Nombreux sont les employeurs qui paient une gratification (prime) à leurs salariés afin de récompenser les efforts de ces derniers tout au long de l’année ou bien pour garder leur attractivité en tant qu’employeur sur un marché de l’emploi très concurrentiel selon le secteur d’activité concerné. En principe, toute gratification ou prime constitue une libéralité dont le paiement est laissé à la discrétion de l’employeur, à moins qu’elle ne soit due en vertu d’un engagement exprès, repris dans le contrat de travail ou, le cas échéant, dans la convention collective, ou si l’obligation de payer résulte d’un usage constant 1. Si une gratification ou prime est prévue, il est également possible de prévoir par exemple des adaptations au niveau de son montant en fonction des jours d’incapacité de travail du salarié et/ou des objectifs atteints par le salarié durant l’année de référence.

Dans une affaire très récente 2, un salarié, engagé du 1er juillet 2006 au 30 juin 2015 auprès de son employeur, a réclamé le paiement de sa rémunération variable de 30.000 € pour l’année 2014 en raison d’un prétendu droit acquis. L’employeur, quant à lui, a soutenu que le paiement de la rémunération variable (gratification) aurait été laissé à son entière discrétion et que le requérant n’y aurait dès lors pas droit.

L’article 6 du contrat de travail conclu entre les parties a effectivement prévu que « Compte tenu des résultats financiers du Groupe, de ceux réalisés par l’EMPLOYEUR et des propres performances du SALARIÉ, l’EMPLOYEUR pourra attribuer au SALARIÉ, à sa seule discrétion, une rémunération variable qui, en aucun cas, ne constituera un avantage acquis ».

La Cour d’appel a relevé qu’au vu de la formulation explicite et précise de cet article, « les parties contractantes ont, en des termes particulièrement explicites et dépourvus de la moindre équivoque, marqué leur volonté de ne pas conférer à l’attribution de la rémunération variable un caractère obligatoire. La clause précitée exclut partant, de façon générale, que la rémunération variable puisse constituer un droit acquis dans le chef de l’appelant ».

La Cour d’appel a également constaté que le document « Système de rémunération variable (gratification) pour les collaborateurs à profil développeur (conseiller clientèle – développeur) des Départements Clientèle du SOC 2) Luxembourg » du 26 avril 2010 constituait un document purement unilatéral de l’employeur, lequel a été adressé à un ensemble de personnes exerçant des fonctions déterminées, et non pas un avenant au contrat de travail ni quelque document contractuel que ce soit, comme soulevé par le salarié. Ce document s’est effectivement limité à prévoir certains critères permettant « d’objectiver la détermination des montants attribués » et non pas de rendre le paiement en soi de la gratification litigieuse obligatoire.

Un autre élément déterminant pour la Cour d’appel a été le fait que l’employeur a, dans le cadre de chaque paiement antérieur de cette gratification (c’est-à-dire de 2010 à 2014) adressé un courrier au salarié ayant disposé ce qui suit :
« Nous vous rappelons que cette rémunération variable ne peut être considérée comme un élément de votre rémunération contractuelle et ne constitue donc pas un droit acquis et récurrent ».

Une telle mention sur la fiche de salaire contenant la gratification, dans la communication sur l’avis de crédit concerné ou bien dans tout autre document interne porté à la connaissance des salariés de l’entreprise aide à corroborer le caractère discrétionnaire d’une gratification donnée 3.

La demande du salarié a été rejetée en l’espèce. Or, même si la Cour d’appel a confirmé la décision rendue par le tribunal du travail en donnant gain de cause à l’employeur, la FEDIL recommande à ses membres l’assistance d’un de ses conseillers experts en droit du travail durant toute phase précontractuelle avec un salarié potentiel et surtout au moment de l’établissement/de la révision des conditions relatives au paiement des gratifications. Nous sommes également en possession de clauses-types pouvant être adaptées à vos besoins spécifiques.

Philippe Heck
Conseiller affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL