Monsieur le Ministre, vous avez été reconduit à un poste que vous connaissez bien, celui de ministre de l’Économie. Quels sont les dossiers et les projets ‘industriels’ sur lesquels vous allez mettre l’accent pendant la nouvelle période législative ?
Au cours des prochaines années, le ministère de l’Économie va continuer ses efforts sur la lignée des projets entamés lors de la législature précédente, en maintenant son positionnement de soutien aux entreprises luxembourgeoises et avec comme point fort notamment la digitalisation des entreprises et de l’économie.
En matière de diversification économique, la politique de « multi-spécialisation » mise en place au cours de la dernière décennie sera poursuivie. Nous allons mettre l’accent sur l’industrie manufacturière 4.0, la logistique, les écotechnologies, avec un focus particulier sur l’économie circulaire et la mobilité intelligente, ainsi que sur les technologies de la santé et le spatial.
Les technologies de l’information et de la communication sont un moteur transversal pour le développement de tous ces secteurs qui ont en effet une caractéristique commune : l’analyse des données révolutionne leurs modèles d’affaires actuels et crée en parallèle de nouvelles opportunités économiques. En cohérence avec cette évolution, le ministère de l’Économie a mis en place une stratégie d’innovation digitale pour accompagner et soutenir la transformation numérique des entreprises. Au cours des prochaines années nous allons entre autres mettre en œuvre les mesures envisagées dans cette stratégie pour favoriser le développement d’une économie de données fiable et durable.
Plusieurs projets industriels annoncés par votre ministère au cours des dernières années, notamment Fage et Google, tardent à se réaliser, et d’autres ont échoué. Avec des procédures d’autorisations longues et lourdes, il est devenu de plus en plus difficile et déprimant d’établir une nouvelle activité industrielle au Luxembourg. Considérant toutes ces problématiques et difficultés, quel rôle l’industrie pourra-t-elle encore jouer dans la stratégie de développement économique de notre pays ?
En tant que ministre de l’Économie, je suis et resterai le premier défenseur d’une base industrielle forte au Luxembourg. Nous sommes un petit pays certes, mais avec un grand passé industriel. Nous avons établi une industrie sidérurgique florissante aux 19e et 20e siècles, sur laquelle la richesse du Grand-Duché s’est construite. En outre, le pays compte depuis longue date plusieurs autres acteurs industriels renommés dans des domaines tels que le traitement et la fabrication de métaux et l’industrie chimique.
L’industrie n’est pas un secteur révolu qui appartient au passé. Au contraire. Dans une Troisième Révolution Industrielle numérisée, la notion même de ce qui constitue une industrie est en train de se métamorphoser. Aujourd’hui, l’industrie n’est absolument plus synonyme de gigantesques cheminées fumantes, mais source d’innovation et de technologies de pointe. L’industrie 4.0, l’impression 3D, la conception virtuelle, les robots qui apprennent sur le terrain et les environnements de réalité augmentée bénéficieront à tous les secteurs industriels clés du Luxembourg.
Le ministère de l’Économie soutient les entreprises en créant un environnement propice à cette transition numérique de l’économie. En guise d’exemple, nous avons modernisé notre régime d’aides à la recherche, au développement et à l’innovation. De plus, l’implantation d’un superordinateur au Luxembourg permet aux PME, aux start-ups et aux entreprises industrielles de se développer davantage et de rester compétitives dans un monde de plus en plus digital.
Afin de faire face au besoin grandissant de main-d’œuvre de l’économie luxembourgeoise en forte croissance et de l’industrie en particulier, une stratégie nationale pour l’attraction, la rétention et la formation de talents est en cours d’élaboration sous la coordination du ministère de l’Économie, en concertation avec le secteur privé.
L’ensemble de ces efforts contribue à consolider l’attractivité du Grand-Duché pour les activités industrielles de pointe comme en témoignent les investissements de DuPont, d’Euro-Composites ou encore de Goodyear et son projet d’usine connectée à Dudelange.
Plusieurs plateformes d’échange regroupant les entreprises et les pouvoirs publics, dont le Haut Comité pour le Développement de l’Industrie (HCDI), fonctionnaient bien pendant la dernière période législative. Votre ministère compte-t-il garder cette plateforme ? Sous quelle forme ? Quels en seront les objectifs ?
Personnellement, je suis en contact régulier avec de potentiels investisseurs ainsi qu’avec les acteurs industriels déjà établis depuis longue date au Luxembourg. Il en est de même pour les fonctionnaires du ministère de l’Économie qui font le suivi des activités des entreprises et les assistent en cas de projets d’investissements majeurs.
Le Haut Comité pour le Développement de l’Industrie est une plateforme qui permet des échanges un peu plus formels entre membres du gouvernement et experts issus du monde industriel luxembourgeois. Dans le passé, le Haut Comité a déjà été un incubateur précieux pour des recommandations visant à renforcer la compétitivité voire l’attractivité du Luxembourg comme site industriel majeur. Ainsi l’idée d’un campus automobile à Bissen est née au sein de cet organe, tout comme la refonte des instruments de la banque de développement publique luxembourgeoise SNCI.
Lors d’une entrevue récente avec la nouvelle présidente de la FEDIL, j’ai convenu avec Michèle Detaille de relancer les groupes de travail thématiques, notamment autour de sujets tels que la décarbonisation de l’économie, l’impact de la transition énergétique sur les entreprises manufacturières et les zones d’activités. Le Haut Comité consolide ainsi son rôle privilégié d’interlocuteur du gouvernement et de « fournisseur » d’idées pour renforcer davantage l’environnement d‘affaires en faveur des entreprises manufacturières.
Le 24 mai dernier, le Premier ministre et vous-même avez présenté la stratégie nationale sur l’intelligence artificielle et la stratégie d’innovation basée sur les données pour soutenir l’émergence d’une économie durable et de confiance. Où voyez-vous dans ces 2 stratégies le plus grand potentiel de développement pour les entreprises luxembourgeoises et quelles sont les aides que votre ministère peut offrir aux entreprises pour les accompagner dans leurs démarches de transformation numérique ?
La digitalisation et le progrès des technologies numériques affectent de plus en plus la vie quotidienne des citoyens et le développement futur de tous les secteurs de l’économie.
Deux documents complémentaires ont donc été élaborés pour appréhender ces changements et les opportunités qu’ils amènent : la vision stratégique à l’égard de l’intelligence artificielle du côté du ministère de la Digitalisation et la stratégie d’innovation basée sur les données pour soutenir l’émergence d’une économie durable et de confiance par le ministère de l’Économie.
La stratégie d’innovation basée sur les données du ministère de l’Économie soutient la transformation numérique des différents secteurs économiques cibles en prenant en considération des technologies comme l’intelligence artificielle, le « big data », la robotique ou l’Internet des objets. L’analyse des données va révolutionner les modèles d’affaires de tous les secteurs économiques actuels et elle va créer en parallèle de nouvelles opportunités d’affaires.
Notre stratégie d’innovation propose ainsi des actions concrètes à mettre en œuvre pour en augmenter la productivité et assurer le développement des entreprises dans une économie de données. Les mesures proposées se déclinent autour de 3 axes : le renforcement de l’infrastructure digitale, le soutien aux entreprises pour intégrer les technologies innovantes digitales ainsi que la création d’un environnement légal et financier favorable à l’économie de données.
Les mesures préconisées accélèrent l’émergence d’une économie basée sur les données et permettront au Luxembourg de rester un pays précurseur dans l’innovation digitale.
J’aimerais également mettre en avant un projet concret qui s’intègre à cette stratégie : la mise en place au Luxembourg d’un superordinateur, ou HPC pour High Performance Computer, qui sera prioritairement axé sur les besoins des entreprises et des acteurs de notre économie. Notre superordinateur, nommé « Meluxina », a été sélectionné pour intégrer le réseau européen de supercalculateurs qui se met actuellement en place et nous obtenons ainsi un cofinancement européen pour la réalisation de notre HPC.
« Meluxina » met un accent particulier sur l’utilisation par les entreprises, notamment les PME et les start-ups, et permettra également des applications dans le cadre de la recherche, de la médecine personnalisée et de projets eHealth. Afin de faciliter aux entreprises moins expérimentées l’accès à l’utilisation des capacités de Meluxina, un centre de compétences spécifique guidera et accompagnera les entreprises ayant des compétences limitées dans ce domaine. Notre superordinateur accompagnera ainsi la transition numérique de l’économie et offrira aux entreprises de nouvelles opportunités pour innover et rester compétitives dans un monde de plus en plus digital.