Madame Calteux, depuis septembre 2021, vous êtes à la tête de la Représentation de la Commission européenne au Luxembourg. Pouvez-vous nous brièvement rappeler votre rôle ? Quels sont les moyens d’action de la Représentation dans l’accomplissement de sa mission ?
Je suis pour ainsi dire l’interface entre Bruxelles et Luxembourg. Ma fonction est étroitement liée à la communication, mon rôle est double. Tout d’abord, j’explique les priorités politiques et les nouvelles initiatives émanant de la Commission européenne, afin de rapprocher le projet européen des différents acteurs de notre société. Je suis convaincue qu’en facilitant la compréhension des enjeux et des solutions proposées, on peut améliorer le soutien et l’identification du public avec l’Union européenne. Ce sentiment d’appartenance à une cause commune est important en ces temps de doutes et d’incertitudes. Pour y parvenir, je m’adapte à mes interlocuteurs et j’ai donc recours à différents moyens avec mon équipe : conférences, dialogues politiques, réseaux sociaux et – comme maintenant – interviews.
Le deuxième volet de ma fonction consiste à informer Bruxelles des principaux développements au Luxembourg concernant les dossiers européens. J’essaie donc de savoir comment les ministères concernés ont accueilli une nouvelle proposition de directive dans un domaine les concernant. Y a-t-il des réticences, des pierres d’achoppement ? Si oui, pourquoi ?
À titre d’exemple, je me renseigne ainsi régulièrement sur l’opinion publique concernant les efforts mis en œuvre par la Commission dans le contexte de la guerre en Ukraine. J’accorde beaucoup d’importance à cette remontée d’informations, car j’estime qu’il est essentiel que Bruxelles soit conscient de la position des États membres, que les fonctionnaires de la Commission ne perdent pas le lien avec les réalités nationales et qu’ils gardent en tête les spécificités lorsqu’elle s’engage dans l’élaboration de nouveaux textes ou lorsqu’elle négocie avec le Conseil. La devise de l’Union est « Unie dans la diversité. » Il faut respecter cette diversité.
Ces deux volets de ma fonction sont aussi importants l’un tout comme l’autre. J’espère ainsi contribuer à ce que la Commission européenne et l’Union européenne dans son ensemble deviennent plus tangibles et concrets pour les citoyens. N’oublions pas qu’à la base, l’Union est un projet qui place le citoyen au centre ; et c’est toujours vrai.
Pour nos entreprises industrielles, les mesures décidées dans le cadre du récent Net-Zero Industry Act sont bien sûr des leviers indispensables pour réussir la décarbonation de l’industrie en Europe. Comment la Commission européenne veut-elle accélérer cette transformation, tout en maintenant la compétitivité de l’industrie européenne ?
La mise en œuvre des objectifs – très ambitieux – que nous nous sommes donnés pour lutter contre le réchauffement climatique ne se conçoit plus comme une fin en soi ; elle traverse toutes les politiques et elle nécessite que tous les acteurs de notre société accompagnent ces efforts. L’industrie joue un rôle clé pour des raisons évidentes.
La proposition de règlement à laquelle vous faites référence, le « Net-Zero Industry Act », est un pilier essentiel du Pacte Vert pour l’Europe. De quoi s’agit-il concrètement ? Pour faire simple :
le règlement propose de faciliter la fabrication industrielle de technologies dites « propres » dans l’UE, et non plus dans des pays tiers. Nous parlons essentiellement des batteries, éoliennes, pompes à chaleur, énergie solaire, électrolyseurs ou encore technologies de captage et de stockage du carbone. Comment y arriver ? Par un cadre réglementaire simplifié, notamment des délais plus rapides pour l’obtention d’un permis d’établissement ou de fabrication, un accès plus facile aux financements, des conditions propices à l’innovation (par des « regulatory sandboxes »). Une plateforme de coordination entre États membres, Commission, experts et industrie devra permettre de garder une vue d’ensemble des différentes mesures en place. Ce que la Commission propose c’est donc tout simplement de créer des conditions favorables afin que les industriels optent pour l’UE pour leurs capacités de production. Ainsi, non seulement nous contribuerons à atteindre plus rapidement nos objectifs de neutralité climatique d’ici à 2050, mais aussi nous améliorerons notre autonomie stratégique. N’oublions pas que le marché des technologies propres revêt un énorme potentiel ; la compétitivité de l’Europe en dépend. Évidemment que tous ces efforts reviendront à un coût : dans son dernier rapport « Foresight » publié le 6 juillet, la Commission évalue la mise en œuvre du Net-Zero Industry Act à 92 milliards d’ici à 2030. Bref, un sujet passionnant et stratégique sur lequel il est essentiel que l’Union européenne se positionne afin de rester un acteur global de taille.
Lors d’une conférence récente dédiée au Net-Zero Industry Act en présence des ministres Turmes et Fayot et de René Winkin, nous avons pu constater que le sujet suscite un grand intérêt auprès du secteur industriel. J’espère que nous arriverons bientôt à dégager un accord sur la proposition au sein du Conseil et du Parlement européen. Il est urgent d’agir, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps.
Pendant et après la pandémie du Covid-19, la fiabilité des chaînes d’approvisionnement causait bien des soucis aux entreprises industrielles. Les notions de reshoring et nearshoring ont fait leur apparition. En quoi la stratégie industrielle européenne favorise-t-elle une réindustrialisation de notre continent, ou, du moins, va-t-elle à l’encontre de sa désindustrialisation ?
La crise sanitaire, tout comme la guerre en Ukraine d’ailleurs, nous ont montré à quel point nous sommes dépendants d’autres régions concernant des produits stratégiques. Un moment douloureux, une sorte de « wake up call » qui nous a tous secoués. Et heureusement, j’ai envie de dire ! Nous sommes devenus conscients qu’il faut nous réorienter vers des partenaires plus fiables, sans créer de nouvelles dépendances. Sont apparus alors des nouveaux mots comme « reshoring » ou « nearshoring », mais aussi « autonomie stratégique » ou « résilience ». Ces mots sont devenus tendance et souvent utilisés à toute sauce. Ils sont l’expression de la nouvelle stratégie que la Commission poursuit dorénavant, qui devrait nous permettre de nous positionner de manière résolue dans une arène internationale dont les rapports de force ont changé.
La réindustrialisation de l’Europe y contribuera. C’est un dossier que la Présidence espagnole, aux manettes du Conseil jusqu’au 31 décembre 2023, essayera de faire avancer en tant que priorité. L’ouverture internationale des sept dernières décennies a principalement profité à l’UE et lui a permis d’atteindre des niveaux de croissance économique et de bien-être social impensables auparavant. Toutefois, cette ouverture a également facilité la délocalisation des industries dans des secteurs stratégiques, rendant ainsi l’UE excessivement dépendante des pays tiers dans des domaines tels que l’énergie, la santé, les technologies numériques et l’alimentation. Les changements géopolitiques, technologiques et environnementaux qui se produisent actuellement sont aussi une opportunité en ce qu’ils nous offrent l’occasion d’inverser cette tendance, d’attirer de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois ici en Europe et de réduire ainsi nos vulnérabilités dues à une trop grande dépendance étrangère.
Pour y parvenir, on va promouvoir les dossiers qui favorisent le développement industriel et les technologies stratégiques en Europe, l’expansion et la diversification de ses relations commerciales, ainsi que le renforcement de ses chaînes d’approvisionnement.
Prenez la nouvelle stratégie pharmaceutique que l’UE poursuit pour rendre l’Europe résiliente aux crises et durable et renforcer la position de l’UE en tant que chef de file mondial dans ce domaine critique des médicaments. Cette stratégie soutient des chaînes de production diversifiées et sûres, localisées dans l’UE, garantissant l’autonomie stratégique ouverte de l’UE dans le monde, où l’industrie pharmaceutique européenne a toute sa place à jouer. Un autre exemple sont les efforts en cours pour augmenter la capacité de l’industrie militaire européenne. Vous voyez que la réindustrialisation se joue dans des domaines stratégiques, c’est une nécessité !
Ne me comprenez pas mal : il ne s’agit pas d’un repli sur soi-même, tout au contraire ! L’Europe restera ouverte en tant qu’économie et société et nous visons à y parvenir en recherchant des partenariats fiables et durables avec des pays tiers.
La Commission a promis de simplifier les obligations de compte rendu des entreprises européennes et de les réduire d’environ 25%. Nous sommes d’avis que cet effort devra se faire rapidement pour maintenir la résilience et la compétitivité des entreprises européennes. Selon vous, comment toutes les parties prenantes pourrons travailler ensemble afin d’atteindre cet objectif clé pour l’industrie européenne ?
Nous savons que les charges administratives constituent un problème pour les entreprises, surtout pour les PMEs dont les ressources sont réduites et la Commission européenne tente d’y remédier de différentes manières.
Tout d’abord, la Commission a adopté en avril de cette année tout un paquet de mesures visant à simplifier ses procédures de contrôle des opérations de concentration. Il s’agit d’un règlement d’application révisé du règlement sur les concentrations, d’une communication relative à une procédure simplifiée et d’une communication sur la transmission de documents. Le but poursuivi est d’apporter aux entreprises des gains considérables en termes de travaux préparatoires et de coûts connexes. Il vise à réduire le volume d’informations à fournir lors de toute notification d’une opération et à optimiser la transmission des documents. C’est ainsi que ces mesures contribuent à l’objectif de la Commission de réduire de 25 % les exigences en matière de communication d’informations, comme annoncé dans sa communication sur la compétitivité à long terme de l’UE. Les nouvelles règles s’appliqueront à partir du 1er septembre 2023. Très concrètement, les principales modifications sont les suivantes :
La communication définit deux nouvelles catégories d’affaires susceptibles de bénéficier d’un traitement simplifié. Il s’agit des affaires où la part de marché individuelle ou cumulée en amont des parties à la concentration est inférieure à 30% et leur part d’achats cumulée est inférieure à 30%; et les parts de marché individuelles ou cumulées en amont et en aval des parties à la concentration sont inférieures à 50%, l’indice de concentration du marché est inférieur à 150, et la société ayant la plus petite part de marché est la même sur les marchés en amont et en aval. La communication donne également à la Commission le pouvoir discrétionnaire de traiter certaines opérations selon la procédure simplifiée, en fonction des parts de marché cumulées ou individuelles ou selon le chiffre d’affaires. Par ailleurs, l’examen des opérations soumises à la procédure simplifiée sera rationalisé via un nouveau formulaire de notification de type «cases à cocher» et la transmission des documents à la Commission sera optimisée grâce à des notifications électroniques par défaut.
Toutes ces modifications devraient également simplifier globalement les contacts préalables à la notification, ce qui réduira encore le temps nécessaire à ces discussions. Tout cela semble très technique, mais il est facile de trouver les informations détaillées sur le site de la Commission européenne.
Par ailleurs, en septembre, la Commission publiera le « Relief Package » pour les PMEs. Une législation claire, simple à appliquer et sans coûts disproportionnés facilitera les conditions dans lesquelles les PMEs opèrent. Ainsi, le Relief Package visera à simplifier les règles fiscales afin de faciliter l’exercice des activités commerciales au sein du marché unique. Ainsi, dans certains cas, les PMEs vont pouvoir être dispensées de certaines obligations légales ou bénéficier d’un régime plus léger. La Commission s’est aussi engagée à élaborer des guides de soutien pratique et de mettre à disposition des PMEs des modèles de clauses contractuelles. Une plateforme numérique intégrée permettra aux PMEs d’accéder à des informations et à une assistance pour leurs requêtes commerciales lorsqu’il s’agit de faire des affaires au-delà des frontières. Enfin, le Relief Package permettra aux PMEs d’accéder plus facilement aux compétences et au financement.
Vous voyez, beaucoup est fait par la Commission afin d’aider les entreprises européennes pour que dans un contexte d’incertitude et de fragilité, elles soient prêtes à relever les défis économiques actuels et à venir. « Pour des millions de PMEs, il s’agira d’une aide vitale dans des eaux troubles », a déclaré la Présidente von der Leyen à propos de ce paquet de mesures.
Le bon fonctionnement du marché intérieur européen est crucial pour les entreprises luxembourgeoises ; or, certains États membres ont tendance à l’oublier. Selon vous, la Commission a-t-elle suffisamment agi pour garantir l’intégrité du marché intérieur ? Prenons la proposition de directive sur le devoir de vigilance qui ne prévoit aucune norme pour assurer une harmonisation des règles au sein de l’UE ; même approche pour le Conseil. Heureusement, le Parlement européen a adopté une position avec un amendement sur l’harmonisation des règles. Pensez-vous que la Commission, pendant les trilogues, pourra aider les entreprises européennes à assurer ladite harmonisation et à préserver le marché intérieur de l’UE ?
Nous fêtons cette année les 30 ans du marché intérieur ; c’est le moment de faire le bilan de son évolution, notamment en ce qui concerne son intégration. Il est clair : le marché unique a apporté beaucoup d’opportunités aux Européens et c’est une des forces motrices de la croissance et de la résilience de l’Union. Le marché intérieur, c’est aussi un processus dynamique en constante évolution que les récentes crises ont mis à rude épreuve. La Commission s’est donc donné comme objectif de poursuivre l’amélioration du fonctionnement du marché intérieur, notamment en ce qui concerne la production, les services et les infrastructures, et de contribuer ainsi à une plus grande autonomie stratégique de l’Union, notamment en ce qui concerne des matières et produits critiques. Mais pas à n’importe quel prix ! Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur ce qui se passe en aval de nos chaînes de valeur, sans oublier que les consommateurs veulent des produits plus durables et s’attendent à ce que les modèles économiques changent.
Car si la recherche de la compétitivité de notre économie est une des principales priorités au niveau européen, le respect de nos valeurs – tel le respect des droits humains et de notre environnement – est tout aussi important. Il ne suffit pas d’en parler, il faut agir. Les entreprises jouent un rôle essentiel dans la mise en place d’une économie et d’une société justes et durables. La proposition de directive sur le devoir de vigilance vise justement à leur donner les moyens pour y contribuer et à montrer l’exemple à nos partenaires dans les autres régions du monde.
Les chaînes de valeur mondiales sont de plus en plus complexes face aux normes différentes qui existent; les entreprises peinent à avoir des informations fiables concernant les activités de leurs fournisseurs et les consommateurs n’ont pas de vue précise. Notre proposition permettra aux grands acteurs économiques de jouer un rôle de premier plan pour que les droits humains et environnementaux soient respectés, tout en aidant les petites entreprises, qui ont moins de moyens, à s’adapter aux changements. Les entreprises ne seraient pas laissées seules dans l’application des règles qui en découleront, car plusieurs mesures d’accompagnement soutiendront toutes les entreprises, y compris les PMEs, susceptibles d’être indirectement touchées, p.ex. sites web, plateformes dédiées, soutien financier éventuel aux PMEs ou clauses contractuelles types.
Les négociations entre Commission, Conseil et Parlement ont montré que des divergences existent entre les trois institutions quant à l’envergure des règles applicables. En juin, le Parlement a rendu son avis en première lecture. Tant que le trilogue est en cours, je n’ose pas faire de pronostic quant à l’issue des négociations, mais je suis confiante que le résultat sera dans l’intérêt de tous les acteurs et permettra à l’Europe de progresser et de servir comme exemple au reste du monde.
Parmi des priorités de la Commission européenne, la volonté de renforcer la souveraineté numérique de l’Europe a déjà donné lieu à toute une panoplie de règlements et d’initiatives législatives. Au vu des récents débats autour de ChatGPT, quelle est l’attitude qu’adopte la Commission pour, d’un côté, encadrer des développements « à risque » et, d’un autre côté, exploiter les avantages de l‘intelligence artificielle au service du progrès dans beaucoup de domaines.
Dès le début de son mandat, la Présidente Ursula von der Leyen a érigé la souveraineté numérique en priorité politique. Ainsi, très rapidement, la Commission s’est dotée d’une stratégie digitale pour permettre à l’Europe d’accompagner la décennie numérique en tant que leader. Au cœur de cette stratégie, une société numérique qui est durable et centrée sur l’humain en donnant aux citoyens et aux entreprises les moyens d’agir. Les technologies numériques font partie intégrante de notre vie, elles créent de nouvelles opportunités. D’un autre côté, les défis liés à la transformation numérique sont nombreux, et il s’agit de protéger les citoyens des éventuels risquent qui en émanent. C’est la raison pour laquelle la Commission s’est donné un cadre législatif très vaste, afin que tous les citoyens puissent pleinement profiter du progrès sans devoir craindre pour leurs droits.
Cette même logique se retrouve aussi concernant l’intelligence artificielle, un de ces nouveaux phénomènes numériques qui suscitent fascination et crainte en même temps. L’approche de l’UE en matière d’intelligence artificielle est axée sur l’excellence et la confiance, visant à renforcer la recherche et les capacités industrielles tout en garantissant la sécurité et les droits fondamentaux. En d’autres mots, on embrasse le progrès, mais on l’encadre pour que les citoyens et les entreprises profitent des avantages de l’IA tout en se sentant en sécurité et protégés. La Commission est active depuis 2021 dans le domaine de l’IA, pas seulement depuis l’apparition il y a quelques mois de ChatGPT. La stratégie européenne en matière d’IA vise ainsi à faire de l’UE une plaque tournante de classe mondiale pour l’IA, un environnement sûr et propice à l’innovation, et à faire en sorte que l’IA soit centrée sur l’humain. Dans la même logique, le cadre juridique proposé par la Commission sur l’IA vise à apporter aux développeurs et aux utilisateurs de l’IA la clarté dont ils ont besoin en n’intervenant que dans les cas non couverts par les législations nationales et de l’UE existantes. L’approche est claire et facile à comprendre, fondée sur quatre niveaux de risque différents: risque inacceptable, risque élevé, risque limité et risque minimal, pour qu’on puisse tirer un bénéfice maximal de ce catalyseur de transformation. Bref, nous voulons une IA éthique, responsable et centrée sur l’être humain, sans tomber dans la sur-réglementation.
Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre latente, beaucoup d’entreprises peinent à trouver et à retenir les compétences et talents nécessaires pour faire avancer l’innovation technologique et mener à bien la double transition écologique et digitale. 2023 a été déclaré « European Year of Skills ». En quoi le Luxembourg peut-il profiter de cette initiative ?
Pendant longtemps, le Luxembourg s’est fait connaître comme un marché de travail très dynamique, ouvert et diversifié, bien au-delà de ses frontières. Grâce à la Grande Région, le Luxembourg a pu puiser dans un vivier de talents très riche. Aujourd’hui, nous observons que cette dynamique commence tout doucement à s’essouffler. La recherche de travailleurs qualifiés se heurte à certaines limites. Au niveau européen, 75% des employeurs ont des difficultés à trouver les travailleurs qui revêtent les qualifications nécessaires pour effectuer des tâches de plus en plus complexes dans un contexte de transition verte et digitale. On parle de « skills mismatch », un autre mot qui crée le buzz.
L’Année européenne des compétences arrive donc à point nommé. Car il est urgent de sensibiliser les acteurs du marché du travail, employeurs et employés, par rapport à la pénurie des talents et la nécessité d’adresser par tous les moyens et à tous les niveaux l’inadéquation entre offre et besoin en talents. L’objectif général de cette Année thématique est de promouvoir une nouvelle approche favorable au « upskilling » et au « reskilling » tout au long de la vie active, afin de stimuler la compétitivité, en particulier des petites et moyennes entreprises, et de réaliser pleinement le potentiel de la double transition verte et numérique. Pour la réussir, il faut outiller chaque travailleur des compétences requises, sinon on n’y arrivera pas ! Faire de la formation un pilier du marché de travail, tel est le but recherché. Il y va de la prospérité du Luxembourg et de l’Europe, l’enjeu est de taille.
Il faut dire que le Luxembourg a compris la nécessité d’investir dans ce domaine depuis plusieurs années. Les acteurs sont nombreux et actifs ; nous les avions rassemblés tous dans un « skills corner » lors de la Fête de l’Europe le 9 mai. L’offre de formations est considérable, le défi consiste maintenant à la faire connaître et à convaincre les employeurs à investir et les travailleurs à en profiter. Sous l’égide de plusieurs fonds européens, un budget total à hauteur de 65 millions euros est disponible pour soutenir les États membres dans leurs efforts.
Je profite d’ailleurs de cet entretien pour féliciter la FEDIL pour son enquête sur les qualifications de demain dans l’industrie, portant sur les prévisions d’embauche des entreprises du secteur industriel et de la construction. C’est par ce genre de publication qu’on peut contribuer activement au succès de l’Année européenne des compétences.
Face à des voix eurocritiques, comment rapprocher le projet européen des citoyens ? En tant que fédération résolument pro-européenne, comment la FEDIL pourra-t-elle vous aider dans cette tâche ?
La Représentation entretient de très bonnes relations avec la FEDIL. Lors de chacun de nos échanges, je constate que la Fédération est très bien informée sur les nouveautés au niveau européen et j’y apprends à voir les dossiers sous une autre lumière. J’apprécie par ailleurs le fait que la FEDIL voit les défis comme des opportunités et qu’elle recherche activement le dialogue sur les dossiers importants. Il n’est dès lors guère surprenant que je considère la FEDIL comme un interlocuteur de premier choix.
La communication est clé dans notre monde où on doit adapter nos messages à une réalité en mutation constante. Plus nombreux nous sommes à faire passer les messages importants, plus d’impact on aura.