Des procédures d’autorisation simples, digitales et efficaces deviennent un élément de plus en plus important pour la compétitivité et l’attractivité de l’économie luxembourgeoise. L’accord de coalition 2023-2028 reconnait le caractère souvent « fastidieux, laborieux et souvent inutilement restrictif » des procédures d’autorisation et le gouvernement souhaite examiner toutes les procédures d’autorisation afin de les simplifier et de les accélérer.

Dans ce contexte, la FEDIL a mené une analyse des procédures d’autorisation de construire et des procédures d’autorisation d’exploitation, qui se réalisent essentiellement en 2 phases :

  • La phase de préparation et de soumission du dossier, lors de laquelle l’entreprise a les premiers contacts avec les autorités compétentes et rassemble les études et informations requises ;
  • La phase d’autorisation, lors de laquelle les autorités compétentes analysent les dossiers des requérants, lancent les enquêtes publiques si nécessaire et entament le processus de décision.

Se basant sur une enquête réalisée auprès des membres de la FEDIL, cet article présente les principaux résultats et propose des réflexions pour accélérer les procédures dans l’objectif de mieux consolider les enjeux de protection de l’environnement, de sécurité au travail et de compétitivité économique.

Les résultats de l’enquête reflètent l’opinion de 24 entreprises participantes issues de différents secteurs de l’industrie manufacturière et portent sur les phases de préparation et de soumission du dossier et les phases d’autorisation des procédures d’autorisation de construire et d’autorisation d’exploitation.

Il est évident que la complexité et la durée de chaque demande d’autorisation peut fortement varier en fonction du type du projet, de la classification parmi la nomenclature des établissements classés ou encore en fonction du fait qu’il s’agit d’une modification d’une installation ou de la création d’une installation par exemple, mais les résultats de l’enquête reflètent des tendances générales donnant lieu à certaines réflexions à creuser davantage.

Les procédures d’autorisation de construire

Les travaux de construction, transformation ou démolition d’un bâtiment sont soumis à une autorisation de construire (aussi appelée autorisation de bâtir ou permis de construire).
La demande d’autorisation de construire doit être déposée auprès du bourgmestre de la commune concernée et ne peut être accordée que si les travaux sont conformes au plan d’aménagement général (PAG), au plan d’aménagement particulier (PAP) (« nouveau quartier » ou « quartier existant ») et au règlement sur les bâtisses.

L’enquête réalisée montre que la phase de préparation du dossier, à savoir de l’analyse par l’entreprise des exigences prévues par les réglementations jusqu’au premier dépôt du dossier, prend dans la plupart des cas entre 6 et 12 mois (voir graphique 1).

Graphique 1 : Durée de la phase de préparation du dossier,
enquête FEDIL 2024

Il s’ensuit la phase d’autorisation pendant laquelle l’autorité compétente analyse le dossier soumis par le requérant et, le cas échéant, octroie l’autorisation. Se basant sur les résultats de l’enquête, cette procédure prend dans la plupart des cas entre 6 et 12 mois jusqu’à l’octroi de l’autorisation (voir graphique 2).

Graphique 2 : Durée de la phase d’autorisation, enquête FEDIL 2024

Les principales raisons retardant le processus d’autorisation de construire

Les principaux facteurs qui contribuent à retarder la procédure d’autorisation de construire de manière régulière et qui ont été relevés dans l’étude sont notamment :

  • Les problématiques liées au PAG et/ou au PAP : Dans un certain nombre de cas, les procédures d’autorisation sont retardées du fait que le PAG/PAP n’existe pas ou qu’il y a un besoin de les mettre à jour. Or, l’autorisation ne peut être octroyée pour un projet que si les travaux sont conformes au PAG/PAP ;
  • Le manque d’encadrement de la procédure et le manque d’interlocuteurs clairement définis, pouvant engendrer des inefficacités au niveau des processus internes de l’autorité compétente et résultant dans certains cas dans un manque de réactivité des autorités.

Les procédures d’autorisation d’exploitation

Les autorisations d’exploitation fixent les conditions d’aménagement et d’exploitation pour une entreprise générant de la pollution, du bruit ou d’autres incommodités et qui sont jugées nécessaires pour la protection de l’environnement et pour garantir la sécurité des salariés, du public et du voisinage en général.

Les différents types d’établissements ou d’activités sont répartis selon plusieurs classes (1, 1A, 1B, 2, 3, 3A, 3B ou 4). Ces établissements doivent être autorisés suivant leur classification soit par le ministre l’Environnement (1B et 3B), soit le ministre du Travail (1A et 3A), soit les 2 ministres prémentionnés (1 et 3). Les établissements de classe 2 doivent être autorisés par le bourgmestre de la commune et les établissements de classe 4 sont régis sur base du règlement grand-ducal spécifique applicable.

La complexité et la durée des procédures d’autorisation d’exploitation peuvent fortement varier en fonction de la nature des projets et de leur classification parmi la nomenclature des établissements classés. Ainsi, des demandes d’autorisation nécessitant par exemple une évaluation des incidences sur l’environnement (EIE) sont naturellement plus complexes et la délivrance des autorisations nécessite plus de temps.

Il est cependant sans surprise que 40% des entreprises ayant participé à l’enquête voient la complexité et la durée des procédures comme un obstacle sérieux, voire un obstacle très fort à l’investissement sur le territoire luxembourgeois (voir graphique 3).

Graphique 3 : L’impact de la complexité et la durée du
processus d’octroi d’autorisation d’exploitation sur les
décisions d’investissement, enquête FEDIL 2024

Les entreprises européennes et luxembourgeoises se retrouvent aujourd’hui davantage exposées à une concurrence internationale importante. Il devient aujourd’hui essentiel de reconnaître que la facilité et la rapidité des procédures de demandes d’autorisation deviennent un élément de compétitivité et d’attractivité de l’économie luxembourgeoise.

L’enquête réalisée montre que la phase de préparation de la demande d’autorisation d’exploitation, à savoir de l’analyse par l’entreprise des exigences prévues par les réglementations jusqu’au premier dépôt du dossier, prend dans la plupart des cas entre 6 et 12 mois (voir graphique 4).

Graphique 4 : Durée de la phase de préparation de dossier,
enquête FEDIL 2024

La phase d’autorisation, à savoir du premier dépôt du dossier jusqu’à l’octroi de l’autorisation, varie fortement en fonction des projets. Alors qu’il est difficile de faire une déclaration générale sur la durée moyenne de la phase d’autorisation, cette phase est clairement celle qui dure le plus longtemps dans la procédure (voir graphique 5).

Graphique 5 : Durée de la phase d’autorisation,
enquête FEDIL 2024

Les principales raisons retardant le processus d’autorisation d’exploitation

L’enquête a proposé aux participants une panoplie de facteurs qui peuvent retarder le processus des autorisations d’exploitation et les entreprises ont été demandées la fréquence à laquelle elles y sont confrontées (voir graphique 6). Il ressort de l’étude que les facteurs suivants sont perçus comme les principaux éléments retardant de façon récurrente la procédure d’autorisation :

  • Le fait que plusieurs autorités compétentes sont impliquées dans la procédure ;
  • Les autorités compétentes sont en sous-effectif, résultant souvent dans un manque de réactivité de la part des autorités ;
  • Le manque de prévisibilité sur les études à fournir dès le début de la procédure ;
  • Le manque de coordination entre les différentes autorités compétentes ;
  • La complexité des données (avis d’experts etc.) et des analyses requises pour la préparation des rapports d’étude.
Graphique 6 : Principaux facteurs retardant l’octroi des autorisations d’exploitation, enquête FEDIL 2024

Les principaux facteurs d’amélioration pour accélérer les procédures d’autorisation d’exploitation

L’enquête a également proposé aux participants un ensemble de propositions qui peuvent accélérer les procédures et les entreprises ont pu évaluer dans quelle proportion ces éléments peuvent contribuer à les accélérer. Les résultats sont présentés dans le graphique 7 selon le degré auquel les mesures peuvent contribuer à les accélérer.

Graphique 7 : Mesures d’amélioration pour simplifier et accélérer les procédures, enquête FEDIL 2024

Réflexions sur les principaux facteurs d’amélioration pour accélérer les procédures d’autorisation de construire

En se basant sur les observations de l’étude, il apparaît que les mises à jour du PAG pour refléter les plans sectoriels les plus récents sont un facteur clé pour accélérer les processus de construire.

Par ailleurs, la mise en œuvre d’un cadre légal prévoyant la possibilité de construire sur base d’une autorisation provisoire résulterait dans un gain de temps pour les investisseurs. Cette réglementation est utilisée en Allemagne par de nombreux investisseurs, dont p.ex. pour la construction de l’usine Tesla. Plutôt qu’une autorisation provisoire, il s’agit en effet d’une exemption temporaire de l’exigence d’autorisation. Le porteur du projet profite de la possibilité de commencer certains travaux avant que l’autorisation ne soit accordée, à ses propres risques. Étant donné que l’autorité compétente ne devrait disposer que d’un pouvoir discrétionnaire limité, l’autorisation sera accordée si les conditions nécessaires sont remplies. Le législateur devrait accorder cette possibilité pour la construction de l’ensemble du système, y compris pour tester son fonctionnement.

Réflexions sur les principaux facteurs d’amélioration pour accélérer les procédures d’autorisation d’exploitation

L’accélération des procédures d’autorisation d’exploitation ne se fera guère par la mise en œuvre d’une mesure isolée, mais ce sont plutôt plusieurs mesures complémentaires qu’il faut envisager dans leur ensemble pour créer un impact important au niveau de la réduction des délais. Se basant sur les observations de l’étude et les priorités données par les entreprises participantes, les réflexions suivantes ont la vocation d’apporter des éléments au débat plus large de simplification administrative.

  1. Centralisation des demandes à travers un guichet unique (« zentrale Anlaufstelle »).
    Les résultats de l’enquête laissent présager que la multitude d’acteurs impliqués dans la procédure et le manque de coordination entre les acteurs contribuent fortement à freiner et à retarder la délivrance d’autorisations.Une mesure incontournable serait la mise en place d’un guichet unique central qui est le premier point de contact du requérant et permet de l’orienter en tout début de procédure. Ce guichet unique devrait avoir comme vocation d’accompagner les entreprises dans les phases préliminaires d’une demande d’autorisation et/ou d’un projet et de définir un premier périmètre pour la requête (voir point 3).Le guichet unique en ligne (myguichet.lu) peut jouer un rôle important dans la centralisation des données et serait complémentaire à un guichet unique physique qui pourrait être construit sur des compétences existantes et se doter de ressources supplémentaires si nécessaire.
  2. Instaurer dans la loi une fonction de conseil obligatoire (« gesetzlich vorgesehene Beratungsfunktion ») pour les administrations compétentesLes administrations compétentes qui sont amenées à intervenir dans le cadre d’une procédure d’autorisation d’exploitation devraient être dotées d’un devoir de consultation ou de conseil par la loi. Dès lors, le requérant pourrait, dès un stade précoce du projet et/ou de la procédure, contacter le guichet unique et/ou les autres autorités compétentes afin de se faire conseiller sur la procédure la plus efficace pour son projet.
  3. Streamlining – Rationalisation des procéduresAujourd’hui, la procédure se restreint essentiellement à 2 phases : (1) la phase de préparation et de soumission du dossier et (2) la phase d’autorisation. Un meilleur encadrement de la procédure via la formalisation d’une phase préliminaire en début de procédure permettrait de mieux rationaliser les démarches à réaliser par la suite.Ainsi, en s’inspirant de la procédure en Allemagne, cette nouvelle phase de projection aurait les objectifs suivants :

    • Échange des premières informations aidant l’autorité compétente (p.ex. le guichet unique) à identifier à l’avance les difficultés qui pourraient survenir au cours de la procédure et, si nécessaire, à pouvoir conseiller le demandeur sur la manière de procéder. En outre, l’autorité peut se familiariser à un stade précoce avec toute nouvelle technologie. La portée et le niveau de détail des informations requises à ce stade de la procédure devront dépendre du type de projet envisagé et se limiter au stricte nécessaire.
    • Définition du cadre juridique du processus d’autorisation : L’autorité (p.ex. le guichet unique) conseille le requérant sur les types de procédures possibles et, le cas échéant, lui signale la procédure la plus efficace et les autres exigences d’autorisation.
    • Établissement clair d’un calendrier et des interlocuteurs (du côté des autorités comme des requérants) et détermination de la manière la plus contraignante possible des documents qui doivent être soumis et avec quel niveau de détail, dans quelle mesure les documents seront utilisés et si des rapports d’experts supplémentaires doivent être obtenus. La portée des études à fournir se définit en début de procédure afin de donner aux entreprises et aux investisseurs une meilleure prévisibilité sur les charges liées à la procédure. Des demandes d’études supplémentaires en cours de procédure ne devraient pas entraver la procédure.
    • Rendez-vous de cadrage („Scopingtermin“) spécifique en cas d’évaluation des incidences sur l’environnement (EIE) : Le but d’un rendez-vous de cadrage est de déterminer l’étendue de l’enquête pour une EIE avec la participation des autorités concernées et, si nécessaire, de tiers.

    Cette phase préliminaire est suivie par la phase de préparation et de soumission des dossiers, lors de laquelle le requérant peut faire appel au guichet unique pour se faire accompagner dans le processus. Une séparation stricte des différentes phases n’est pas possible, elles jouent plutôt les unes dans les autres. Une communication ciblée entre les acteurs concernés est une condition préalable essentielle pour accélérer le processus.

    Finalement, la rationalisation des démarches passe aussi par la réduction du nombre d’autorités compétentes qui peuvent potentiellement intervenir dans la procédure, p.ex. via l’intégration du volet relatif à la protection de l’eau dans la procédure de demande d’autorisation d’exploitation.

  4. Digitalisation des procédures.
    Avec la révision fondamentale prévue de la loi modifiée de 1999 relative aux autorisations d’exploitation (ci-après la loi commodo), le gouvernement veut se donner les moyens de simplifier et de digitaliser les procédures d’autorisation d’exploitation.La digitalisation du processus d’autorisation a le potentiel de générer certains gains de temps, p.ex. via la suppression des échanges postaux, la soumission des demandes d’autorisation en ligne, ou encore la réalisation des consultations publiques en ligne. Or, une digitalisation ne peut être qu’un réel avantage si elle permet d’accélérer les procédures par des décisions automatisées lors de la procédure et que ces gains de productivité sont transférés aux entreprises. L’étude montre clairement que les entreprises voient davantage de potentiel d’accélération des procédures dans le traitement digital des dossiers, plutôt que dans la digitalisation du processus en lui-même, p.ex. via la suppression des échanges postaux.Le rôle du guichet unique en ligne devra certainement aussi être amené à évoluer dans le futur pour intégrer les dernières technologies, comme par exemple l’intelligence artificielle.
  5. Autorisation provisoire et approbation tacite.
    L’exploitation d’une installation basée sur une autorisation provisoire, au risque du requérant, n’est certainement pas adaptée à tous les projets. Cependant, ce serait une opportunité, une flexibilité pour les entrepreneurs et investisseurs qui sont prêts à prendre le risque de devoir mettre à niveau certaines parties de l’installation. L’étude montre que dans 60% des cas, cette flexibilité permettrait d’accélérer le processus (voir graphique 8).
    Graphique 8 : Contribution de l’autorisation provisoire pour
    accélerer les procédures, enquête FEDIL 2024

    Par ailleurs, les résultats de l’enquête montrent clairement que le principe de l’approbation tacite en cas de non-réponse des autorités dans les délais prévus reste toujours une mesure qui aurait dans beaucoup de cas un impact positif sur les délais d’autorisation. Le principe du « silence vaut accord » devrait être appliqué dans toutes les procédures d’autorisation.

    Graphique 9 : Contribution de l’approbation tacite pour
    accélérer les procédures, enquête FEDIL 2024
  6. Extension du champ d’application des procédures allégéesLa révision de la loi commodo devrait aussi être l’occasion de s’inscrire pleinement dans la philosophie du « Net-zero Industry Act », qui octroie aux Etats membres une responsabilité de créer le cadre permettant de réussir la transition énergétique et écologique des entreprises à l’horizon 2050. Ceci passe aussi par l’extension du champ d’application des procédures allégées et accélérées aux activités ayant trait à la décarbonation, à la production d’énergies renouvelables et à la durabilité et la circularité des processus et des produits, et ceci sur base de critères précis et objectifs.
  7. Révision approfondie de la nomenclature des établissements classés.
    L’objectif de cette révision devrait être, d’un côté, la simplification de la nomenclature mais surtout, de l’autre côté, l’extension de la classe 4 pour des activités à impact environnemental réduit. Les activités de classe 4 étant régies par règlement grand-ducal spécifique, les conditions d’exploitation sont clairement définies et le requérant devra uniquement notifier son activité plutôt que d’attendre la délivrance d’une autorisation. Cette approche est notamment pertinente pour des procédés et/ou des technologies relativement bien connus. Cette approche permet également de réduire les arbitrages administratifs au cas par cas pour les activités concernées.
Les auteurs
Jean-Marc Zahlen
Conseiller énergie et environnement auprès de la FEDIL