Monsieur Jacoby, avant de nous pencher sur les évolutions plus récentes autour de votre organisation, pourriez-vous nous rappeler brièvement le rôle et les missions de l’ODL dans l’économie luxembourgeoise ?
L’ODL a été créé il y a soixante ans en tant qu’établissement public, jouissant de la personnalité juridique. La nouvelle loi du 4 décembre 2019 stipule que l’ODL a pour mission de favoriser les relations économiques et financières internationales des entreprises par l’acceptation de risques de perte économique liée à l’activité d’importation ou d’exportation de biens, à la prestation de services ou à des investissements des opérateurs économiques en dehors de leur pays d’établissement. Il a également pour mission de favoriser, dans l’intérêt du Grand-Duché de Luxembourg, les relations économiques et financières internationales des entreprises ainsi que le développement à l’international des entreprises.
Par ailleurs, l’ODL peut accomplir toutes autres missions dont il est chargé par des lois. Ainsi, depuis la convention de coopération entre l’ODL et l’Etat du 29 avril 2002, portant création du Comité pour la promotion des exportations luxembourgeoises (COPEL), l’ODL assume le soutien des exportations luxembourgeoises par l’intermédiaire d’une participation partielle aux frais de promotion, d’exposition et de formation à l’exportation. L’ODL assure également le volet opérationnel du COPEL.
J’aimerais conclure ma réponse sur les missions de l’ODL en rappelant le constat que le marché privé n’offre pas toujours les couvertures dont les entreprises ont besoin pour développer leur présence sur les marchés internationaux. L’ODL veut pallier cette absence de couvertures en coopérant avec les acteurs privés, parfois de concert avec d’autres agences nationales. Durant la crise du COVID-19, cette complémentarité s’est confirmée. L’activité de l’ODL a fortement augmenté alors que les acteurs privés ont dû freiner leurs engagements face aux nombreuses incertitudes liées à la crise.
Sur quels partenaires l’ODL peut-il s’appuyer pour exécuter ses missions ?
Au niveau de l’Etat, les ministères des Finances, des Affaires Étrangères et de l’Économie sont directement impliqués dans l’ODL. Parmi les partenaires institutionnels du secteur privé il convient de citer la Chambre de Commerce et la FEDIL.
Sur le plan opérationnel, nous travaillons régulièrement avec d’autres assureurs, tels qu’Euler Hermes, Atradius ou la COFACE afin de définir des couvertures adaptées aux besoins de nos entreprises. Ces coopérations concernent la réassurance ainsi que les top-up lorsque leurs assurances sont insuffisantes.
Donc grâce à l’intervention de l’ODL et aux partenariats qu’il entretien avec d’autres acteurs de l’assurance crédit, les entreprises peuvent obtenir des couvertures à la hauteur de leurs attentes.
Finalement, notre partenariat avec des banques de la place permet d’offrir des couvertures facilitant l’offre de lignes de crédit ou de garanties bancaires lorsque des entreprises ressentent des besoins de liquidité particuliers liés à leur développement sur les marchés internationaux. Dans ces cas de figure, les banques partenaires ont signé une convention préalable avec l’ODL. Elles assurent le contact direct avec l’entreprise et partagent le risque avec l’ODL.
Vous constatez que les partenariats sont importants pour une petite structure comme l’ODL lorsqu’il s’agit d’identifier les besoins du marché, de formuler une offre adaptée et de gérer les différents dossiers d’assurance introduits par nos clients.
Qu’est-ce qui change avec la nouvelle loi sur l’ODL ?
D’abord la loi du 4 décembre 2019 confère à l’ODL une structure qui se rapproche de celles présentes sur le marché privé, ce qui fait que nos partenaires du privé savent mieux nous situer et nous évaluer. Concrètement, le conseil d’administration de l’ODL agit moins dans l’opérationnel et il peut se concentrer sur ses missions statutaires, stratégiques et de contrôle.
Les comités techniques instaurés par la nouvelle loi reflètent le professionnalisme et la réactivité dont l’ODL veut se doter. Ainsi, le nouveau comité de crédit se réunit a une cadence accrue, comparée à celle du conseil d’administration, ce qui devrait garantir des décisions plus rapides sur la très grande majorité des dossiers introduits par nos clients.
Par ailleurs, la nouvelle loi confirme et entérine la volonté d’étendre l’offre de l’ODL au-delà de l’assurance-crédit export classique.
Parlons-en de la diversification de l’offre de l’ODL…
La couverture de lignes de crédit et de garanties bancaires liées à l’activité internationale en sont un premier exemple. Nous ne voulons pas nous arrêter là. À l’image des autres ECA (Export Credit Agency), nous nous intéressons à priori à toutes les facettes de l’activité internationale exercée par nos clients. À l’heure actuelle, nous sommes en train de ficeler un produit d’assurance leasing et nous réfléchissons sur la possibilité d’assurer le crédit à l’importation.
Tout en étendant la gamme de nos produits, nous voulons rester fidèle à notre missions d’agir là, où l’offre privée est absente ou pas complète.
Mais il est important de signaler que dans tous les cas de figure, notre offre devra viser des clients qui agissent sur les marchés internationaux ou qui ont une vision de développement à l’international.
L’ODL a adapté ses services pour soutenir les entreprises durant la crise COVID-19. Pourriez-vous nous expliquer les mesures spécifiques ?
Cette question me donne l’occasion de souligner que l’ODL est un acteur « anticrise » per se. Conçu pour agir là, où l’offre privée de couvertures de crédits ne suit plus, l’ODL est particulièrement sollicité en période de crise lorsque les acteurs non couverts par l’État doivent augmenter leur vigilance, ce qui les rend plus réticents par rapport au risque. Il n’est donc pas étonnant de constater que le montant des primes reflétant l’activité de l’ODL a tendance à croître pendant une période de crise et ce malgré le ralentissement de l’activité économique en général qui caractérise une telle période.
L’ODL a réagi très rapidement pour adapter son offre dès l’apparition des premiers signes d’impacts économiques de la crise COVID-19. Avec le concours du gouvernement et du parlement, le conseil d’administration a pu prendre plusieurs mesures spécifiques au niveau de l’ODL.
Dans le contexte de la pandémie liée au coronavirus COVID-19, l’ODL a mis en place les mesures suivantes afin de renforcer son soutien aux entreprises luxembourgeoises:
- augmentation de la quantité garantie des limites et contrats émis pendant l’état de crise dans le cadre des assurances à l’exportation;
- collaboration avec la Mutualité de Cautionnement avec la mise en place d’une assurance des garanties émises par la Mutualité leur permettant ainsi d’augmenter leur capacité;
- flexibilisation du produit « Assurance des crédits bancaires » qui permet aux banques de réduire partiellement le risque de non-remboursement des prêts qu’elles accordent aux exportateurs luxembourgeois pour développer leurs activités internationales. Dans ce cadre, l’ODL va également assouplir les conditions applicables à ce produit notamment en augmentant le pourcentage d’assurance possible et en élargissant la définition des crédits bancaires éligibles;
- augmentation du pourcentage d’assurance dans le cadre de son produit d’assurance des garanties bancaires qui s’adresse aux banques des exportateurs luxembourgeois pour assurer la ligne de garantie accordée par la banque et inclusion des garanties à l’importation dans le champ d’application de l’assurance;
- réduction du délai constitutif de sinistre qui va permettre aux entreprises d’être indemnisées plus rapidement en cas de sinistre;
- réduction du délai de remboursement des factures acquittées dans le cadre de l’activité d’aides financières;
- programme de réassurance des assureurs-crédit privés. Dans le cadre de ce programme de réassurance, les assureurs-crédit s’engagent à maintenir intactes autant que possible les limites de crédit effectivement utilisées au cours des 12 mois précédant le 1er mars 2020 jusqu’à fin juin 2021. De cette manière, les relations et flux commerciaux pourront être maintenus. En échange de cet engagement, l’ODL, agissant pour le compte de l’État, réassure les risques souscrits par les assureurs-crédit.
Ce programme a été approuvé par la Commission Européenne jusqu’au 31 décembre 2020. Par la suite, une prolongation du programme de réassurance jusqu’au 30 juin 2021 a été approuvée par le Gouvernement et par la Commission européenne le 15 février 2021.
Un regard en arrière sur les douze derniers mois me permet de dire que notre réaction à la crise était judicieuse et justifiée. Je pense que nos clients l’ont apprécié.
Finalement, comment décririez-vous les perspectives de l’ODL ?
Nous vivons un moment important pour l’ODL. Les changements structurels et organisationnels induits par la nouvelle loi avec plus d’autonomie et de professionnalisme, l’élargissement de notre offre aux entreprises et la poursuite de l’étude de nouvelles opportunités changeront l’ODL.
Les partenariats avec les acteurs de l’assurance-crédit et du secteur bancaire seront développés davantage pour répondre aux besoins des entreprises dans le cadre des missions de l’ODL. Des nouveaux sujets, tels que la cybercriminalité nous pousseront probablement en direction de la multi-assurance. La récente augmentation de notre capital facilitera ce développement et elle ouvrira le chemin pour couvrir plus efficacement des projets de plus grande envergure que nos clients ont tendance à nous soumettre.
Par ailleurs, les critères ESG joueront un rôle croissant dans la nature des activités couvertes et des investissement effectués par l’ODL et dans la recherche de nos partenaires. Aujourd’hui nous appliquons les lignes de conduite de l’OCDE. Demain l’arsenal de nos critères d’appréciation des projets sera étoffé en ligne avec les objectifs de développement durable fixés par la politique.
Sur le plan opérationnel, nous voulons réfléchir sur les possibilités d’intégration de l’intelligence artificielle dans l’offre d’assurances.
La crise a montré, si besoin en était, que les ECA ont un rôle important à jouer pour soutenir les entreprises dans leur développement à l’international, où les impondérables sont autrement plus grands que sur le marché domestique européen. Avec son panier de services autour des activités de commerce international, dont les aides du COPEL, l’ODL veut développer son positionnement comme acteur de référence sur certaines niches où il saura continuer à servir les entreprises luxembourgeoises.