Goodyear vient d’annoncer son nouvel investissement. Quelle est l’importance stratégique de ce projet ?

L’idée d’installer une usine hautement automatisée et connectée pour la fabrication de pneumatiques voitures ultra hautes performances remonte à plusieurs années. Responsable des centres de recherche mondiaux à ce moment-là, j’étais basé aux États-Unis et impliqué dans le développement de nouvelles technologies de fabrication. Avec un marché des voitures en pleine évolution avec des modèles de plus en plus nombreux par marque, la diversité de pneus demandés n’arrêtait pas de croître. La méthode traditionnelle de fabrication de pneus est plutôt destinée à la production de grands volumes, alors que nos clients commençaient à demander des produits plus complexes en volumes plus faibles et surtout à livraison rapide. Avec le projet Mercury, la stratégie de Goodyear à mieux servir ses clients dans les dimensions de pneus haut de gamme se voit mise en application. Mercury est la première installation de Goodyear au monde à présenter la flexibilité et rapidité nécessaires pour la production ‘on demand’ de pneus ultra haute performance de 18 à 22 pouces.

Ce projet s’insère dans une série d’annonces de nouveaux projets industriels au Luxembourg et ce après des années plutôt difficiles pour ce secteur. De votre point de vue et sur base de vos expériences, peut-on parler d’un renouveau industriel et comment évaluez-vous les chances du Grand-Duché d’en tirer profit ?

En suivant l’évolution économique au Grand-Duché, on remarque en effet que l’industrie connaît un nouvel élan avec l’annonce de nombreux nouveaux projets dans un paysage industriel de plus en plus diversifié. Longtemps basé sur la sidérurgie, le secteur de l’industrie à Luxembourg se voit aujourd’hui élargi avec d’autres acteurs. À côté de Goodyear qui est fier de son passé de près de 70 années au Luxembourg, de nombreuses autres activités ont vu le jour avec beaucoup de succès. C’est notamment le cas dans le domaine de la chimie, des matières plastiques et synthétiques, de la construction mécanique et de machines industrielles et de la transformation de métaux. Nos plans d’investissement dans un Campus pour l’industrie automobile avec le partenaire IEE vont dans la bonne direction et représentent un pôle d’attraction non seulement pour des investisseurs futurs mais également pour une main-d’œuvre spécialisée. Cette évolution est extrêmement positive pour le secteur de l’industrie et pour le Luxembourg.

Buzzwords du moment « automated » et « connected » : comment voyez-vous l’avenir du secteur automobile et plus précisément la destinée du pneu ?

L’automobile n’est pas prête de se passer du pneumatique. Les visions futuristes des véhicules autonomes de demain restent attachées à la route et nous sommes loin des véhicules ‘volants’ qui formeront peut-être dans un avenir lointain notre moyen de locomotion. Pour l’instant les développements vont clairement dans la direction du pneu intelligent. Dans une première étape, le pneu transmettra via des capteurs incorporés des informations importantes quant à l’état de la route et du pneu tant au véhicule qu’aux opérateurs de flottes. Ces informations permettront d’une part à la voiture de devenir de plus en plus sure et performante et d’autre part de mieux gérer la maintenance de ses pneus. Dans une seconde étape, l’information générée par le pneu sera partagée avec son environnement, donc les autres véhicules, les routes et les organismes de gestion du trafic. Cette vision du pneu de demain s’inscrit dans une approche de ‘Connected Business’ qui offrira aux clients Goodyear des services bien plus élaborés en utilisant les réseaux de transmission de données actuellement en vigueur. Goodyear veillera en quelque sorte à informer, orienter et sécuriser ses clients.

Personnel départ en retraite : Éventuellement une recommandation aux jeunes de s’engager dans une voie industrielle…

En tant qu’ingénieur chimiste avec un doctorat à l’Université de Louvain en Belgique, j’ai commencé ma carrière auprès de Goodyear en 1988 au Centre d’Innovation de Goodyear (GIC*L) à Colmar-Berg. En 1991, j’ai eu la chance de pouvoir travailler dans notre usine en Thaïlande ; c’était une expérience très enrichissante parce que c’était la première fois que j’ai travaillé en production et la première fois que j’ai vécu dans un pays émergent. En 1994, j’ai été transféré à Akron, Ohio (États-Unis), où j’ai été impliqué dans le développement des pneus poids lourds pour le marché latino-américain. En 2000, j’ai été nommé ‘Director Tire Technology’ pour l’Amérique latine à Akron pour ensuite devenir ‘Director R&D Materials Science’. En 2005, j’ai repris la direction du Centre d’Innovation de Goodyear à Akron. À partir de 2008, j’ai occupé le poste de ‘Chief Technical Officer’ avant de reprendre la présidence de l’unité d’affaires de l’Amérique latine. En 2015, j’ai finalement repris la responsabilité de Goodyear pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique (EMEA). Je peux dire que ma carrière a été remplie de défis, mais elle a été très excitante, parce qu’elle m’a permis d’apprendre à connaître et de vivre des cultures différentes, d’avoir des responsabilités très variées, mais surtout d’avoir eu la chance de côtoyer un grand nombre d’hommes et de femmes formidables servant la même entreprise que moi. Aussi le message que j’adresse aux jeunes qui veulent s’orienter pour leur emploi futur est qu’on peut avoir une carrière extrêmement diversifiée sans devoir nécessairement changer d’employeur. C’est ce que j’ai vécu chez Goodyear pendant près de 30 ans !