Le reclassement professionnel s’applique à tout salarié sous contrat de travail qui, par suite de maladie ou d’infirmité, présente une incapacité d’exercer son dernier poste de travail à condition, soit de présenter une ancienneté d’au moins 3 ans, soit d’être en possession d’un certificat d’aptitude au poste de travail établi par le médecin du travail compétent lors de l’embauche à ce dernier poste de travail. Rappelons dans ce contexte que l’employeur a une obligation de résultat d’organiser pour chaque salarié un examen médical d’embauche1. Cependant, ces conditions alternatives ne sont pas applicables dans les hypothèses prévues à l’article L. 551-1. (2) du Code du travail.

Dans une affaire très récente2, une salariée, engagée depuis le 1er avril 2014 en qualité de « caissière/réassortisseuse », a réclamé le paiement d’arriérés de salaire pour les mois de janvier à septembre 2019 suite à un recours de son employeur contre la décision du 23 novembre 2018 de la Commission mixte de devoir procéder à un reclassement professionnel interne de sa salariée. Cette décision de la Commission mixte a été annulée par un jugement du 12 juillet 2019 du Conseil arbitral de la sécurité sociale, juridiction étant, entre autres, compétente pour statuer sur les recours contre les décisions de reclassement professionnel de la Commission mixte. Le dossier a été retourné à la Commission mixte en vue de l’adoption d’une nouvelle décision. Ainsi, par décision rendue en date du 13 septembre 2019 et notifiée le 26 septembre 2019, la Commission mixte a décidé le reclassement professionnel externe de la salariée, donc un reclassement professionnel sur le marché du travail.

L’employeur, à défaut de prestation de travail par la salariée durant les mois de janvier à septembre 2019, ne l’a pas rémunérée durant cette période et a été condamné le 2 avril 2020 par le tribunal du travail au paiement des salaires impayés et ceci malgré le fait qu’il a obtenu gain de cause devant le conseil arbitral de la sécurité sociale. Devant la Cour d’appel, il a fait valoir que la salariée a été déclarée inapte à son dernier poste de travail par le médecin du travail et que ce dernier s’est prononcé en faveur d’un reclassement professionnel externe. L’employeur a notamment soutenu que la décision de la Commission mixte du 13 septembre 2019, ordonnant le reclassement professionnel externe, devrait rétroagir au jour de la notification à la salariée de la décision initiale de la Commission mixte du 23 novembre 2018 et que le contrat de travail aurait dès lors pris fin à cette date et non pas le 26 septembre 2019.

La Cour d’appel a néanmoins retenu que « Le recours, exercé en date du 31 décembre 2018 par ORGANISATION1.) contre la décision de reclassement professionnel interne du 23 novembre 2018, n’a pas suspendu les effets du contrat de travail en cause, puisqu’il résulte de l’article L. 121-8. du Code du travail que seul « le recours introduit par le salarié contre la décision de reclassement interne » produit un tel effet suspensif, ainsi que les juges de première instance l’ont décidé à bon droit. Les décisions rendues par le Conseil arbitral de la sécurité sociale, puis par la Commission mixte, à la suite du recours exercé par ORGANISATION1.) contre la décision de reclassement professionnel interne du 23 novembre 2018, n’ont pas eu pour effet de faire rétroagir, au 23 novembre 2018, la décision de reclassement professionnel externe, rendue en date du 13 septembre 2019 par la Commission mixte. »

La Cour d’appel continue à préciser qu’il « résulte, de façon explicite, de la décision rendue le 27 août 2021 par le Conseil arbitral de la sécurité sociale, suite au recours exercé le 28 octobre 2019 par PERSONNE1.) contre la décision de la Commission mixte du 13 septembre 2019, que cette dernière « ne pouvait statuer avec effet rétroactif », et que le contrat de travail a continué de produire ses effets à la suite de la décision de reclassement interne (« le contrat de travail a perduré depuis la décision de reclassement interne »).

Cet arrêt nous paraît très critiquable dans la mesure où il punit un employeur ayant préalablement obtenu gain de cause devant le Conseil arbitral de la sécurité sociale (et qui a ainsi remporté l’annulation d’une fausse décision de la Commission mixte). Il est étonnant de constater que selon la Cour d’appel, le jugement dudit conseil annulant la décision initiale de la Commission mixte n’aurait pas d’effet rétroactif. La FEDIL est d’avis que ce point doit absolument être discuté lors d’une prochaine réforme du dispositif du reclassement professionnel. Il est totalement inconcevable qu’un employeur ayant pu démontrer devant le Conseil arbitral de la sécurité sociale son impossibilité de procéder à un reclassement professionnel interne d’un de ses salariés subisse les conséquences d’une fausse décision de la Commission mixte. Enfin, il reste dans ce contexte qu’à rappeler que la FEDIL occupe un des deux mandats patronaux au sein de la Commission mixte et pourra ainsi guider et assister ses membres durant la procédure de reclassement professionnel d’un de leurs salariés. Nous recommandons dès lors à nos membres le conseil de la FEDIL dès la demande de la prise de position par le secrétariat de la Commission mixte envoyée en amont d’une réunion de cette dernière.

Philippe Heck
Conseiller affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL