« Votre présence ce soir témoigne d’un intérêt grandissant sûrement, mais existant de longue date pour la manière dont l’industrie luxembourgeoise contribue à la réduction de l’impact environnemental à travers ses activités, ses procédés et ses produits. » C’est avec ces mots que Michèle Detaille, présidente de la FEDIL, a accueilli les quelque 100 invités venus assister le 8 décembre 2021 à la cérémonie de remise du Prix de l’Environnement de la FEDIL.
Pour cette 17e édition du Prix de l’Environnement de la FEDIL, 10 projets de haute qualité avaient été introduits par des entreprises aux profils très variés en taille et en activités, allant de la start-up à la PME jusqu’à l’industrie classique.
Devant un parterre d’invités, dont Robert Schmit, directeur de l’Administration de l’environnement, représentant la ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, les membres du jury, les lauréats de la promotion 2021 ainsi que plusieurs étudiants BTS du Lycée des Arts et Métiers, Michèle Detaille a débuté la soirée avec un discours très engagé, mettant en avant le rôle primordial de l’industrie dans la lutte contre le changement climatique.
« Pourquoi ? Parce que c’est l’industrie qui fournit les matières premières et les solutions nécessaires à la transition vers une économie à faibles émissions de CO2. » À plusieurs reprises, elle a assuré que « l’industrie luxembourgeoise est prête à prendre sa part de responsabilité dans la lutte pour le climat. » Or, pour aligner les objectifs très ambitieux fixés par le gouvernement luxembourgeois avec la réalité des entreprises et du monde industriel, « nous aurons besoin de conditions cadres tout aussi ambitieuses pour permettre à nos secteurs d’atteindre ces objectifs. » Elle considère que l’industrie devra s’appuyer sur des mesures exceptionnelles et audacieuses. Parmi celles-ci, le gouvernement devra, par exemple, ouvrir la voie à une électrification rapide et généralisée de la chaleur dans un large éventail d’entreprises de tous secteurs confondus. Elle demande que le déploiement de technologies CCU (carbon capture and utilisation) soit analysé et estime que la fourniture de gaz à faible teneur en carbone comme l’hydrogène sera indispensable dans un avenir proche.
« Nous pensons que les objectifs climatiques doivent être accompagnés par des stratégies de décarbonisation sectorielles, par des feuilles de route, par des instruments et des mesures de soutien qui répondent aux défis que ces objectifs représentent pour notre pays. » D’autant plus que les investissements nécessaires sont très élevés et, pour la plupart, non productifs. En effet, souvent, les technologies à mettre en œuvre ne permettent pas de réaliser des gains en productivité, malgré un renouvellement de l’équipement. Au contraire, la plupart des technologies à faible émissions de GES entraînent des coûts d’exploitation plus élevés que les technologies traditionnelles. Elle en conclut « qu’il faudra donc mettre en place des instruments qui permettent de compenser ces surcoûts. »
Pour permettre la réalisation de tous ces investissements d’ici la fin de la décennie, Michèle Detaille souligne aussi que l’énergie à faible teneur en GES doit être disponible à un prix compétitif et qu’une accélération des procédures d’autorisation est nécessaire. Par ailleurs, les entreprises, et particulièrement les PME, doivent être correctement informées et accompagnées sur le chemin de leur transition technologique.
Michèle Detaille rappelle que la FEDIL a présenté en septembre 2021 un catalogue de neuf propositions concrètes pour aborder la transition bas carbone dans le secteur de l’industrie.
Elle conclut son discours avec la mise en garde que le Luxembourg doit rester attractif pour l’industrie afin que nos entreprises puissent continuer à fonctionner localement.
« Le gouvernement doit démontrer que ses ambitions, de loin les plus élevées parmi les ambitions des pays européens, ne doivent pas causer de perturbations importantes et désavantageuses pour notre pays. Il faut que ces ambitions climatiques contribuent à la prospérité de nos entreprises, et partant, de notre pays. »
Au nom de la ministre de l’Environnement, Robert Schmit prend note des soucis et revendications de la présidente de la FEDIL. Il souligne à son tour le rôle de l’industrie dans ce processus de changement et met en avant l’innovation et la créativité des entreprises, auxquelles contribuent justement des initiatives telles que le Prix de l’Environnement de la FEDIL.
Avant de passer à la proclamation des lauréats, la soirée a connu un autre moment fort avec l’intervention d’Astrid Behaghel, Investment Director – Impact chez BGL BNP Paribas.
Si Michèle Detaille avait déjà souligné dans son introduction l’importance d’un acteur financier comme la BGL BNP Paribas pour la construction d’un avenir durable, Astrid Behaghel commence sa présentation sur « Les enjeux de l’hydrogène dans la décarbonation du Luxembourg » par un tour d’horizon scientifique et technique de l’hydrogène.
Alors que la production mondiale d’hydrogène s’élève aujourd’hui à 90 Mt par an, principalement pour le raffinage du pétrole et la production chimique, bon nombre d’experts estiment que l’hydrogène est un des outils essentiels pour atteindre l’objectif de zéro émission nette, pourvu que la production soit exempte d’émissions de CO2. Si cette production actuelle essentiellement d’hydrogène gris issu de ressources fossiles était réalisée par électrolyse à partir d’énergies renouvelables (hydrogène vert), l’équivalent de la production l’électricité en Europe serait requise. D’où l’importance de développer la technologie de l’électrolyse en termes de performance.
Dans ce contexte, Astrid Behaghel explique les couleurs caractérisant l’H2 en fonction des moyens techniques de production : gris pour la production d’hydrogène carboné, souvent par reformage à la vapeur de gaz naturel ; bleu pour hydrogène bas-carbone produit par captage du carbone ; et finalement vert pour l’hydrogène renouvelable produit par électrolyse. Alors que l’hydrogène gris n’est pas approprié du point de vue CO2, la production d’hydrogène vert n’est aujourd’hui pas compétitive, dépendant fortement du prix de l’électricité.
Si aujourd’hui deux secteurs, celui des engrais et celui du raffinage, font déjà largement appel à l’hydrogène (gris), d’autres industries ont compris que cet élément peut jouer un rôle essentiel dans la décarbonation de leur processus de production et dans la transition énergétique, et cela malgré les présentes contraintes techniques et économiques. Notamment dans la sidérurgie, qui génère 8% des émissions globales de CO2, les plus importants acteurs s’orientent vers la production d’acier vert et développent des projets pour substituer en fin de compte la filière traditionnelle haut fourneau / convertisseur par une réduction directe à base d’hydrogène associée à un four électrique. Dans le domaine des transports maritimes aussi, l’hydrogène est considéré comme l’une des solutions pour atteindre le niveau zéro net, soit directement, soit par le biais de l’ammoniac vert. Même si le secteur n’a pas encore trouvé de consensus sur le carburant de l’avenir (GNL, biodiesel, méthanol, ammoniac vert), plusieurs initiatives prometteuses ont été lancées, reflétant l’engouement du secteur pour l’hydrogène. Dans le domaine des transports lourds routiers, les défis quant aux besoins de décarbonation sont très significatifs aussi. Astrid Behaghel relate en particulier un projet de mobilité à l’hydrogène implémenté en Suisse, démontrant que la réussite d’une telle entreprise dépend largement des conditions cadres en place.
En 2021, pas moins de 39 pays ont annoncé leurs stratégies pour l’hydrogène, incluant souvent de larges enveloppes pour subventionner des projets. Ces stratégies intègrent les nombreux aspects par rapport à l’hydrogène : de la production aux utilisateurs, en passant par le transport de l’hydrogène. Astrid Behaghel s’attarde ensuite sur la stratégie du Luxembourg, où l’hydrogène vert sera essentiellement utilisé dans des secteurs où la décarbonation est difficile à atteindre. Au nombre des mesures décidées par le gouvernement, la collaboration au niveau européen, la recherche et l’innovation, l’identification de projets phares et la mise en place d’instruments de support sont parmi les priorités. Finalement, elle termine son exposé par la présentation des solutions d’investissement et de financement que BGL BNP Paribas a spécialement adaptées pour répondre aux besoins de clients qui souhaitent développer des projets hydrogènes innovants.
A l’issue de cet exposé très complet et très apprécié sur l’hydrogène, Gaston Trauffler, président du jury et responsable politique industrielle auprès de la FEDIL, a procédé à la proclamation tant attendue des lauréats du Prix de l’Environnement 2021.
Jury du Prix de l’Environnement 2021
- Présidé par Gaston Trauffler, FEDIL
- Thierry Flies, Schroeder & Associés S.A.
- Anouk Hilger, Enovos Luxembourg S.A.
- Thierry Krombach, DSK Systems S.A.
- Marianne Mousel, Administration de l’environnement
- Sophie Öberg, IMS Luxembourg a.s.b.l.
- Jean-Marc Zahlen, FEDIL
- Paul Zeimet, Société électrique de l’Our S.A.
Le jury, composé d’experts issus des secteurs public et privé, a attribué quatre prix à des projets répondant parfaitement aux critères fixés dans le règlement du Prix de l’Environnement, à savoir l’intérêt écologique, le caractère novateur, le développement durable et l’application pratique.
Prix de l’Environnement 2021 dans la catégorie « Produit »
« Robinloop » de l’entreprise Peintures Robin S.A.
La nouvelle peinture murale « Robinloop » est un produit circulaire par excellence, puisqu’il est fabriqué à partir de peintures et de laques, provenant des centres de recyclage de la SuperDrecksKëscht®. Accordant un grand soin au tri des produits collectés, les spécialistes de Peintures Robin récupèrent la matière première en cuve, y ajoutent, le cas échéant, d’autres matières pour répondre aux exigences de qualité, de blancheur et de viscosité, puis filtrent et conditionnent le produit fini. « Robinloop » est une peinture murale mate blanche pour intérieur et sans danger suivant la règlementation CLP, dont la production n’a aucun impact sur l’eau, l’énergie et l’air. De premiers clients se sont montrés très satisfaits aussi bien de la qualité du produit, qui convient à la mise en peinture de caves, parking et autres surfaces murales blanches, que par son aspect circulaire et respectueux de l’environnement.
Prix de l’Environnement 2021 dans la catégorie « ProCESS »
« Use of sustainable traction resins as replacement of petroleum based resins » de l’entreprise Goodyear S.A.
Chez Goodyear, l’approvisionnement durable fait partie de l’approche de gestion responsable des matériaux utilisés pour la fabrication de leurs produits. Dans cette perspective, les équipes du Centre d’Innovation de Goodyear à Colmar-Berg ont développé une solution permettant de remplacer les résines à base de pétrole par celles à base de pin biosourcées contribuant à améliorer les performances des pneus. Après avoir passé en revue les différents produits disponibles sur le marché, effectué des analyses spécifiques en laboratoire et tests en usine, la solution technique consistant à utiliser des résines terpéniques issues de pins, a été déployée à grande échelle pour la production notamment des lignes de pneus Eagle F1 Asymmetric 5 et Eagle F1 SuperSport. Associées à d’autres matières premières dans la formule de la gomme de bande de roulement, ces résines végétales permettent non seulement de réduire les besoins en naphte/pétrole brut, mais aussi d’améliorer les performances sur sol humide et de diminuer la consommation de carburant.
Prix de l’Environnement 2021 dans la catégorie « Gestion »
« Camions groupe froid cryogénique » de l’entreprise La Provençale S.à r.l.
Dans le but de réduire son empreinte carbone, La Provençale a investi dans 40 camions frigorifiques fonctionnant à l’azote cryogénique. Durables et propres, les nouvelles caisses frigorifiques réduisent de 40% l’émission de CO2 pour l’ensemble du véhicule. En effet, ce système à l’azote liquide ne rejette que de l’azote, composant naturel de l’air. A ce titre, la solution cryogénique permet une réduction de plus de 90% des émissions de particules totales d’un poids lourd frigorifique par rapport à un groupe froid diesel traditionnel. Par ailleurs, l’émission sonore est fortement réduite même à puissance maximale et la chaîne du froid encore plus sûre et efficace. Grâce à la télémétrie développée par l’équipe informatique, l’équipement standard a encore pu être amélioré en performance, efficacité, fiabilité et en consommation. Une station d’approvisionnement d’azote de 50.000 litres avec deux bornes de remplissage a été mise en place sur le site de La Provençale. 1/4 des 160 camions frigorifiques sont équipés à ce jour, et jusqu’en 2025, la moitié de la flotte devra circuler sur les routes avec le refroidissement à l’azote.
Prix de l’Environnement 2021 dans la catégorie « Gestion »
« Mise sur le marché de farines et graines dans des poches plastiques 100% recyclables » de l’entreprise Moulins de Kleinbettingen S.A.
Après avoir mis sur le marché en 2010 un emballage innovant permettant un usage propre et refermable de la farine et favorisant une longue conservation du produit, les Moulins de Kleinbettingen ont franchi une nouvelle étape en faisant développer des poches en plastique 100% recyclables. Pour cela, l’emballage composé jusqu’à présent de deux matériaux, PE et PET, et d’un bouchon sera réalisé en un mono-matériau 100% PET. Le défi était de développer une poche plastique répondant aux mêmes exigences de praticité, conservation et technicité sur une ligne de conditionnement. Sachant qu’au total environ 3.000.000 de sachets de ce type sont chaque année mis sur le marché luxembourgeois, européen et américain, cette innovation aura un impact positif considérable sur l’environnement. Par ailleurs, le remplacement de l’emballage jetable par de l’emballage recyclable est un élément essentiel dans le cadre du respect de labels RSE de l’entreprise.
Les lauréats se sont vu remettre leurs diplômes ainsi que des films conçus spécifiquement pour l’occasion et qui illustrent les projets respectifs.
Michèle Detaille s’est félicitée des projets de très bonne qualité présentés dans le cadre de ce concours, illustrant parfaitement l’interaction entre progrès écologique et esprit d’initiative des entreprises. Les lauréats démontrent que les concepts d’économie circulaire et de réutilisation de produits recyclés, d’approvisionnement éco-responsable en matières premières ainsi que d’utilisation responsable des ressources et de l’énergie sont déjà une réalité dans les entreprises. Ce qui corrobore la vision de la FEDIL selon laquelle, face aux défis climatiques et environnementaux, l’industrie est une partie intégrante de la solution.
La soirée s’est finalement terminée par une réception conviviale lors de laquelle les invités ont pu poursuivre les échanges sur leurs projets et préoccupations du moment.
En 2022, le prochain concours de la FEDIL sera de nouveau consacré au Prix de l’Innovation, organisé en alternance avec le Prix de l’Environnement et dont l’appel à candidatures sera officialisé vers la fin du mois d’avril.
Prix de l’Environnement de la FEDIL
Lancé pour une première fois en 1987 dans le cadre de l’année européenne de l’environnement et, après quelques éditions annuelles, le prix est organisé dans une cadence bisannuelle depuis le début des années ’90, ceci en alternance avec le Prix de l’Innovation de la FEDIL. Depuis son lancement, le Prix de l’Environnement s’inscrit dans le cadre du Prix européen de l’environnement que la Commission européenne organise tous les deux ans en collaboration avec les organisateurs des prix nationaux dans les pays membres de l’UE et dans les pays candidats à l’accession. Les lauréats luxembourgeois seront candidats pour le concours européen.