Décidément, le e-business n’en finit plus de bousculer les règles TVA et d’imposer des adaptations aux États membres et à la Commission européenne.

Le socle de règles TVA édifié dans la seconde moitié du XXème siècle est apparu depuis une quinzaine d’années en complet décalage et très mal adapté aux façons de faire du commerce, et notamment du commerce de détail, en ce début de XXIème siècle.

La dématérialisation des prestations de services a fait exploser l’approche traditionnelle qui consistait à prélever la taxe dans l’État où le prestataire est établi. Dans l’esprit des rédacteurs de ces règles, il était raisonnable d’estimer que les services fournis par un prestataire établi dans un pays étaient consommés dans ce même pays. Dès lors, la TVA devait être prélevée et reversée au Trésor de l’État en question.

Dès 2003, il a fallu rompre avec ces règles historiques et imposer aux services dématérialisés des régimes dérogatoires aux termes desquels la TVA est due dans le pays où résident les consommateurs. Ainsi, les services de télévision, radiodiffusion, et les services fournis par voie électronique avaient fait l’objet d’un régime particulier afin de rendre obligatoire le prélèvement de la TVA sur ces services que les géants du e-business de cette époque, américains pour la plupart, fournissaient aux consommateurs européens (le terme « consommateur » couvrira dans ces colonnes les personnes privées, les personnes morales non assujetties à la TVA – organismes de droit public ou sans but lucratif, ou certains assujettis bénéficiant d’un régime TVA dérogatoire, comme les assujettis réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur à EUR 30.000). C’était la naissance du « guichet unique » qui imposait à ces prestataires non-européens de remettre la TVA collectée auprès de tous leurs consommateurs européens en ne traitant qu’avec une unique administration d’un État membre.

Cette première adaptation qui ne concernait que les prestataires non-européens a été étendue en 2015 aux prestataires européens, à la grande joie des gouvernements de nombreux pays de l’Union européenne qui voyaient avec soulagement s’améliorer leurs perspectives budgétaires. Le Luxembourg, en revanche, voyait s’envoler des montants considérables de TVA que les géants du e-business établis au Grand-Duché collectaient sur leurs ventes de services aux consommateurs européens et qui tombaient, en vertu des règles de TVA traditionnelles, dans les caisses de l’État luxembourgeois.

Depuis 2015 et l’entrée en vigueur du « paquet TVA », et dans un contexte où l’unanimité requise au niveau européen est particulièrement difficile à obtenir au regard des pressions budgétaires très fortes au sein des gouvernements de l’Union, il se passe rarement trois mois sans que ne se fassent jour les frottements ou l’inadéquation des règles TVA avec les pratiques commerciales actuelles. Les États membres, la Commission européenne, la Cour de justice, tous les acteurs européens sont concernés et tentent, tant bien que mal, au coup par coup, d’adapter les règles TVA au e-business. Citons, à titre d’illustration, les interrogations quant au traitement TVA des crypto-monnaies, des agences de voyage en ligne, des bons d’achat, du concept d’intervention humaine minimale dans la définition des services électroniques, des services d’intermédiation ou des services financiers fournis via internet ou encore du taux de TVA applicable aux e-books.

L’une des dernières et plus importante évolution vient d’être adoptée par le Conseil européen en date du 5 décembre 2017. La volonté du législateur européen est clairement de faciliter la taxation dans le pays où résident les consommateurs. Les modifications entreront en vigueur en deux phases successives :

  • La première phase, destinée à entrer en vigueur au 1 janvier 2019, consistera à corriger certaines dispositions introduites par le paquet TVA en 2015. À certains égards, les règles applicables, on le rappelle, aux services de télévision, radiodiffusion et services fournis par voie électronique, étaient d’application trop systématique—notamment au regard des petites et moyennes entreprises—et leur mise-en-œuvre devait être améliorée.
  • La seconde phase, et la plus conséquente, avec une entrée en vigueur au 1 janvier 2021, concernera notamment les ventes de biens via les plateformes électroniques qui sont devenues les ‘shopping center’ des consommateurs d’aujourd’hui.

Des modifications dès le 1er janvier 2019


S’agissant de prestations de services, les règles TVA traditionnelles posaient le principe de la taxation dans le pays où le prestataire est établi.

Du fait de leur dématérialisation et de la multiplication exponentielle des prestations transfrontalières, la taxation des prestations de services fournis par voie électronique, les prestations de télécommunications et celles de radio et télé diffusions n’étaient plus en ligne avec ce principe de taxation au lieu de la consommation des services.

Le paquet TVA entré en vigueur en 2015 a corrigé cette situation en disposant que, pour les trois types de services dématérialisés cités ci-dessus, le lieu de taxation est le lieu où réside le consommateur final et non plus le pays où est établi le prestataire.

Dès lors, afin de pouvoir collecter la TVA dans les pays où résident leurs consommateurs européens, les prestataires doivent, en principe, s’immatriculer auprès de l’administration TVA de chacun des pays où résident les consommateurs et remettre, dans chacun de ces pays, des déclarations TVA en bonnes et dues formes. Or, selon une étude réalisée pour la Commission dans le cadre des mesures adoptées le 5 décembre 2017, le coût annuel qu’implique ces obligations s’élève en moyenne à EUR 8.000 par an et par pays.

Le « mini-guichet-unique » permet d’éviter ces obligations très lourdes et autorise les prestataires à s’immatriculer uniquement auprès de l’État dans lequel ils sont établis afin de remettre, à cet État seulement, la TVA collectée au taux applicable dans l’État membre du consommateur ainsi que la liste des prestations vendues à des consommateurs dans chacun des autres États membres. À charge pour l’État membre d’établissement, de reverser la TVA qui lui revient à chacun des autres États membres.

Même s’il a rendu possible une considérable simplification des obligations déclaratives de la plupart des prestataires, le régime du « mini-guichet-unique » posait quelques problèmes de mise en œuvre que les nouvelles règles viennent corriger à partir de 2019 :

  • Les petites et moyennes entreprises étaient particulièrement impactées par les nouvelles règles de localisation des prestations de services puisque; dès les premières ventes hors de leur pays, elles étaient tenues de collecter et de remettre la TVA dans le pays de résidence de leur client.

La nouvelle directive corrige cet inconvénient en établissant un seuil de EUR 10.000 pour le montant des ventes hors du pays d’établissement. Au-dessous de ce montant, les prestations de services continueront d’être soumises à la TVA du lieu d’établissement du prestataire. Dès que le seuil sera franchi, le prestataire basculera dans les règles applicables depuis 2015 aux prestations de services dématérialisées.

Bien sûr, une option est ouverte aux prestataires afin de leur permettre de ne pas utiliser ce seuil et d’appliquer, s’ils le souhaitent, la TVA du lieu de résidence de leurs clients dès les premières ventes. Notamment, si le taux de TVA dans le pays des consommateurs est inférieur au taux dans le pays du prestataire, l’opportunité pour le prestataire serait alors de proposer les services à un prix plus compétitif ou d’augmenter sa marge… L’option couvrira, au minimum, deux années calendaires.

Les règles permettant de déterminer la localisation des consommateurs vont également être simplifiées pour les entreprises dont le montant des prestations de services n’excède pas EUR 100.000.

À ce jour, un prestataire doit s’assurer de déterminer le lieu où réside ses clients sur la base de deux éléments de preuve différents. À compter de 2019, un seul élément de preuve sera suffisant dès lors qu’il sera fourni par une entité impliquée dans la prestation de service mais qui ne soit ni le prestataire, ni le client. Par exemple, au lieu de devoir collecter lui-même deux éléments de preuve, un fournisseur de vidéos en streaming pourra vraisemblablement s’appuyer sur les informations reçues du fournisseur de télécommunications via lequel ses services sont rendus aux consommateurs.

  • Les règles liées à la facturation imposaient aux prestataires de se soumettre aux dispositions de l’État membre dans lequel résidaient les consommateurs. Ces dispositions imposaient donc des systèmes de facturation prenant en compte les multiples exigences des différents États membres en terme de facturation. La nouvelle directive revient sur ces dispositions en posant le principe selon lequel les règles de facturation à appliquer sont celles de l’État membre d’établissement du prestataire.
  • Un changement plus anecdotique pour le lecteur luxembourgeois concerne la faculté désormais offerte aux prestataires non établis dans l’Union européenne de bénéficier du régime du Guichet Unique même s’ils sont identifiés à la TVA dans l’un des pays de l’Union.

Cela n’était pas le cas au regard des règles précédentes et, par conséquence, ce type de prestataire ne pouvait ni bénéficier du régime du « mini-guichet-unique » réservé aux prestataires européens, ni bénéficier du régime du guichet unique destiné aux prestataires non-européens et devait donc s’immatriculer dans chacun des États membres où il avait des clients.

1er janvier 2021, une nouvelle évolution des régimes existants


Les règles qui entreront en vigueur en 2021 continueront certes de faire évoluer le régime TVA applicable aux prestations de services rendus à des particuliers. Cependant, les nouveautés principales toucheront les transactions relatives aux biens.

Les régimes du « mini-guichet-unique » et du Guichet Unique seront ouverts aux services de toute nature fournis à des consommateurs résidant dans un autre État membre.

Comme on l’a rappelé, ces régimes sont actuellement réservés au report des prestations fournis par voie électronique, aux prestations de télécommunication et de radio et télédiffusion. Ce ne sera plus le cas en 2021 où, par exemple, un prestataire luxembourgeois intervenant sur un chantier pour une personne privée dans les pays voisins, n’aura vraisemblablement plus l’obligation de s’immatriculer à la TVA dans ces pays, mais pourra utiliser le mini-guichet-unique afin de reporter ces opérations à l’étranger.

La méthode de correction des déclarations déposées par les prestataires utilisant ces deux régimes sera également simplifiée. Actuellement, il n’est pas possible de corriger une déclaration déposée autrement que via le dépôt d’une déclaration rectificative pour la période concernée. La directive pose le principe d’une modification possible des déclarations via les déclarations subséquentes et ce, dans les trois années suivant la déclaration erronée.

Le délai de dépôt des déclarations se voit également allongé de 10 jours passant de 15 à 25 jours. Les déclarations seront donc à déposer à la fin du mois suivant le trimestre couvert par la déclaration. À noter qu’il sera toujours nécessaire de remettre une déclaration, même dans l’hypothèse où aucune transaction n’est à reporter pour la période concernée.

Le mini-guichet-Unique utilisable pour les ventes à distance


Évidemment, le commerce ‘électronique’ ne concerne pas que les services mais aussi les ventes de biens.

Lorsque les biens sont expédiés d’un État membre vers un autre État membre et que l’acheteur est un consommateur, ces ventes sont actuellement soumises au régime des « ventes à distance ». Ce régime ne s’applique toutefois pas à certains types de biens comme les alcools, les produits à base de tabac et les moyens de transport neufs.

Dans ce régime, la TVA de l’État membre d’arrivée des biens est due dès que les ventes dépassent le seuil fixé par cet État membre. Ce seuil est généralement de EUR 35.000. En dessous de ce seuil, la TVA applicable est celle de l’État membre de départ des biens.

Le but de ces règles est clairement d’éviter que les entreprises de vente par correspondance ne s’installent :

  • Soit dans les États membres où les taux de TVA sont les plus faibles : Les taux standards présentent une différence de 10%.
  • Soit dans ceux qui appliquent des taux réduits particulièrement attractifs comme le Royaume-Uni pour les vêtements pour enfants

Dans ce régime, les entreprises sont tenues de s’immatriculer et de déposer des déclarations TVA dans les États membres où elles ont des consommateurs lorsqu’elles dépassent les seuils fixés par ces États membres.

Ces lourdeurs administratives sont évitées aux petites entreprises qui ne dépassent pas ces seuils mais elles peuvent opter pour soumettre leurs ventes à la TVA de l’État membre d’arrivée des biens. Une telle option sera intéressante notamment lorsque le taux de TVA dans l’État où les biens sont envoyés est inférieur. Le vendeur peut également préférer opter afin d’éliminer l’aléa que le dépassement du seuil en cours d’année fait peser sur sa marge bénéficiaire, sa politique de prix ou encore le paramétrage de son système comptable.

La grande nouveauté de 2021 sera l’extension du « mini-guichet-unique » aux ventes à distance de biens dans l’Union européenne. Comme dans le régime actuel, l’acheteur doit être un non assujetti à la TVA (par exemple particulier) ou un assujetti bénéficiant d’un régime dérogatoire (par exemple régime de franchise TVA).

Dans ce cas, si un seuil de EUR 10.000 de vente, similaire à celui introduit en 2019 décrit ci-dessus, est dépassé, le vendeur aura la possibilité d’utiliser le mini-guichet-unique afin de reporter ces transactions dans les différents États membres de l’Union européenne.

Si le seuil n’est pas dépassé, les ventes resteront soumises à la TVA du lieu où les biens se trouvaient au départ du transport. Cependant, là encore, même sous le seuil, le vendeur aura la possibilité d’opter pour l’application de la TVA de l’État membre où résident les consommateurs dès la première vente.

Les ventes à distance intra-communautaire régies par le régime du « mini-guichet-unique » ne seront plus soumises à l’obligation d’émettre une facture. Cette dispense qui ne couvre aujourd’hui que les prestations de services aux particuliers sera étendue aux ventes à distance de biens.

Il est d’ores et déjà intéressant de noter la potentielle complexité de ces futures déclarations du « mini-guichet-unique » qui—soit dit en passant—devient de moins en moins bien nommé car de ‘mini’, son champ d’application devient très large ! D’une part, elles devront reprendre les prestations de services fournis à des particuliers, depuis l’État dans lequel le prestataire est immatriculé mais également depuis les États membres dans lesquels le prestataire dispose d’établissements stables impliqués dans les prestations de services. Elles reprendront également les ventes à distance au départ de l’État d’immatriculation mais également, au départ de tout autre État membre. Elles incluront enfin, comme mentionné, les corrections potentielles de déclarations précédentes.

Le nouveau seuil de EUR 10.000 constitue un abaissement notable du chiffre d’affaires qui peut être vendu avec application de la TVA de l’État membre de départ des biens. Ainsi, dans le régime actuel, une entreprise luxembourgeoise réalisant des ventes à distance vers les consommateurs des pays voisins pourrait vendre jusqu’à EUR 170.000 de biens avec la TVA luxembourgeoise, sans jamais dépasser le seuil fixé par ces État : EUR 100.000 en Allemagne et EUR 35.000 en France et en Belgique. Le nouveau seuil de EUR 10.000 constituera donc un changement notable pour ces entreprises.

Un régime spécifique pour les ventes à distance de biens importés


Les ventes à distance de biens importés de territoires ou de pays tiers feront l’objet d’un régime particulier ouvert aux sociétés établies ou représentées par un intermédiaire établi dans l’Union européenne. Les sociétés établies hors de l’Union européenne et non représentées par un intermédiaire européen ne seront susceptibles de bénéficier de ce régime que s’il existe un accord de mutuelle assistance entre l’État dont elles ressortent et l’Union européenne.

Ce régime ne sera applicable qu’aux biens d’une valeur inférieure à EUR 150. Les biens soumis à accises comme les alcools ou le tabac seront également exclus de ce régime. Les règles traditionnelles applicables aux importations restent applicables pour les biens soumis à accises ou pour les biens d’une valeur supérieure à ce seuil.

Au terme de ces nouvelles dispositions, aucune TVA ne sera due sur l’importation des biens dès lors que la vente à distance à des consommateurs européens est reportée sur le même modèle que le régime des ventes à distance intra-communautaire. La TVA due sera alors la TVA du pays où les biens sont envoyés. Le vendeur ou son représentant devra s’immatriculer à la TVA auprès d’un État membre et remettre des déclarations mensuelles où figurera la liste des ventes à distance de biens importés.

La particularité liée à ce régime tiendra à la possibilité offerte aux assujettis d’être représentés par un intermédiaire. Ainsi, les vendeurs étrangers ne seront pas tenus de s’immatriculer eux-mêmes à la TVA afin de déclarer leurs ventes à distance de biens importés mais pourront utiliser un intermédiaire qui réalisera ces déclarations pour leurs comptes.

L’intermédiaire disposera de son propre numéro d’immatriculation et chaque vendeur qu’il représentera sera identifié par un numéro individuel. À noter que le régime sera destiné aux intermédiaires réguliers puisque, à défaut de transactions reportées durant deux trimestres successifs, l’intermédiaire sera radié du régime.

Simplification des importations de biens de faible valeur


Le législateur a anticipé que des importations de biens d’une valeur inférieure à EUR 150 peuvent ne pas être reprises dans ce régime spécial. Les raisons peuvent être diverses, par exemple les biens sont soumis à accises, le vendeur n’est pas immatriculé afin de bénéficier de ce régime, l’intermédiaire n’est pas encore immatriculé.

Dans ce cas, la TVA sera due dans le pays où les biens pénètrent dans l’Union européenne.

Cependant, là encore, un régime de simplification permettra à l’entité qui présente les biens à l’importation à payer la TVA pour le compte de la personne à qui les biens sont destinés. Le paiement de cette TVA ne se fera plus à la douane mais via des déclarations mensuelles déposées de manière électronique. À noter également que l’exonération de TVA à l’importation sur les objets de faible valeur (i.e. inférieure à EUR 22) sera supprimée.

L’implication des Marketplaces dans la collecte de la TVA


La dernière innovation très importante dans la directive consiste à impliquer dans la collecte de la taxe, les assujettis qui opèrent les plateformes, portails ou Marketplaces électroniques via lesquels les ventes à distance sont réalisées.

Dans un article 14a à qui il est promis une célébrité certaine dans le milieu des opérateurs de ces Marketplaces, la directive pose les principes selon lesquels :

1- S’agissant des ventes à distance de biens importés pour une valeur inférieure à EUR 150, l’opérateur de la plateforme est réputé recevoir, puis fournir le bien lui-même.

2- S’agissant des livraisons de biens dans l’Union européenne réalisées par des vendeurs qui ne sont pas établis dans l’Union européenne—et quelle que soit la valeur des biens en question—l’opérateur de la plateforme est là-aussi réputé recevoir, puis fournir les biens lui-même.

L’ensemble de ces règles manifeste clairement la volonté du législateur européen de mettre fin à la situation actuelle qui permet trop facilement aux vendeurs non établis dans l’Union européenne, et au détriment des vendeurs établis, de ne pas appliquer de TVA sur leurs ventes de biens aux consommateurs des différents États membres.

Si la philosophie des règles est parfaitement louable, de très nombreuses questions restent ouvertes quant à la mise en œuvre pratique de ces dispositions. Notamment, le poids déclaratif que ces règles font supporter aux Marketplaces, par opportunité économique plus que par un quelconque principe TVA sous-jacent, apparaît extrêmement important.

La multiplication des régimes de simplification a bien pour but d’alléger cette charge mais, au regard des montants en jeu et du nombre de transactions quotidiennes, et en gardant à l’esprit que des taux différents – et notamment des taux réduits – ou d’autres spécificités locales peuvent s’appliquer, on peut raisonnablement douter que ‘simple’ soit le premier adjectif qui viendra à l’esprit des professionnels du secteur qui devront mettre en œuvre ces nouvelles dispositions.

Si les règles principales exposées ci-dessus ont été officiellement adoptées par le Conseil européen le 17 décembre, il est aussi prévu qu’un règlement européen soit adopté d’ici la fin de 2018 afin d’en préciser les détails d’application. L’élaboration par la Commission de ce règlement implique différentes consultations avec des associations professionnelles et la consultation du « Groupe d’experts TVA » qui réunit un certain nombre d’experts TVA venant de divers horizons professionnels et chargés de conseiller la Commission européenne.

Ce groupe étudiera, notamment, les dispositions relatives aux Marketplaces, comme une définition plus précise de la notion de « facilitation » des ventes à distance que fournissent les plateformes aux vendeurs utilisant leurs services, mais aussi les questions mêlant TVA et douanes comme l’organisation de l’abolition de l’exonération TVA pour les biens importés de faible valeur. Ce processus de consultation illustre parfaitement la difficulté de la matière.

Appliquer la TVA du consommateur mais à quel taux ?


L’ensemble des mesures décrites ci-dessus vise clairement à assurer la taxation dans le pays du consommateur et donc l’application de la TVA locale. Pour cela, il convient de connaître le taux de TVA applicable. Or, il existe de nombreux taux applicables à différentes catégories de biens et de services qui varient d’un État membre à l’autre. Une liste de ces taux est disponible sur le site de la Commission mais elle n’est pas assez précise que pour déterminer avec certitude le taux applicable. Or, la mauvaise application d’un taux de TVA peut avoir des conséquences financières non négligeables dans le mesure où il sera vraisemblablement impossible de réclamer au consommateur la différence entre le taux de TVA réduit facturé par erreur et le taux standard réclamé par l’administration en cas de contrôle (sans parler des amendes et intérêts de retard). À titre d’exemple, les livres sont soumis à une TVA de 6 ou de 21% en Belgique, ou les produits pharmaceutiques en Hongrie à 5 ou 27%. En outre, il doit être noté que la Commission étudie la possibilité de donner plus de liberté aux États membres dans la définition des biens et services dont ils veulent faire profiter de taux réduits. Cette initiative sera sans doute favorable aux consommateurs mais risque de compliquer encore d’avantage la vie des entreprises.

Des mesures qui s’inscrivent dans un contexte plus large


Ces mesures de taxation dans l’État de consommation s’inscrivent dans une tendance plus globale. En effet, le comité fiscal de l’OCDE a émis des « guidelines » visant à favoriser la taxation des services dans le pays des consommateurs, et de nombreux pays en dehors de l’Union européenne ont récemment adopté des dispositions visant à assurer le paiement de la TVA (ou taxe sur la consommation équivalente) sur les services achetés par leurs résidents auprès de fournisseurs étrangers.

Au niveau de l’Union européenne, même les règles applicables aux relations entre professionnels pourraient être chamboulées dans les prochaines années : la Commission travaille sur une proposition de directive relative aux ventes de biens entre assujettis établis dans différents États membres. Actuellement la taxe due est payée par l’acheteur dans le pays d’arrivée des biens. Dans le système proposé par la Commission, la taxe resterait due dans le pays d’arrivée des biens mais serait payée par le vendeur via un « one stop shop ». Un des buts de la proposition est de lutter contre la fraude que génère le système actuel et que la Commission évalue à 50 milliards d’EUR par an.

Même s’il ne s’agit pas de TVA, il doit être mentionné que la Commission a indiqué qu’elle devrait d’ici la fin du mois de mars proposer une nouvelle taxe temporaire sur les recettes publicitaires des sociétés de commerce électronique dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 750 millions d’EUR. Quant au taux, la fourchette envisagée va de 0,1 à 5% des recettes. Une taxe séparée pour les plateformes électroniques est aussi envisagée. Cette proposition illustre, une fois de plus, l’importance des questions fiscales liées au commerce électronique.

En conclusion, il est clair que les règles TVA applicables aux opérations transfrontalières à des consommateurs vont dans les années à venir connaître de nombreux changements. Ces derniers doivent être anticipés et organisés dans tous leurs aspects qui sont loin de se limiter aux considérations purement fiscales: stratégie commerciale, paramétrage des systèmes comptables, disponibilité des informations pertinentes, automatisation… Même le traitement TVA des ventes transfrontalières de biens entre assujettis est susceptible d’évoluer. Cependant, la proposition de la Commission devra sans doute évoluer avant de rencontrer l’accord unanime des États membres afin d’être adoptée.

Les auteurs
Christian Deglas
Partner, Deloitte Luxembourg
Éric Reolon
Director, Deloitte Luxembourg