Le dol fait partie des trois vices de consentement susceptibles de faire annuler un contrat conclu entre parties. Ainsi, selon l’article 1109 du Code civil, « il n’y a point de consentement valable si le consentement par l’une des deux parties n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol ». Aux termes de l’article 1116 de ce même code « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ». Or, la convention contractée par erreur, violence ou dol, n’est point nulle de plein droit et la partie victime du vice de consentement doit intenter une action en nullité du contrat litigieux devant le tribunal compétent. En droit du travail, une telle action est néanmoins rarement intentée en pratique. Il existe toutefois, quelques affaires relatives à la nullité d’une résiliation par commun accord du contrat de travail[1]. La preuve que le consentement ait été vicié est à charge de la partie invoquant la nullité de l’acte, celle-ci est en général très difficile à rapporter. Une décision récente de la Cour d’appel[2] a néanmoins fourni des informations précieuses et supplémentaires quant à l’existence d’un dol au moment de la conclusion du contrat de travail.

Dans cette affaire, un employeur ayant signé le 26 octobre 2017 un contrat de travail à durée indéterminée avec une salariée a invoqué la nullité de ce dernier pour vice de consentement dans le chef de la salariée. Il a soutenu dans un courrier recommandé du 30 novembre 2017 qu’elle aurait explicitement omis au moment de la conclusion du contrat de travail de lui signaler sa relation amoureuse avec un des dirigeants d’une société concurrente. Selon l’employeur, cette réticence dolosive de la salariée a été déterminante de son consentement. En revanche, la salariée a soutenu que le dol allégué par l’employeur ne porterait pas sur une qualité substantielle du contrat de travail, de sorte que l’annulation du contrat de travail ne serait pas justifiée.

La Cour d’appel a constaté qu’« il ressort des faits tels qu’ils ont été retenus par le jugement entrepris sur base d’un développement que la Cour reprend intégralement, que préalablement à la signature du contrat de travail en date 26 octobre 2017, l’appelante a été dûment informée de la mission exacte de directrice des ressources humaines, des obligations qui lui incombent et des informations à fournir à son employeur, que le jour de la signature du contrat de travail, l’appelante a reçu un formulaire intitulé « Curriculum vitae confidentiel » qu’elle a remis le lendemain, dûment rempli, mais sans préciser la relation intime qui la liait à B ; l’appelante ayant seulement indiqué cette personne comme étant la personne à prévenir en cas d’urgence (…).

Comme le jugement entrepris l’a également motivé à juste titre, le poste de directrice des ressources humaines que A devait occuper, implique de faire partie du comité exécutif et d’avoir accès à « de nombreuses informations très sensibles concernant le fonctionnement de l’organisation » de l’intimée. La Cour retient ainsi sur base des motifs du jugement entrepris qu’elle fait siens, que l’omission pour A d’informer préalablement à la conclusion du contrat de travail, son employeur de la relation amoureuse qui la liait à B, constitue une réticence dolosive dans son chef qui a été déterminante du consentement de l’intimée à l’engager. Le consentement de l’intimée ayant de ce fait été vicié, le contrat de travail conclu entre les parties en date du 26 octobre 2017 est dès lors nul et de nul effet. ».

Cet arrêt présente certes un intérêt fort pour l’employeur dans la mesure où il peut, selon la situation, obtenir la nullité d’un contrat de travail signé par les deux parties s’il arrive à prouver que le salarié ait agi avec des manœuvres dolosives ayant été déterminantes au moment de la conclusion du contrat de travail. Or, il convient de préciser qu’il s’agit ici d’un cas d’espèce et que l’employeur est dans tous les cas tenu de faire une analyse complète et concrète de la situation avant de procéder à une éventuelle action en nullité. En effet, la fonction de la salariée (celle de directrice des ressources humaines) et le fait que l’homme avec qui elle a entretenu une relation amoureuse ait été dirigeant d’une société concurrente de l’employeur (et non pas d’une société quelconque) ont été des éléments déterminants dans le cas précis. Un autre point essentiel à relever est le fait que l’employeur ait notifié l’annulation du contrat de travail encore avant le commencement du travail de la salariée. À notre avis, l’issue du litige aurait probablement été différente si la salariée n’avait pas été embauchée pour un poste de responsabilités et/ou si l’employeur, bien qu’ayant été informé de la relation amoureuse entre la salariée et le dirigeant de l’entreprise concurrente, avait tacitement accepté la situation en la laissant travailler durant une certaine période.

[1] P. ex.: Cour d’appel, 4 décembre 2014, n° 40478 du rôle et Cour d’appel, 13 février 2020, n° CAL-2018-00225 du rôle

[2] Cour d’appel, 5 mars 2020, n° CAL-2019-00392 du rôle

Philippe Heck
Conseiller affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL