Dans une affaire très récente 1, un salarié engagé en qualité de « senior consultant » par contrat de travail à durée indéterminée avec effet au 15 mai 2019 a démissionné le 13 décembre 2019, soit sept mois après son embauche. Or une clause prévue au contrat de travail disposait que le salarié s’engagerait à rembourser à son employeur les frais liés à son déménagement au Luxembourg, en cas de non-accomplissement, pour quelque raison que ce soit, de trente-six mois de service. En effet, pour faciliter la venue du salarié de l’île Maurice au Luxembourg, l’employeur a effectué les démarches nécessaires à l’obtention de son permis de travail et s’est obligé à supporter les frais d’un logement temporaire pour une période de deux semaines après l’arrivée du salarié au Luxembourg et à lui accorder une indemnité pour les frais de déménagement d’un montant maximum de 2.000 €. Face au non-respect de ladite clause par le salarié, l’employeur a demandé la condamnation de ce dernier à la somme de 28.149 €, dont 3.149 € à titre de frais réellement engagés et 25.000 € à titre de montant forfaitaire pour les démarches administratives faites par l’employeur, en application de l’article 1134 du Code civil 2. À titre de rappel, toute clause qui restreint les droits du salarié ou qui aggrave ses obligations est nulle et de nul effet 3. Une telle clause ne peut partant produire aucun effet.

En l’espèce, la Cour d’appel a retenu comme principe que « Les clauses librement souscrites par un travailleur l’obligeant à rembourser des frais pris en charge par l’employeur à l’occasion de sa venue au Luxembourg sont, à l’instar de frais pris en charge par l’employeur pour assurer la formation de ses salariés, en principe licites et ne doivent pas être considérées comme portant atteinte à la liberté dont jouit tout salarié de choisir son emploi et d’y mettre fin à sa guise ».

Or, la Cour d’appel a également précisé les limites d’une telle clause en disposant que « L’illégalité de la clause peut résulter de la durée excessive du délai au cours duquel, en cas de démission, le salarié doit rembourser ces frais ou encore de la disproportion entre la rémunération touchée et les frais engagés, dès lors que dans ces hypothèses, pareille clause ferait obstacle indirectement au droit de démissionner du travailleur et ne saurait plus être considérée comme la contrepartie de l’avantage tiré par le salarié des frais d’installation payés par l’employeur. Le remboursement convenu doit encore correspondre à des dépenses effectives et ne pas être manifestement excessif. En tout état de cause, le salarié ne peut être obligé de rembourser à l’entreprise les dépenses réalisées à son profit que dans le cas d’une résiliation du contrat de travail à son initiative, à moins que cette résiliation ne soit intervenue à la suite d’une faute grave de l’employeur ».

En l’espèce, il a été conclu que le simple fait que le salarié ait été obligé de rembourser les dépenses dûment établies en lien avec sa venue au Luxembourg que son employeur a prises en charge, et ce sans aucune obligation légale, ne saurait être considéré comme entrave à son droit de démissionner. La Cour d’appel a ainsi fait droit à la demande en remboursement de 3.149 € à titre de frais réellement engagés par l’employeur. En revanche, elle a rejeté la demande en remboursement du montant forfaitaire de 25.000 € pour les démarches administratives en lien avec le permis de travail au motif que la clause y relative a été contraire à l’article L. 121-3. du Code du travail (notamment en raison du caractère forfaitaire, du montant élevé et de la rémunération annuelle du salarié prévue (52.000 €)).

En général, la FEDIL salue l’arrêt dans la mesure où il a clairement retenu que les clauses qui obligent le salarié à rembourser à l’employeur les frais liés à son déménagement au Luxembourg (et dont les dépenses sont établies et prouvées) en cas de démission avant l’expiration d’un certain délai ne sauraient être considérées ipso facto comme défavorables au salarié. Effectivement, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre généralisée où les entreprises ont de plus en plus besoin d’élargir leur bassin de recrutement afin de pouvoir disposer de la main-d’œuvre qualifiée nécessaire pour le développement de leurs activités, il est essentiel que les entreprises aient la possibilité de faire valoir les dépenses liées à l’installation des salariés ayant quitté leur emploi après un certain délai. Vu que de telles clauses sont essentiellement négociées au moment de l’embauche d’un salarié potentiel, la FEDIL recommande à ses membres la consultation d’un de ses conseillers en droit du travail afin d’éviter toute mauvaise surprise.

Philippe Heck
Conseiller affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL