne sa valeur juridique. Une politique imprécise ou lacunaire peut exposer l’employeur à des coûts inattendus, notamment en cas de rupture du contrat de travail. À l’inverse, une rédaction soignée aurait permis, dans les deux cas, aux employeurs d’obtenir le remboursement des sommes versées à titre de dommages à la société de leasing.

Un conseil aux membres : prenez le temps de relire ou de réviser au besoin votre car policy, elle pourrait bien être votre meilleure alliée en cas de litige.

Ella Gredie
Conseillère affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL