La transaction est définie par le Code civil1 comme un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Elle est en principe valable en matière de droit du travail et la simple existence d’un lien de subordination entre l’employeur et le salarié est insuffisante pour justifier la solution contraire.

Cependant, il est possible de remettre en cause une transaction et ainsi demander la nullité lorsqu’il est prouvé qu’il y a eu des manœuvres dolosives d’une partie à l’égard de l’autre2.

C’est ce qu’a tenté de faire l’employeur dans l’affaire3 en cause. En l’espèce, l’employeur et le salarié ont conclu une transaction le 11 janvier 2021, soit le jour même de la remise en mains propres de la lettre de licenciement avec préavis à ce dernier. Aux termes de la transaction, l’employeur s’était engagé à verser au salarié une indemnité transactionnelle forfaitaire d’un montant de 90.000 euros pour mettre fin au litige qui les opposait.

Or, il s’est avéré que deux mois plus tard, soit le 25 mars 2021, l’employeur, après avoir pris connaissance de négligences et fautes graves du salarié qui ont été mises en évidence à la suite d’un audit interne, a adressé un courrier au salarié aux termes duquel il déclara se voir obligé de remettre en cause la transaction au motif que s’il avait eu connaissance de certains détails au moment de la signature de celle-ci, il n’aurait pas accordé une telle indemnité à ce dernier. L’employeur joignait à ce courrier un avenant à la transaction du 11 janvier 2021 dans lequel il réduisait l’indemnité transactionnelle forfaitaire de 90.000 euros à 10.000 euros.

En date du 8 juin 2021, le salarié a déposé une requête en justice tendant à voir déclarer nulle et non avenue la remise en cause de la transaction par l’employeur. Par jugement du 13 juillet 2023, le Tribunal du travail a fait droit à la demande du salarié. L’employeur a dès lors interjeté appel de cette décision et a demandé à la Cour d’appel de conclure à la nullité de la transaction pour dol dans la mesure où le salarié aurait volontairement omis de l’informer, lors de la négociation de l’accord transactionnel, de la réalité de la situation administrative et financière de l’entreprise dont il avait la charge.

Sur ce, la Cour a jugé que : « L’employeur dispose à l’égard de ses salariés d’un pouvoir de contrôle lui permettant de surveiller et d’évaluer la bonne exécution de ses instructions et la qualité du travail fourni. Avant de procéder à la rupture unilatérale du contrat de travail, il appartient à l’employeur d’exercer pleinement son pouvoir de contrôle afin d’être en mesure de prendre cette décision grave qu’est un licenciement en pleine connaissance de cause. Dans le cadre de la négociation d’une transaction à la suite d’un congédiement, il n’existe aucune obligation de renseignement à la charge du salarié dont la violation entraînerait un dol. En particulier, le travailleur licencié n’a pas, lors des pourparlers d’arrangement, à s’auto-accuser et à « faire état de manquements », mais l’employeur avant de s’engager, doit veiller à disposer des renseignements nécessaires pour sa prise de décision. À cet égard, l’appelant n’explique pas pourquoi l’audit interne, supposé avoir révélé « les éléments passés sous silence », n’a pas pu être réalisé avant la conclusion de la transaction, voire la décision de licencier l’intimé. Si la dissimulation de documents peut toutefois constituer une manœuvre dolosive, un tel reproche n’est cependant pas formulé en l’occurrence. »

En conséquence, la Cour d’appel a conclu, en faisant sienne les constats du Tribunal, à savoir : « […] la seule circonstance, à la supposer établie, qu’une réticence du salarié ait amené l’employeur à lui consentir des concessions plus avantageuses n’est pas de nature à affecter la validité de la transaction. »

La Cour d’appel a donc confirmé le jugement de première instance et rejeté la demande de l’employeur à voir annuler la transaction.

Par ailleurs, l’employeur avait formulé une demande subsidiaire consistant à revoir les dispositions de la transaction conformément à l’avenant et ainsi réduire l’indemnité transactionnelle forfaitaire à 10.000 euros. Cette demande a également été rejetée, car comme l’a si bien indiqué la Cour : « En effet l’article 2053 du Code du travail prévoit comme seule sanction du vice du consentement la rescision de la convention, sans conférer un quelconque pouvoir modérateur au juge. »

Cet arrêt est d’un fort intérêt dans la mesure où comme en l’espèce, il démontre qu’une transaction conclue précipitamment peut entraîner des conséquences fâcheuses pour l’employeur. Il est vrai qu’un adage dit qu’un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès, mais ne dit-on pas aussi qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation ?

Ella Gredie
Conseillère affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL