Monsieur le Ministre, suite à votre entrée officielle au sein du gouvernement le 4 février 2020, la France et l’Italie avaient déjà annoncé les premiers cas de Covid-19. Comment avez-vous vécu cette entrée en matière plutôt particulière ?
Franz Fayot, ministre de l’Économie : Ce fut effectivement un départ en trombe. Déjà quelques semaines après ma prise de fonctions, on pressentait que la crise sanitaire liée au Covid-19 aurait un impact sur la vie sociale et économique. A l’instar d’autres pays, le Luxembourg a été heurté de plein fouet à la mi-mars lorsque la pandémie a rendu nécessaire un arrêt brutal partiel de l’activité économique. Depuis lors, nous agissons au sein du ministère de l’Économie en mode de gestion de crise car les effets du confinement se sont propagés à une vitesse fulgurante dans tous les secteurs et à tous les niveaux.
Le plan de crise a été déployé par étapes. Y a-t-il eu des craintes par rapport à l’acceptation de ces mesures par la population ?
Franz Fayot, ministre de l’Économie : Les recommandations sanitaires ont été bien accueillies et surtout bien respectées. La solidarité au sein de la population ainsi qu’au sein des entreprises avec leurs salariés ont été remarquables. Le respect des instructions sanitaires a jusqu’ici pleinement porté ses fruits et les résultats sont très positifs. En parallèle avec la mise en place de ces consignes sanitaires, nous avons travaillé au sein du gouvernement sur un programme de stabilisation de l’économie.
Il a fallu procéder effectivement rapidement pour proposer le paquet de stabilisation
Franz Fayot, ministre de l’Économie : La crise en rapport avec le Covid-19 a gravement impacté tous les niveaux du tissu des entreprises luxembourgeoises, certaines ont été obligées de renoncer à exercer leurs activités, d’autres subissent un ralentissement de la demande et d’autres encore maintiennent leur activité, mais dans des conditions parfois très difficiles. Il fallait aider rapidement les entreprises qui se sont retrouvées sans ressources du jour au lendemain. Il s’agissait de leur procurer des liquidités pour leur permettre de faire face aux besoins les plus urgents.
Quelles étaient les premières mesures à être mises en place ?
Franz Fayot, ministre de l’Économie : Dans l’immédiat, un régime de chômage partiel dédié, pour cas de force majeure – coronavirus a été implémenté, avec une procédure accélérée pour les entreprises qui ont dû arrêter complètement ou partiellement leurs activités suite aux mesures du gouvernement. Pendant la période de chômage partiel, l’État prend en charge à hauteur de 80% les salaires. Des avances sont versées aux entreprises pour leur permettre de disposer des liquidités indispensables pour payer les salaires.
Un ensemble d’aides financières directes est accordé par la Direction générale des Classes moyennes aux PME si leur activité ne peut être exercée suite aux décisions du gouvernement ou si le chiffre d’affaire a considérablement diminué.
Je voudrais également mettre en avant l’avance remboursable jusqu’à hauteur de 500.000 euros dont peut bénéficier l’entreprise, peu importe sa taille. Pour faire simple, elle est calculée sur base des frais de personnel et des charges de loyer pour les mois de l’état de crise. Bien que cette aide soit remboursable, je ne peux que souligner l’intérêt des entreprises à y recourir car cet instrument s’applique à l’entreprise même si les salariés sont en chômage partiel. En plus, le remboursement ne commencera pas avant un an, et seulement en cas de retour à meilleures fortune, sur base d’un plan de remboursement allégé.
Comment jugez-vous les réactions des organisations patronales et syndicales face au paquet de stabilisation ?
Franz Fayot, ministre de l’Économie : En tant que gouvernement, nous avons été très réactif et élaboré dans un temps record une première mouture du programme de stabilisation avec des mesures pour maintenir l’emploi, pour répondre aux besoins de liquidités, pour faciliter le financement bancaire et étaler les paiements liés aux échéances fiscales ou sociales. Cette réactivité et le montant global du paquet de près de 9 milliards d’euros ont été salués par les partenaires sociaux, tant du côté syndical que patronal. Depuis la présentation du programme le 25 mars, l’enveloppe des mesures a été constamment élargie, notamment par des mesures s’adressant aux indépendants. Nous réévaluons et analysons en permanence les besoins des entreprises en difficulté et nous réajustons et multiplions les instruments d’aides si cela s’avère nécessaire.
Certaines entreprises ont des difficultés à mobiliser leur personnel malgré les mesures de protection mises en place. Quelles sont vos propositions pour garantir le maintien de leurs activités ?
Franz Fayot, ministre de l’Économie : Au début de cette pandémie et du confinement, il y avait une grande insécurité sanitaire parmi les salariés, tous secteurs confondus. A cela s’ajoute le congé pour raisons familiales extraordinaire dont beaucoup de parents ont profité pour s’occuper de leurs enfants depuis la fermeture des établissements scolaires. Au fur et à mesure que les conditions sanitaires se sont perfectionnées, et certaines entreprises y ont joué un rôle exemplaire, la situation s’est améliorée. Le secteur de la construction s’est bien préparé avec les autorités sanitaires pour qu’on ait pu autoriser la reprise progressive des activités. La stratégie du déconfinement consiste à trouver le bon équilibre entre les impératifs de la santé publique et les aspects économiques.
Avez-vous déjà un plan pour l’après-crise ?
Franz Fayot, ministre de l’Économie : Les stratégies d’après-crise sont actuellement en cours d’évaluation et de préparation. L’une de nos priorités sera de faire en sorte que l’impact économique consécutif à cette crise soit limité dans la mesure du possible. Au stade actuel, il est aussi important de maintenir l’emploi et le pouvoir d’achat des salariés. Il faut redémarrer l’économie au plus vite en respectant les précautions sanitaires et bien préparer l’après-crise sans reproduire les erreurs du passé.
A mes yeux il est indispensable de maintenir à l’issue de cette crise l’ambition affichée d’une économie durable qui s’inscrit dans le respect des ressources naturelles et qui sert l’intérêt commun. Il ne s’agit pas de renouer coûte que coûte avec une croissance sans limites. Au contraire : nous sommes en train de nous préparer pour guider et encadrer cette relance, de manière à ce que les préoccupations en matière de protection de l’environnement, de respect de l’environnement et de qualité de vie soient prises en compte. Je pense que surtout le tissu industriel est bien préparé pour y arriver.
Pour cela il faut accélérer la transition vers l’économie circulaire facilitée par le numérique et construire des chaînes d’approvisionnement « locales » voire régionales résilientes et durables. En matière d’après-crise, mon message aux entrepreneurs est donc de saisir cette opportunité pour s’orienter résolument vers l’avenir et relever les défis de la neutralité climatique, du respect des ressources et de la durabilité. Le ministère de l’Économie continuera à accompagner et à soutenir les entreprises dans cette voie.