Une décision récente de la Cour d’appel1 a rappelé les règles à respecter par l’employeur en cas de licenciement du salarié pour cause d’absentéisme habituel pour raison de santé. Ce dernier constitue effectivement un motif réel et sérieux de licenciement avec préavis2, s’il cause une gêne considérable au fonctionnement de l’entreprise, sans certitude ou même probabilité d’amélioration dans un avenir proche et si l’employeur ne peut plus compter sur une collaboration régulière et efficace du salarié3.

Dans cette affaire, la salariée, au service de l’employeur depuis le 1er mars 1993, a été licenciée le 23 octobre 2015 avec préavis de 6 mois. Elle prétend que les motifs du licenciement n’étaient pas indiqués avec la précision requise et n’ont pas permis de déterminer les circonstances et faits exacts lui reprochés. Elle ajoute que les motifs n’étaient pas d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement notamment au vu de son ancienneté de 22 ans. L’employeur, lui, soutient que le licenciement prononcé a bien reposé sur des motifs réels et sérieux et qu’il était régulier et justifié.

La salariée a comptabilisé 163 jours d’absence pour cause de maladie documentés par 21 certificats médicaux sur la période du 14 octobre 2013 au 13 octobre 2015. La Cour d’appel précise qu’il faut tenir compte des jours ouvrés ou ouvrables (travaillés) que compte une année civile pour un temps plein classique afin de mesurer l’envergure des jours d’absence. Ainsi, la salariée a manqué sur son lieu de travail 163 jours sur environ 500 jours travaillés soit pendant environ un tiers de son temps de travail, ce qui constitue selon la Cour d’appel un absentéisme habituel pour raison de santé non contestable.

Ensuite, il faut que cet absentéisme habituel apporte une gêne indiscutable au fonctionnement du service. En l’espèce, l’employeur comptait environ 70 salariés, mais le service des caisses occupait seulement 20 personnes, dont 6 chaque jour aux caisses. Quant à cette condition, la Cour d’appel retient que « le contrat de travail est un contrat synallagmatique et un employeur n’engage pas, dans une intention libérale, des salariés qu’il rémunère sans exiger de contre-prestation de leur part (…). La susdite conclusion évidente, quant à une désorganisation du service du fait de l’absence de prestation de travail par un salarié malade, ne se trouve pas automatiquement écartée en raison de considérations abstraites tirées de la taille de l’entreprise employeuse, de l’objectif à réaliser par le service dans lequel le salarié est occupé ou de la nature du travail dévolu à ce dernier. ».

Finalement, quant à la dernière condition visée au 1er paragraphe, il a été retenu qu’aucune probabilité ni espoir d’amélioration n’était à prévoir pour l’employeur vu que les absences de la salariée ont continué malgré la certification de l’aptitude au travail de la salariée par le docteur B, le docteur C ainsi que le chirurgien D et le fait qu’elle ne présentait pas de complications suite à son opération, de sorte qu’il est établi que l’employeur ne pouvait plus compter sur une collaboration suffisamment régulière de sa salariée pour assurer un bon fonctionnement du service dans lequel elle était affectée. La Cour d’appel conclut que le licenciement a reposé sur des motifs réels et sérieux liés aux nécessités du fonctionnement des services de l’employeur.

Il est intéressant à noter que la Cour d’appel n’a pas pris en compte tant l’âge de la salariée (50 ans), que son ancienneté de service (22 ans) pour éventuellement minimiser ou expliquer l’ampleur de son absentéisme. À notre avis, ceci paraît raisonnable vu qu’il n’existe aucun lien entre l’âge d’un salarié ou son ancienneté élevée et les effets de la désorganisation du service résultant de ses absences. Ainsi, il est logique que l’âge du salarié ou une ancienneté élevée ne devrait pas pouvoir justifier les effets d’une désorganisation d’un service de l’entreprise suite à des absences si nombreuses et régulières. Or, il convient encore de préciser qu’il s’agit ici d’un cas d’espèce et que les employeurs seront évidemment tenus de faire une analyse concrète de la situation avant de procéder à un éventuel licenciement pour absentéisme habituel pour raison de santé du salarié. Les indications contenues dans cet arrêt constituent seulement des bonnes pistes d’orientation.

Philippe Heck
Conseiller affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL