L’affaire 1 dont il est question dans la présente chronique juridique s’insère dans le cadre d’un grand nombre d’affaires identiques sinon similaires par lesquelles les salariés réclament le paiement du salaire social minimum qualifié sur base de l’article L. 222-4. du Code du travail. Il s’agit en effet d’une question récurrente qui a même déjà été abordée par la FEDIL dans une chronique juridique 2 parue en novembre 2015.

Dans la présente affaire, le salarié, engagé en qualité de « menuisier non qualifié », était au service de son ancien employeur en vertu d’un contrat de travail du 18 avril 2006. A la fin de la relation de travail, le salarié a intenté une action en justice visant la condamnation de son ancien employeur au paiement d’arriérés de salaire évalués à 25.266,18 euros pour la période de septembre 2013 à août 2016. Il se plaignait d’avoir perçu durant toutes ces années un salaire inférieur au salaire auquel il aurait dû prétendre en vertu, d’une part, de la convention collective de travail pour le métier de menuisier déclarée d’obligation générale par le règlement grand-ducal du 16 avril 2007 et, d’autre part, de sa qualification professionnelle eu égard à l’article L. 222-4. du Code du travail. Ces dernières n’auraient en effet pas été prises en considération par l’employeur au moment de la conclusion du contrat de travail.

La Cour d’appel rappelle que la convention collective à laquelle renvoie le salarié a été dénoncée avec effet au 1er juillet 2012 et n’a pas été reconduite de sorte qu’en application de l’article L. 162-10. (2) du Code du travail, cette dernière a cessé ses effets depuis le 1er juillet 2013 et partant, le salarié ne peut s’y référer. La Cour a dès lors continué son analyse eu égard à l’article L. 222-4. du Code du travail.

Après avoir précisé les conditions dans lesquelles un salarié peut prétendre au salaire social minimum qualifié 3 et ainsi bénéficier d’une majoration de 20% par rapport au salaire social minimum pour travailleurs non qualifiés, la Cour souligne que : « Il appartient dès lors au salarié qui prétend avoir droit au salaire social minimum qualifié de rapporter la preuve soit que la fonction exercée en fait auprès de son employeur est de celles pour lesquelles il existe un enseignement et une formation sanctionnés par un CATP ou qu’il dispose de l’expérience pratique requise, soit – lorsque la formation pouvant aboutir à cette fonction n’est pas sanctionnée par un tel certificat – qu’il a exercé pendant au moins six ans dans ladite profession.

Il est encore admis que le salarié ne doit pas seulement prouver qu’il a informé l’employeur de sa qualification au moment de l’embauche, mais que cette qualification doit encore se rapporter à la profession effectivement exercée. »
Cette précision faite par la Cour d’appel n’est autre que la jurisprudence constante en la matière. Néanmoins, quelques décisions isolées ont tout de même considéré que l’employeur doit en principe s’informer sur la qualification professionnelle du salarié (voir par exemple Cour d’appel, 12.03.2020 (n° CAL-2018-00801 du rôle) ou Cour d’appel, 11.06.2019 (n° CAL-2018-00377 du rôle).
En l’espèce, la Cour d’appel a confirmé le jugement de première instance en ce qu’il a déclaré la demande du salarié non fondée.
Pour arriver à cette conclusion, elle a jugé que : « Il découle, qu’au moment de son engagement par la société SOC 1) le 18 avril et durant toute la période d’engagement, A, d’une part, n’était pas en possession d’un certificat homologué au Luxembourg pour être reconnu comme salarié qualifié et, d’autre part, n’a dès lors pas pu informer son employeur, volontairement ou sur demande de celui-ci, qu’il était détenteur d’un certificat équivalent au CATP luxembourgeois. Quant à l’exercice de la profession, les pièces versées en cause n’établissent pas une telle pratique ininterrompue en qualité de menuisier pendant les années précédant son embauche par la SOC 1), respectivement pendant une durée de dix ans. » Il ressort en effet du curriculum vitae du salarié versé dans le cadre de la procédure judiciaire que ce dernier aurait travaillé comme menuisier durant trois années seulement.

Si la question peut s’avérer moins complexe lorsque le salarié n’a pas porté à la connaissance de son employeur le certificat officiel sanctionnant son enseignement ou sa formation, respectivement la reconnaissance de son diplôme obtenu à l’étranger par le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du Grand-Duché de Luxembourg, il existe cependant une réelle insécurité dans le chef de l’employeur lorsqu’il s’agit de se référer à l’expérience professionnelle. Cette dernière s’analyse en tenant compte de l’expérience acquise auprès de l’actuel employeur mais également des précédents. Bien évidemment, il appartient également au salarié de prouver dans un tel cas qu’il a exercé le même métier ou la même profession auprès de ses anciens employeurs. Or, si le salarié arrive à rapporter la preuve de l’expérience pratique requise, l’employeur sera tenu de lui payer le salaire social minimum qualifié à partir de la date anniversaire à laquelle le salarié est censé avoir obtenu le nombre d’années requis pour être considéré comme salarié qualifié 4. Ce qui peut avoir de graves conséquences financières pour l’employeur qui peut se retrouver à payer des arriérés de salaire considérables concernant la période suivant l’acquisition de l’expérience pratique requise. Les employeurs doivent dès lors dans la mesure du possible être vigilants quant à l’expérience acquise par le salarié au fil des années.

Ella Gredie
Conseillère affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL