Le Code du travail prévoit en son article L. 010-1 que constituent des dispositions d’ordre public, entre autres, les dispositions ayant trait au salaire social minimum et à l’adaptation automatique du salaire à l’évolution du coût de la vie. Eu égard à cette disposition, il n’est possible de déroger à l’adaptation automatique des salaires aux variations du coût de la vie que dans un sens plus favorable au salarié. Ainsi, une dérogation à ce principe même prise d’un commun accord entre un employeur et un salarié, en défaveur de ce dernier, ne pourrait être admise1.

Les juridictions du travail admettent cependant que : « Les règles sur l’adaptation automatique des salaires doivent par conséquent être appliquées par l’employeur, sauf si le contrat de travail procure un avantage de même nature au salarié, à savoir un système de rémunération qui compense l’augmentation du coût de la vie2 ». Cette position des juges luxembourgeois a pour conséquence que l’employeur ne serait pas obligé d’opérer une indexation des salaires de ses salariés si les contrats de travail de ces derniers prévoient un système de rémunération qui compense l’augmentation du coût de la vie.

Dans l’affaire en cause3, le salarié reprochait à son employeur de ne pas avoir procédé à l’adaptation de son salaire à la suite de l’indexation intervenue le 1er janvier 2017 et lui réclamait partant, la somme de 9.928,11 € à titre d’arriérés de salaire pour la période du 1er janvier 2017 au 7 mars 2022 et le salaire mensuel de base de 6.496,33 € avec effet à partir du mois du prononcé de la décision de justice à intervenir.

En l’espèce, l’employeur avait adressé, en date du 1er décembre 2016, à son salarié un courrier ayant la teneur suivante : « En référence au système de révision salariale annuelle, nous avons le plaisir de communiquer qu’à partir du 1er janvier 2017, votre Base salary annuel brut sera augmenté d’un montant brut de 1.723 €. Ainsi votre Base salary annuel inclut toute augmentation de salaire liée à des obligations légales luxembourgeoises qui seront applicables au cours de l’année 2017. De ce fait, ce montant restera identique jusqu’au 31/12/2017. » Le salarié soutenait que l’augmentation salariale ne serait pas liée à l’adaptation indiciaire mais serait uniquement basée sur des considérations tenant à sa performance. Cet argument était contesté par l’employeur.

En première instance, le salarié a été débouté de sa demande. Il s’est donc pourvu en appel. Les juges de la Cour d’appel ont estimé qu’il appartenait à l’employeur de justifier que cette augmentation, bien que correspondant à 2,5% du salaire précédent du salarié a été accordée dans l’unique but d’adapter ce salaire à l’indexation automatique des salaires. Un tel justificatif n’a pas pu être rapporté et la Cour d’appel conclut que : « Cette augmentation de salaire, assujettie au pouvoir discrétionnaire de l’employeur n’est pas celle liée à l’adaptation automatique du salaire avec effet au 1er janvier 2017, de sorte qu’en dépit de la mention sur la fiche de salaire du nouvel indice appliqué de 794,54 points, l’intimée est malvenue pour soutenir avoir procédé à l’adaptation automatique du salaire sur base de la variation de l’indice. » Pour arriver à cette conclusion, la Cour d’appel s’est référée au courrier de l’employeur dans lequel il est question de « révision annuelle du salaire » assujettie au pouvoir discrétionnaire de l’employeur.

La Cour d’appel a profité de cet arrêt pour rappeler le principe selon lequel une augmentation de salaire, accordée pour quelque raison que ce soit, ne dispense pas l’employeur d’adapter, à la suite de l’augmentation en question, le salaire augmenté aux variations subséquentes du nombre d’indice4.

De même, il a été précisé en ce qui concerne le système de rémunération qui compense l’augmentation du coût de la vie que : « le système de rémunération consistant à cumuler l’augmentation unilatérale de salaire avec toutes les variations indiciaires à venir le cas échant au cours d’une année x pour en fin de compte n’adapter le salaire qu’à raison de 2,5%, est un système en défaveur du salarié qui ne saurait compenser le système de l’indexation automatique des salaires légalement prévu. »

Cet arrêt présente un fort intérêt alors que la question de l’adaptation automatique des salaires aux variations indiciaires est un sujet délicat dans le contexte économique actuel eu égard aux difficultés d’ordre économique rencontrées par les entreprises depuis le début de la crise sanitaire liée au Covid-19 et la crise liée à la guerre en Ukraine. Même si des accords tripartites au niveau national tentent de régler, en partie, les problèmes d’ordre économique rencontrés par les entreprises, le mécanisme d’indexation automatique des salaires tel que prévu par les dispositions légales constitue un problème majeur pour les employeurs luxembourgeois. Dans ce contexte, il est utile de rappeler que peu importe les difficultés auxquelles ils font face, les employeurs ont l’obligation de procéder à l’adaptation des salaires de leurs salariés à partir du moment où une indexation est déclenchée. En l’occurrence, après l’indexation intervenue le 1er février 2023, une seconde (celle de juin 2022 reportée) est entrée en vigueur le 1er avril 2023 entraînant à partir de cette date une majoration de 2,5% des salaires, traitements et pensions.

Ella Gredie
Conseillère affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL