Un cas non spécifiquement réglementé par le Code du travail, mais régulièrement observé en pratique, est la résiliation du contrat de travail par l’une des deux parties avant la prise d’effet de ce dernier. Pour la résiliation du contrat de travail (contenant une période d’essai) par l’employeur, la jurisprudence considère que la résiliation avant le début du commencement de la période d’essai ne s’analyse pas en une résiliation abusive de celle-ci, mais plutôt en une rupture fautive du contrat de travail hors période d’essai sans indication de motif1 tandis qu’une démission du salarié avant la prise d’effet du contrat de travail peut constituer, selon le cas, une violation de son obligation de loyauté
vis-à-vis de son employeur2. Le Code du travail ne prévoit pas de sanctions explicites pour ces deux hypothèses, mais le salarié peut tout de même engager sa responsabilité contractuelle donnant lieu au paiement d’une indemnité à son employeur. Ce raisonnement a également été suivi dans une affaire récente3. En l’espèce, un salarié a signé un contrat de travail qui aurait dû prendre effet au 18 juin 2018. En date du 14 juin 2018, le salarié a néanmoins envoyé un courrier recommandé à destination de son employeur pour l’informer qu’il souhaite finalement renoncer à son engagement.
L’employeur a reproché au salarié d’avoir démissionné avec effet immédiat en l’absence de toute faute dans son chef et a dès lors demandé la condamnation de ce dernier, sur base des articles L. 121-5., L. 124-4., L. 124-6. et L. 124-10. du Code du travail, ainsi que sur base des articles 1134 et suivants du Code civil, à une indemnité pour atteinte à l’image en raison des retards engendrés dans la prestation des services pour d’autres clients, une indemnité pour la perte financière ainsi qu’une indemnité compensatoire de préavis. Le salarié, quant à lui, a soutenu qu’il n’a pas agi avec une légèreté blâmable en démissionnant avant son entrée en fonction et a demandé le rejet des différentes demandes d’indemnisation de l’employeur.
La Cour d’appel a retenu « qu’il ne saurait être reproché à A de ne pas avoir respecté les dispositions de l’article L. 121-5. (4) du Code du travail relatif à la résiliation du contrat de travail pendant la période d’essai, faute d’avoir été applicables au moment de la communication de sa décision à son employeur, « de ne pas donner suite à la proposition de collaboration ».
Aux termes de l’article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. Il est établi et non contesté que A a informé son employeur en date du 14 juin 2018, qu’il n’entendait pas honorer l’engagement signé le 5 juin 2018, alors qu’il était parfaitement informé des tenants et des aboutissants de cet engagement, et plus particulièrement du fait que, dans l’appel d’offres remporté par son employeur, l’identité du consultant était un élément essentiel. (…)
La façon d’agir intempestive de A a été qualifiée à juste titre de « légèreté blâmable » par le tribunal du travail, qui à bon droit, a retenu que A avait engagé sa responsabilité contractuelle en raison de ce comportement fautif. ».
Quant aux différentes demandes indemnitaires formulées par l’employeur, ce dernier a été débouté de sa demande en indemnisation pour la perte financière subie. La Cour d’appel a estimé en effet qu’aucun élément du dossier n’aurait permis d’établir la réalité de ce dommage. De plus, l’employeur a été débouté de sa demande en indemnisation lié au non-respect du préavis applicable durant la période d’essai vu que la disposition légale y relative n’était pas applicable au moment de la résiliation du contrat de travail. Enfin, l’employeur s’est au moins vu accorder l’indemnisation pour le préjudice résultant de l’atteinte à l’image de l’entreprise, celle-ci n’a été évaluée qu’à 1.500 €. Cet arrêt illustre l’inégalité de traitement entre les deux parties en cas de résiliation unilatérale du contrat de travail avant la prise d’effet de ce dernier : en cas de résiliation de la part de l’employeur, le salarié aurait droit à une indemnisation forfaitaire pour préavis non respecté tandis que l’employeur ne peut même pas se faire attribuer une indemnité sur base des dispositions du Code du travail alors que le contrat de travail n’a pas encore pris effet. De plus, le préjudice subi par l’employeur en raison de la résiliation prématurée du contrat de travail par le salarié doit être chiffré, détaillé et prouvé

Philippe Heck
Conseiller affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL