Même en dehors de la crise sanitaire actuelle, nombreuses sont les entreprises qui sont obligées de recourir au licenciement de leurs salariés et ce parce qu’elles sont confrontées à des difficultés d’ordre économique. Cependant, le licenciement pour motifs économiques répond à des exigences procédurales auxquelles doit se conformer l’employeur qui entend procéder à un tel licenciement et ce malgré l’ampleur des problèmes économiques auxquels il fait face. Ainsi, l’employeur qui prononce un licenciement pour motif économique doit notifier le licenciement au Comité de conjoncture s’il occupe au moins 15 salariés et procéder à l’entretien préalable au licenciement s’il occupe au moins 150 salariés. A côté de ces deux exigences, comme prévu pour tout licenciement avec préavis, le licenciement pour raisons économiques doit en présence d’une demande de motifs de la part du salarié licencié, être motivé par l’employeur. A cette fin, le Code du travail prévoit en son article L. 124-5. (2) que l’employeur est tenu d’énoncer avec précision le ou les motifs du licenciement liés à l’aptitude ou à la conduite du salarié ou fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service, qui doivent être réels et sérieux. 

Dans un arrêt récent 1, la Cour d’appel a apporté des informations utiles sur la motivation d’un licenciement pour motifs économiques. Dans cette affaire, la salariée licenciée pour des raisons tant économiques que d’ordre personnel, a obtenu gain de cause en première instance alors que le tribunal a qualifié le licenciement prononcé à son égard d’abusif. Le tribunal a en effet écarté les motifs économiques invoqués par l’employeur et retenu uniquement les motifs personnels qui par la suite n’ont pas été jugés suffisamment graves pour justifier le licenciement. Concernant les motifs économiques, les juges de première instance ont estimé que ceux-ci ont été indiqués « de manière vague et imprécise, sans donner d’indications concrètes chiffrées permettant d’apprécier l’ampleur de la situation financière rendant nécessaire une réorganisation et de déceler dès à présent la réalité et surtout le sérieux de la mesure envisagée ».  

Or, en instance d’appel, la Cour a quant à elle retenu que les motifs économiques invoqués par l’employeur à l’appui du licenciement ont été indiqués avec précision. Pour arriver à une telle conclusion, la Cour a considéré que les explications de l’employeur relatives notamment aux difficultés de trésorerie, aux arriérés de cotisations sociales, au poids des dettes, au licenciement concomitant d’autres salariés en même temps que la salariée en cause dans le cadre d’une politique de réduction des coûts en vue de la survie de la société sont suffisamment précises pour que le juge puisse exercer un contrôle, que le salarié puisse en vérifier le bienfondé et le cas échéant en démontrer la fausseté. 

La Cour a partant, rappelé que : « La loi ne fait cependant pas l’obligation à l’employeur d’annexer à la lettre de motivation ses pièces comptables justificatives de la situation financière énoncée dans la lettre, respectivement d’avoir publié ses bilans. » 

Après avoir retenu le caractère précis des motifs, il appartient aux juridictions de vérifier la réalité et le sérieux desdits motifs. En l’espèce, la Cour d’appel a conclu à la réalité du motif économique tandis que la société en cause a été assignée en faillite cinq mois après les licenciements pour motifs économiques prononcés à l’égard de ses salariés et avait déjà été déclarée en faillite au moment des débats devant la Cour. Partant, la Cour a déclaré justifié le licenciement intervenu. 

Cet arrêt présente un fort intérêt dans le contexte actuel de crise sanitaire et économique alors que l’issue de laffaire aurait pu être catastrophique pour la société qui faisait déjà face à de graves difficultés financières. La déclaration en faillite et surtout la motivation du licenciement ont été des éléments déterminants en l’espèce. Il est de ce fait rappelé à tout employeur confronté à une demande de motifs de la part du salarié licencié, d’apporter un soin particulier à la rédaction de la lettre de motivation puisque le manque de précision de la motivation du licenciement est en effet assimilé à une absence de motivation par les tribunaux, conduisant à qualifier le licenciement d’abusif. 

Ella Gredie
Conseillère affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL