Le voyage d’étude ICT annuel peut se targuer d’être devenu en quelques années un événement marquant pour les hauts responsables du secteur des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Pour cette 7e édition, la délégation s’est rendue chez un géant à bien des égards : la Chine.

Pourquoi ce choix

La numérisation de notre société et de notre économie s’accélère et déferle sur le monde. L’Europe ne peut pas être à la traîne. Afin de continuer à saisir les opportunités offertes par une telle (r)évolution, l’Europe doit renforcer son ambition de rester compétitive. Pour ce faire, l’Europe doit comprendre comment d’autres régions du monde s’emparent de cette tendance et l’intègrent comme un ingrédient majeur, devenant le moteur de leur économie.

Il est clair qu’aujourd’hui, la Chine a une longueur d’avance en ce qui concerne l’intelligence artificielle (IA) et l’Internet des objets (IoT). Les initiatives prises par le gouvernement ont un impact mondial significatif. Elle est le berceau des BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) ; les GAFAM chinois.

Pour le secteur ICT luxembourgeois, il était important d’aller percer les mystères de cette montée en puissance fulgurante sur la scène internationale.

Les objectifs de ce voyage d’étude 2019

La délégation était composée de 33 hauts responsables du secteur des TIC, du secteur bancaire et juridique, de l’industrie, de représentants du gouvernement, de l’Université du Luxembourg et du Luxembourg Institute of Science and Technology. Les participants ont également eu le plaisir d’être accompagnés tout cette semaine par le Consul Général du Luxembourg et Directeur Exécutif du Luxembourg Trade and Investment Office (LTIO) à Shanghai, Luc Decker et de sa Directrice Adjointe, Lys Pan ainsi que de l’Ambassadeur de TEDx Chine à Shanghai, Richard Hsu.

Chaque participant avait une approche différente par rapport au voyage et aux différents sujets en fonction de son domaine de prédilection. Néanmoins, les objectifs suivants étaient partagés par la délégation :

  • Comprendre l’innovation au sens large et comment elle est favorable au développement d’un écosystème digital/ICT performant et quels en sont les facteurs clés de réussite : approches globales, financement et incitants, expertise (e-skills), liens recherche et développement privé/public et acteurs impliqués, etc. ;
  • Promouvoir le Luxembourg pour renforcer les collaborations internationales ainsi que favoriser l’accélération de l’écosystème luxembourgeois. À cet effet, une brochure présentant l’ensemble des activités des entreprises a été distribuée à chaque rendez-vous permettant ainsi aux entreprises rencontrées de mieux connaître l’écosystème ICT et FinTech du Luxembourg ;
  • Appréhender les contours de l’IA et de l’IoT et leur intégration en Chine en rencontrant des leaders dans ce domaine. Ces deux dernières technologies viennent bousculer les innovations technologiques et sont au cœur des développements des secteurs TIC et FinTech.

Au-delà de ces objectifs d’étude, ce voyage était également l’opportunité pour les membres de la délégation de se rencontrer dans un contexte différent du Luxembourg ce qui permet d’échanger des idées et de favoriser l’émergence de potentiels projets de collaboration communs.

Ainsi, la découverte de la Chine a conduit la délégation dans 3 villes : Shanghai, Hanghzou et Pékin. Les participants ont eu l’occasion de participer à toute une série de rendez-vous avec des entreprises de pointe et des instituts sélectionnés.

Shanghai

Visites & événements


  1. Networking : les quelques jours à Shanghai ont débuté par un petit déjeuner de rencontre le lundi 13 mai au cours duquel la délégation a pu avoir un aperçu de l’approche globale d’innovation en Chine par différents instituts et start-ups : François Candelon, BCG – Bo, e-games – Laurent Kneip, Université de Shanghai – William Bean, Chinaccelerator – Wang Chen, Slush China – Bob Zeng, C2 – Lu Min, Commission Science à Shanghai.
  2. Université de Tongji
  3. Carrefour « Le Marché »
  4. Hema/Happy Hippo d’Alibaba (voir encadré)
  5. Shangxia
  6. NIO (voir encadré)
  7. Microsoft for Startups
  8. Networking : le lundi 13 mai, la délégation a diné avec une sélection d’entrepreneurs chinois pour échanger sur la culture d’innovation du pays. Á cette occasion, la délégation a pu apprécier un spectacle de « Pintgan », performance dramatique traditionnelle du delta de la rivière Yantze.

Hema/Happy Hippo d’Alibaba


La délégation s’est immergée dans le milieu du commerce de détail en Chine. Cette dernière a pu constater que ce marché est très différent du marché européen. Avec les « click&collect » ou les « drive » et les passages en caisse obligés, cela est très loin de l’expérience vécue en Chine. En effet, les points de vente sont de véritables espaces de vie proposant des services diversifiés. L’inclusion des nouvelles technologies (paiement mobile par QR code ou par reconnaissance faciale), la fraîcheur et la disponibilité des produits y sont les maîtres mots.

Hema est un nouveau modèle de commerce de détail très innovant en Chine développé par le directeur général d’Alibaba, Daniel Zhang, en 2015. L’idée ici est d’intégrer l’e-commerce au point de vente physique traditionnel off-line afin de proposer une offre des produits frais de haute qualité, adaptés aux nouveaux comportements des consommateurs férus de technologie, tout en offrant une expérience d’achat d’épicerie traditionnelle. Ce concept s’inscrit parfaitement dans l’évolution du style de vie de la population chinoise, défini par un rythme de vie effréné, une classe moyenne avec une prédisposition élevée à mettre le prix.

Comment se passe le processus d’achat dans un Happy Hippo Fresh ?

De prime abord, Hema pourrait paraître comme un supermarché ordinaire, à la différence qu’aucune caisse n’encombre l’entrée/sortie du magasin. En fait, les deux se confondent même !

Pour réaliser ses achats, pas de caddies, pas de paniers dans cette boutique. Scannez simplement les produits que vous souhaitez acheter et ajoutez les dans votre panier virtuel. Lorsque vos courses seront terminées, un QR code sera attribué à votre commande, et il suffira de le présenter à l’hôtesse de caisse pour payer. Le trafic dans le magasin est ainsi fluidifié, aucun chariot ne vient prendre de l’espace inutilement dans le magasin, et l’acheteur peut se promener à travers les rayons en totale liberté, sans avoir à porter ses articles.

La véritable révolution se fera au moment de payer ! Le client présente le QR code de son panier virtuel à l’hôtesse de caisse, sans avoir à montrer ses articles. Pour payer, une seule solution évidemment : Alipay ! Le moyen de paiement propre au groupe Alibaba et qui compte aujourd’hui 520 millions d’utilisateurs. Pas d’espèces, pas de carte bancaire ! C’est aussi un moyen d’inciter le client à entrer dans le giron de la communauté Alibaba.

Après avoir payé, trois solutions s’offrent au client :

  1. Récupérer ses achats, le tout fraîchement emballé dans des sacs par les préparateurs ;
  2. Se faire livrer chez lui, à l’horaire de son choix (à condition d’habiter dans un rayon de 5 km) ;
  3. Choisir la livraison à domicile en commandant directement via le catalogue du magasin sur l’application Hema, toujours dans un rayon de 5 km.

Pour gérer les commandes en ligne, Alibaba a mis en place tout un système de logistique performant qui permet une préparation des commandes ultra rapide. Chaque collaborateur connaît parfaitement son rayon et est à même de placer les produits dans la chaîne de livraison très rapidement. Les équipes Hema Fresh procèdent ainsi à du picking directement en magasin. Une fois le panier rempli, celui-ci est accroché sur un rail en hauteur qui parcourt le point de vente pour l’acheminer en réserve. Un scooter se tient prêt à livrer le client, avec une livraison annoncée entre 15 et 30 minutes dans un rayon de 5 km.

Une des particularités du concept est de proposer des produits issus de la mer ; poissons, crustacés et fruits de mers encore vivants, présentés dans de larges bassins. Le client est libre de choisir son produit et de le faire cuisiner par un des nombreux chefs à sa disposition. Libre à lui ensuite de le consommer sur place dans la zone de restauration ou d’emporter ses victuailles chez lui.

Hema a donc réussi le pari d’intégrer des magasins en ligne et hors ligne (online-to-offline) dans un modèle d’entreprise unique lui donnant la flexibilité et l’agilité nécessaires dans un monde de plus en plus connecté. De plus, Hema a placé le client au centre de la chaîne de valeur. Grâce à l’utilisation du Big Data et de l’IA, l’entreprise peut analyser le comportement de ses clients et en comprendre leurs habitudes. En effet, la saisie en temps réel de la part du client, combinée aux capacités d’analyse du Big Data permet à l’entreprise d’adapter son offre de produits, de prix, de services, etc. à un segment de clientèle spécifique en fonction de sa situation personnelle. Par exemple, les clients peuvent être informés en temps réel des actualités ou des promotions du point de vente. Cela permet entre autres de gérer les reliquats et d’éviter le gaspillage.

Au 31 juillet 2018, Hema comptait 64 magasins répartis dans 14 villes et comptait plus de 10 millions de consommateurs.

NIO


La délégation a ensuite continué son immersion dans la société chinoise en visitant l’entreprise NIO/NextEV, constructeur automobile chinois basé à Shanghai, spécialisé dans la conception et le développement de véhicules électriques, intelligents et autonomes.

NIO se positionne comme la version chinoise de « Tesla » que l’entreprise souhaite concurrencer. William Li, président de Bitauto et NextEV, a fondé la société en 2014. Dès lors, plusieurs entreprises ont investi dans NIO, notamment des géants tels que Tencent, Temasek, Baidu, Sequoia, Lenovo et TPG. L’entreprise dispose déjà de 4 sites de production en Chine, d’un centre de design à Munich en Allemagne, d’un centre de conduite autonome à San José et d’une présence à Londres.

La première voiture créée par le constructeur est la voiture de course 100 % électrique, FE racing car, lancée le même jour de la création de la marque. Avec ce modèle, la société participe au FIA Formula E Championship, la première série de courses monoplaces entièrement électriques.

La délégation a eu l’opportunité de découvrir la super car, NIO EP9, une des voitures électriques les plus rapides au monde avec une vitesse de pointe de 330 km/h et du 0 à 100 km/h en 2,7 s, lancée en novembre 2016.

Dès le 16 décembre 2017, la marque met sur le marché son premier modèle de SUV électrique de série, le ES8 dont les livraisons ont officiellement débuté le 28 juin 2018. En février 2019, NIO avait déjà livré 13.964 véhicules dans plus de 250 villes.

Seulement un an plus tard, la marque propose son second modèle, le SUV compact ES6. En effet, la marque s’est fixée comme objectif de proposer un nouveau modèle de voiture par an.

Une des préoccupations pour les détenteurs de véhicules électriques est évidemment la recharge de sa voiture. À cet effet, NIO a mis à disposition de ses clients plusieurs moyens pour faciliter cette opération au travers de « NIO Power ». En marge de la recharge possible à la maison, NIO a développé des stations d’échange de batterie baptisées « Power Swap Station » dont la première a été ouverte en 2018 à Shenzhen (plus de 200 aujourd’hui) permettant l’échange de la batterie en seulement 3 minutes. Aussi, des stations de recharge mobiles permettent de recharger pour 100 km d’autonomie en 10 minutes. Toutes ces options sont regroupées dans une application mobile accessible depuis le « NIO Cloud ».

L’entreprise va donc au-delà des véhicules et propose des services personnalisés à ses clients tels que des espaces de travail dédiés, des cafés, des librairies, etc. Par ailleurs, la marque ne passe par aucun distributeur ou partenaire et propose tous les services elle-même.

En 2018, son chiffre d’affaires annuel total s’élevait à 4,951 milliards de RMB, dont 4,853 milliards de RMB de ventes d’automobiles, soit 98 % du chiffre d’affaires total. Ces chiffres montrent dans quelle mesure une entreprise peut s’implanter à une vitesse fulgurante en Chine.

Au cours des discussions, la délégation a pu comprendre que la marque n’a pas de projet immédiat de s’implanter sur le marché européen et qu’elle se concentre à l’heure actuelle sur le marché chinois.

Un axe de travail important pour la marque est la voiture autonome qu’elle met en œuvre sur les routes américaines à San José. En effet, en octobre 2016, NIO s’est vu délivrer un « permis de test de véhicule autonome » en Californie lui permettant de commencer à tester ses véhicules autonomes sur les routes publiques conformément aux directives du « Programme de testeurs de véhicule autonome ». Depuis, en mars 2018, la marque a obtenu le premier « permis de test de véhicule autonome » sur route publique délivré en Chine. Et quelques mois après, en novembre 2018, un permis de test de véhicule autonome de niveau T3 sur routes publiques à Pékin.

Chez NIO, la conduite autonome est un moyen de réduire les risques d’accidents et de gérer les flux de trafic routiers. NIO a développé son propre Système Avancé d’Assistance au Conducteur (ADAS). Actuellement, NIO propose des véhicules de niveau 1 (le véhicule peut réaliser une opération de manière autonome) à niveau 2 (le véhicule peut réaliser deux opérations combinées de manière autonome) voire 2,5 au maximum d’autonomie mais entend proposer des véhicules 100 % autonomes d’ici 2025.

Sur le sujet de la conduite autonome, la délégation n’a pas manqué de préciser le positionnement stratégique du Luxembourg dans ce domaine avec des acteurs déjà actifs sur ce sujet et de mentionner le projet « Cross-Border Digital Test Bed », qui consiste à promouvoir et à expérimenter la mobilité du futur via un site expérimental transfrontalier permettant de tester des véhicules autonomes comme des voitures ou encore des bus sur un trajet de 206 km traversant l’Allemagne, la France et le Luxembourg ; notamment pour assurer le passage d’un réseau à l’autre ou la reconnaissance des panneaux de signalisation des différents pays, ce qui ne pose en l’état pas de problèmes sur le vaste territoire chinois mais en posera lorsque la marque voudra s’implanter en Europe. Des tests pourraient d’ores et déjà être réalisés pour prévenir cela. Des possibilités de partenariats sont à évoquer et la délégation ne manquera pas de suivre ce dossier de près.

Hanghzou

Visites & événements


  1. Ant Financial (voir encadré)
  2. Alibaba
  3. Hikvision
  4. Spectacle aquatique « Xihu Impression » : lors de la soirée du mercredi 15 mai, la délégation a assisté à la représentation « Impression West Lake Show – Enduring Memories of Hangzhou » donnée entièrement sur l’eau et créée à la suite du G20 de 2016 qui a eu lieu dans la ville.
  5. Hikvision Networking : cette même soirée s’est conclue par un échange avec Robert Cheng, CEO de Pingpong, première Fintech chinoise à avoir obtenu sa licence au Luxembourg pour opérer sur le marché européen.

Ant Financial


La délégation a également côtoyé le domaine des services financiers en se rendant dans une des filiales du groupe Alibaba, Ant Financial à Hanghzou et a été reçue par Jin Li, Senior Director et Tony Sun, Deputy Director. Fondée en 2014, Ant Financial est une entreprise technologique qui propose des services financiers inclusifs dans le monde entier. Elle gère notamment le service de paiement mobile par Alipay créé en 2004.

Le système de paiement Alipay a été créé à l’origine pour répondre à un problème national. La Chine ne disposait pas de système de crédit, pas de cartes de crédit ; toutes les transactions se faisaient en espèces. Aujourd’hui, grâce à Alipay, vous n’avez plus besoin de portefeuille, toutes les transactions financières peuvent se faire depuis le téléphone portable. C’est une particularité de la Chine. Alipay a ensuite intégré toute une série d’innovations, notamment le paiement par QR code qui est devenu la norme, jusqu’à arriver au paiement par reconnaissance faciale.

Suite au développement de toutes ces innovations technologiques sur la partie paiement, l’entreprise s’est focalisée sur la partie financière toujours avec cette vision de proposer des services financiers inclusifs. En effet, en Chine, encore une grande partie de la population n’a pas accès aux services des banques traditionnelles. Ant Financial a donc mis en place toute une panoplie de services à destination de cette partie de la population, entre autres, un service de micro-crédits pour les PME. Par ailleurs, Ant Financial collabore avec le gouvernement pour fournir les services de e-government qui permettent, en outre, aux citoyens de payer leurs taxes.

Dans sa stratégie d’extension mondiale, Ant Financial a établi des partenariats globaux afin de promouvoir cette société sans cash notamment dans les pays où une large majorité de la population n’a pas accès aux services financiers traditionnels. Avec 9 partenaires globaux qui ont une implantation locale, Alipay peut ainsi atteindre 900 milliards de personnes à travers le monde (Europe, Russie, Inde, Pakistan, Amérique Latine, Afrique, etc.).

D’un point de vue technologique, l’entreprise se concentre sur le B.A.S.I.C. (Blockchain, Artificial Intelligence, Security, IoT, Computing).

Ant Financial a commencé à investir dans la blockchain il y a seulement 4 ans en commençant par les technologies open source. L’entreprise se rend alors rapidement compte qu’aucune de ces technologies ne pouvait répondre à ses besoins notamment pour les investisseurs financiers. L’entreprise crée alors sa propre technologie blockchain qui a une application dans trois industries d’intérêt pour l’entreprise : l’industrie financière, le commerce de détail et la santé.

En termes de sécurité, l’entreprise travaille sur trois piliers : l’identité digitale, la gestion intelligente des risques, la sécurité des données et la protection de la vie privée. Grâce à son produit « ZOLOZ » utilisant les données biométriques telles que les empreintes digitales ou la reconnaissance vocale, le taux de 99,9 % par reconnaissance faciale est atteint. Le système ne peut être détourné et fait même la distinction entre une photo et la personne réelle.

L’entreprise investit également massivement dans ce qu’elle appelle « l’intelligence financière ». En effet, afin de proposer les produits financiers les plus adaptés au marché, il est nécessaire d’avoir une vue d’ensemble de la dynamique de marché. Cela passe par la collecte d’une quantité importante de données sur le comportement des consommateurs qui sont ensuite traitées. L’objectif principal ici est de faciliter le processus décisionnel que ce soit pour un paiement ou un micro-crédit. Prenons l’exemple du micro-crédit pour les PME, l’entreprise a mis en place un système entièrement géré par l’IA pour lequel il faut 3 minutes pour déposer un dossier, une seconde pour qu’il soit approuvé sans aucune intervention humaine. Le taux d’erreur est réduit de moitié par rapport à la moyenne en Chine. Ant Financial a ainsi déjà délivré plus de 10 millions de micro-crédits à des PMEs.
Afin de délivrer tous ces services rapidement et d’assurer une continuité des transactions 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, l’entreprise a investi dans une infrastructure répartie dans 5 data centres interconnectés basés dans 3 villes différentes. Cette architecture permet d’éviter une quelconque perte de données en cas d’arrêt de l’un ou l’autre data centre. Ceci montre l’importance capitale d’une infrastructure bien construite pour la réussite de l’activité.

En janvier 2019, Ant Financial a officiellement obtenu la licence au Luxembourg pour les paiements électroniques afin d’opérer les services de la plateforme Alipay dans toute l’Europe depuis le Luxembourg.

Pékin

Visites & événements


  1. Xiaomi (voir encadré)
  2. Tuspark
  3. Networking : la délégation a eu l’honneur d’être reçue par Monsieur l’Ambassadeur du Luxembourg, Marc Hübsch, pour un cocktail informel dans le jardin de la Résidence.
  4. Innovation VC
  5. Beijing Zhongguancum Innovation Avenue

Xiaomi


C’est à Pékin que la délégation a pu se rendre au siège de Xiaomi fondé en 2010 par l’entrepreneur Lei Jun, qui estime qu’une technologie de haute qualité n’a pas besoin de coûter une fortune. Ainsi, la société opère selon le mantra « Rendre la technologie de qualité accessible à tous » en proposant des produits hautement technologiques mais à un prix abordable.

Xiaomi fabrique et investit principalement dans les smartphones, les applications mobiles, les ordinateurs portables et autres produits électroniques grand public connexes.
En seulement 2 ans, le chiffre d’affaires de la société dépassait les 2 milliards de dollars et il a fallu 7 ans pour dépasser les 15 milliards de dollars de CA. (17 ans pour Alibaba)
Xiaomi a lancé son premier smartphone en août 2011 et a rapidement gagné des parts de marché en Chine, devenant ainsi la plus grande entreprise de smartphones du pays en 2015 et le numéro 3 dans le monde.

Le 1er produit a été un software basé sur le système android mais celui-ci n’était pas assez performant en Chine alors l’entreprise a développé son propre système d’exploitation pour ses téléphones portables.

En 2016, l’entreprise, qui avait connu une période de croissance rapide depuis sa création uniquement sur le marché chinois, opère un virage stratégique en proposant ses produits à travers d’autres canaux de distribution offline (magasin physique MIUI) et en investissant dans la publicité.

En 2018, Xiaomi était le quatrième fabricant mondial de smartphones derrière Samsung, Huawei et Apple, avec une croissance de plus de 32 % chaque année. Chaque mois, plus de 224 millions de personnes utilisent des téléphones Xiaomi dans le monde, le tout sur plus de 80 marchés.

Xiaomi est plus qu’une entreprise de téléphones portables. Xiaomi a développé une gamme plus étendue d’électronique grand public, notamment avec un téléviseur intelligent ou encore un écosystème d’appareils pour la maison intelligente, un scooter électrique et une caméra à 360°. Récemment, Xiaomi a également commencé à vendre des produits du quotidien tels que des lunettes de soleil, des casquettes, des oreillers, des boîtes à lunch en verre, des tasses, des filtres, des sacs à dos, des bagages, des tournevis, des parapluies, etc. et propose aujourd’hui plus de 2.000 produits à ses clients.

La particularité de Xiaomi est que tous les produits sont développés par d’autres sociétés mais avec un langage commun à la marque, le blanc et le noir. Elle a ainsi créé son propre écosystème dans le domaine de la sécurité, de la santé, du lifestyle, du transport intelligent, smart transportation et des wearables en incubant depuis 2014 quelques 200 entreprises hardware en Chine qui développent les produits pour Xiaomi.

Pour assurer sa pérennité, Xiaomi travaille sur quatre segments : innovation, design, qualité et efficacité.

En termes d’innovation, l’entreprise a basé sa stratégie sur un business modèle qu’elle appelle « triathlon » composé du hardware, des services internet et du nouveau commerce. La partie hardware lui permet de recruter des nouveaux clients et si ceux-ci sont satisfaits des produits, ils en parlent mais cela ne rapporte pas d’argent. C’est l’utilisation des services internet tels que les services financiers qui rapporte de l’argent. Argent qui est ensuite réinvesti dans la partie hardware.

Pour la petite histoire, le logo « MI » de Xiaomi désigne à la fois « Internet mobile » et « Mission impossible », en hommage aux nombreux défis auxquels la société a dû faire face à ses débuts, qui semblaient impossibles à relever.

Ensuite, la délégation s’est rendue dans un magasin MIUI et a pu ainsi découvrir quelques-uns des produits de la marque et réaliser quelques achats.

Principales conclusions


Á l’issue de son voyage, la délégation a fait une session de débriefing dont l’objectif était de mettre à plat les observations faites pendant le voyage et de dresser les principales conclusions.

Lors du voyage d’étude, la délégation a vu une Chine qui n’est plus celle que certains ont pu connaître il y a 10 ans. À l’époque, le pôle mondial en termes d’innovation et de technologie se situait aux USA et la Chine avait plutôt tendance à « copier » tous les développements de l’Ouest. Aujourd’hui, cette époque est révolue. Un nouveau centre de gravité a émergé avec la Chine et c’est un pays très en avance, fort, avec des politiques gouvernementales de recherche et d’innovation technologique soutenues financièrement par le gouvernement et une approche globale basée sur un écosystème cohérent et complet que la délégation a découvert. La course à la 1ère place mondiale en termes d’innovation technologique se joue maintenant entre les USA et la Chine ; l’Europe n’est absolument pas un concurrent de poids et est absente de la carte.

Par ailleurs, la Chine a pris le parti d’une surveillance massive pour assurer la sécurité des personnes, au détriment de la vie privée. Elle détient de ce fait une quantité de données considérable qui représente un marché énorme pour le Big Data et l’IA.

1. La compréhension de l’écosystème chinois

Lors des différents rendez-vous, les participants ont pu appréhender certains rouages de l’économie chinoise, certes sous l’égide de politiques gouvernementales qui poussent certains secteurs, sites géographiques ou technologies (cf. Made in China 2025 Initiative, Belt and Road Initiative, Artificial Intelligence Development Plan, etc.) mais fonctionnant grâce à un écosystème collaboratif en place entre le gouvernement, les entreprises, le monde académique et le domaine du financement, créant un environnement dynamique autour de l’innovation. Les innovations technologiques se mettent en place rapidement notamment avec l’IA et l’IoT dans de nombreux domaines tels que les paiements mobiles, la conduite autonome, le commerce de détail, etc. Les entrepreneurs chinois n’hésitent pas à exploiter pleinement le potentiel des technologies et à développer des produits et des services innovants s’ajoutant à leur core business. Les entreprises créent leur propre écosystème comme Alibaba qui est passé du e-commerce au paiement puis aux fonds ou encore Xiaomi passant du hardware aux services en ligne, au e-commerce puis au commerce de détail. Les participants ont pu également remarquer que, dans cette approche, le « time to market » est beaucoup plus court et les échecs ne sont qu’une étape dans la réussite d’un prochain projet. Tous les projets sont d’autant plus soutenus par un accès aux financements publics ou privés facilité.

De plus, grâce à une forte présence de venture capital (VC), les start-ups trouvent aussi leur place dans cet écosystème. Celles-ci se retrouvent plongées dans un environnement solide qui permet une prise de risques accrue contrairement au modèle européen.

Au Luxembourg, l’accès au financement pour les start-ups est encore trop compliqué. Le Luxembourg doit améliorer la facilité avec laquelle les start-ups peuvent obtenir des fonds ou des crédits. Le Luxembourg n’est pas bien noté dans ce domaine d’après le rapport World Bank Doing Business Ranking. Faciliter l’accès au financement pour les start-ups agira comme un catalyseur pour le développement de l’écosystème start-ups, créant un cercle vertueux d’innovation et d’attraction de capitaux. Il est également important de mettre en place plus d’incitants fiscaux pour les investissements privés et renforcer les investissements publics dans les domaines clés.

2. L’approche du marché européen

Les entreprises chinoises ont manifesté un intérêt limité à étendre leurs activités en Europe, mise à part les géants qui ont entre autres un pied au Luxembourg, dans la mesure où le marché chinois est suffisamment grand pour assurer leur développement avec ses 1,4 milliards d’utilisateurs. Á cela s’ajoute la perception du marché européen par les chinois qui est vu comme complexe. En effet, les écarts et divergences entre les différents pays membres (langues, culture, réglementations, etc.) accentuent la fragmentation du marché. C’est sur cet aspect que le Luxembourg a un rôle à jouer. Le positionnement d’un acteur européen qui bénéficie de cette complexité au niveau national est un atout sur lequel le Luxembourg peut capitaliser pour créer des relations fortes avec la Chine et devenir le point d’entrée en Europe pour les entreprises chinoises comme cela a été fait pour l’industrie des fonds au niveau européen.

Le Luxembourg peut offrir une porte d’entrée pour les entrepreneurs et entreprises chinoises en Europe tout en proposant un cadre pertinent qui offrira la sécurité et l’agilité requise pour les entrepreneurs à se développer en Europe. Le Luxembourg devrait renforcer ses efforts pour se positionner comme partenaire fiable et innovant en mettant en avant ses forces et atouts.

3. La course aux talents est toujours ouverte

Au regard de la digitalisation, les compétences nécessaires évoluent et le vivier européen n’est pas suffisant. Il est nécessaire de former et d’attirer les talents pour répondre aux besoins actuels mais aussi pour les besoins futurs. L’attraction d’étudiants chinois à l’Université du Luxembourg par la mise en place de partenariats et de collaborations avec les universités chinoises semble être une piste à explorer. L’université de Tongji a déjà créé ses relations en mettant en place avec l’École polytechnique de Londres et l’Université de Finlande des doubles masters.

4. Positionnement du Luxembourg

Le Luxembourg doit tirer parti de l’image positive du pays en termes de neutralité, de sécurité et de confidentialité et prendre une position de leader en IA et data management sur une sélection d’industries comme le secteur des services sur lequel le Luxembourg s’appuie (industrie des fonds, logistique, santé, etc.). Pour cela, le Luxembourg doit devenir plus innovant, moins frileux sur la prise de risques et plus rapide quant au « time to market ». Les investissements en R&D doivent être augmentés particulièrement depuis le secteur privé en ciblant des industries précises. Par ailleurs, les interactions et collaborations entre le secteur privé, le secteur public et le gouvernement doivent être améliorées afin de collaborer ensemble sur des projets communs pour faire avancer le Luxembourg dans la même direction et atteindre les objectifs globaux. Le voyage nous a montré que la course est ouverte et que le temps joue contre nous. Il est crucial de se positionner rapidement.

Par ailleurs, WeChat a la volonté de s’implanter en Europe pour développer un service de paiements. Le Luxembourg pourrait proposer la création d’une plateforme d’hébergement pour WeChat et les accompagner dans le développement de leurs activités en Europe, bénéficiant d’une réputation solide dans le domaine financier mais également en termes de sécurité et de centres de données.

5. La relation se construit sur le long terme

Afin de mettre en place toutes les actions citées, il est nécessaire de maintenir une relation forte avec la Chine mais cela ne pourra se faire sans une connaissance approfondie des interlocuteurs en Chine. En effet, en Chine, les relations prennent du temps à se construire. La 1ère fois que l’on voit un contact, nous sommes un étranger, la 2e fois, une connaissance, la 3e fois, un vieil ami. Il faut aller en Chine à plusieurs reprises et cultiver ses relations. Le LTIO est un premier point de contact pour créer ses relations. Le développement d’un plan avec des lignes directrices pour approcher les entreprises chinoises serait un plus pour les entreprises luxembourgeoises.

Nous tenons également à souligner le soutien exemplaire du LTIO Shanghai pour l’organisation notamment pour les mises en relation et les événements de networking.

Les auteurs
Céline Tarraube
Conseillère digitalisation et innovation auprès de la FEDIL