Vous venez d’accepter le poste du Président de Luxinnovation, quelles sont vos grandes lignes stratégiques pour Luxinnovation ?

Les deux grandes missions de Luxinnovation restent inchangées et se rejoignent dans la même volonté de soutenir le développement économique du pays. La mission historique de l’agence consiste toujours à soutenir les entreprises, en particulier les PME mais pas uniquement, dans leurs démarche d’innovation et de croissance à l’étranger. Ces dernières années, Luxinnovation s’est fortement développée et de nouveaux services d’accompagnement ainsi que des programmes de performance ont été mis en place et développés.

Depuis l’été 2016, l’agence s’est vue attribuer une autre mission à la suite de l’intégration en son sein de Luxembourg for Business, l’agence de promotion de l’économie qui dépendait directement du ministère de l’Économie. Cela s’inscrivait dans une logique d’efficacité, puisque Luxinnovation assurait déjà, de son côté, des activités de Business Development en vue d’identifier à l’international des entreprises qui seraient complémentaires aux acteurs économiques déjà présents sur le territoire.

Ce dispositif a ensuite été complété avec la mise en place d’un service de Market Intelligence qui monte en puissance.

Aujourd’hui, l’agence est sur une belle dynamique et les liens avec le ministère ont été renforcés par ma nomination en tant que président du Conseil de gérance et celle de Sasha Baillie en tant que CEO. Cela permet une plus grande proximité et une meilleure efficacité dans la mise en œuvre des stratégies de développement des secteurs qui ont été identifiés dans le programme gouvernemental et dans la promotion de l’économie à l’international.
Ainsi après ces dernières années de forte croissance, il importe aujourd’hui de consolider et d’optimiser notre offre de services pour en faire profiter davantage nos clients principaux, c’est-à-dire les entreprises résidentes, industrielles ou artisanales, petites ou grandes.

Face à tous les acteurs clés de la recherche tels que l’Université, les CRP ainsi que les Chambres, qu’est-ce qui fait la particularité de Luxinnovation et quel en est le rôle spécifique ?

La richesse de notre écosystème tient à la fois dans la mise en commun des différentes forces vives que vous venez de citer et les compétences de chacune d’entre elles. Luxinnovation a été créée en 1984, trois années avant les premiers centres de recherche publics et près de 20 ans avant l’Université.

La proximité avec le terrain est certainement l’un des atouts majeurs de Luxinnovation, combinée avec la très grande expertise des équipes qui accompagnent et soutiennent les entreprises et les entrepreneurs. Notre vocation est de les aider à aller de l’avant et à leur faciliter les démarches parfois très contraignantes pour eux. Cela vaut aussi bien dans l’encadrement d’actions concrètes en matière d’innovation ou de digitalisation, par exemple, que dans le conseil et le soutien au moment de solliciter des aides financières, qu’elles soient nationales par le biais notamment des instruments prévus dans la nouvelle loi du 17 mai 2017 qui a redéfini les régimes d’aides à la recherche, au développement et à l’innovation, ou européennes avec des programmes-cadres comme Horizon 2020.

Nous ne nous considérons donc pas « face » aux acteurs-clés de la recherche que vous mentionnez, mais bel et bien à leurs côtés. J’en veux pour exemple les actions menées pour soutenir la transition digitale au sein des entreprises : la Chambre de Commerce a récemment lancé son programme Go Digital et la Chambre des Métiers en a fait de même avec e-Handwierk. Mais tous les deux s’appuient sur le programme de performance Fit 4 Digital que Luxinnovation a lancé en 2016 en vue d’aider les petites entreprises à profiter pleinement des possibilités offertes par les technologies numériques.

Le travail en synergie entre acteurs de la recherche et de l’innovation fait en effet la force de l’écosystème luxembourgeois. Luxinnovation se voit comme un acteur fédérateur qui a comme vocation de rapprocher les acteurs de la recherche publique et les acteurs du terrain, cest-à-dire les entreprises.

Luxinnovation vient de se réorganiser. Qu’est-ce qui va changer par rapport à votre approche de remplir vos missions, par exemple en ce qui concerne la Luxembourg Cluster Initiative ?

Un changement de gouvernance ne signifie pas nécessairement un changement à 180°dans la stratégie ni dans sa mise en œuvre. La Luxembourg Cluster Initiative a été lancée en 2002 avec la création des clusters Materials and Production Technologies (devenu, depuis, Materials & Manufacturing, ndlr) et ICT. Aujourd’hui, Luxinnovation gère pas moins de sept clusters, les deux derniers ayant commencé leurs activités en 2017 : Wood et Creative Industries qui ne sont pas les moins actifs.

Cela représente au total plus de 600 entreprises ou institutions membres. En octobre 2013, les nouveaux objectifs avaient été fixés par le ministre de l’Économie, Étienne Schneider et ils restent toujours d’actualité et s’expriment en termes de création d’entreprises et d’emplois.

Pour la seule année 2017, par exemple, nous avons été à l’origine de 264 mises en relation entre sociétés, nous avons accompagné 143 entreprises, et pas moins de 38 projets collaboratifs ont été initiés par les clusters.

La raison d’être de ces clusters ne change pas et elle est illustrée par ces chiffres : en partant du principe qu’ensemble, on peut aller plus loin, il s’agit de rassembler les entreprises actives dans leurs secteurs d’activité et initier des collaborations technologiques ou stratégiques entre elles, mais aussi avec les institutions de recherche ou d’autres organismes.

Toutefois, il est vrai que dans un monde de plus en plus interconnecté, les frontières entre secteurs d’activité deviennent de plus en plus floues. Un des grands défis de l’initiative cluster sera donc de penser au-delà de ces frontières, afin de tendre davantage vers une fertilisation croisée intersectorielle.

La promotion faisant désormais partie de vos missions, comment est-ce que vous allez vous organiser pour que les services autour de l’innovation au profit des entreprises soient maintenus ?

Il n’est évidemment pas question que l’intégration au sein de Luxinnovation de ces missions de promotion à l’international se fasse au détriment des missions historiques de l’agence. Du reste, elles ne sont pas en opposition et peuvent même être très complémentaires, à partir du moment où nous sommes également là pour soutenir le développement à l’étranger des sociétés établies au Grand-Duché.

Comme expliqué, nous avons désormais une unité en charge de Market intelligence dont la mission principale est d’effectuer une veille technologique intensive et de suivre les grandes tendances et évolutions pertinentes pour le pays. Cela nous permet de pouvoir développer l’activité au sein de différents secteurs de manière intelligente et durable.

Les fruits de cette veille technologique sont évidemment partagés au niveau des différents clusters et des autres départements de Luxinnovation, de sorte qu’aux compétences déjà en place et aux services existants déjà performants s’ajoute une dimension supplémentaire qui permet un suivi et un accompagnement encore plus efficace des entreprises.

Pourriez-vous citer 2-3 axes thématiques liés à l’innovation que vous souhaiteriez accentuer pour les entreprises ?

La stratégie d’innovation voulue par le gouvernement s’appuie fortement sur la vision d’une économie basée sur le
« Data » et sur le développement et la mise en œuvre de technologies numériques telles que l’intelligence artificielle couplée à l’internet des objets, afin de stimuler notre croissance.

Le mouvement « Industrie 4.0 » est bien lancé, que ce soit au sein des grands groupes internationaux ou des PME. Tous vont devoir très rapidement envisager d’adapter leurs organisations et mettre en place de nouveaux processus. L’implémentation du futur High Performance Computer européen au Luxembourg s’inscrit dans cette approche, tout comme l’initiative Digital Innovation Hub, que nous sommes en train de finaliser ensemble avec la FEDIL et le ministère de l’Économie, en partenariat avec l’Université, la Chambre de Commerce et le List.

À côté de cela, nous travaillons évidemment sur d’autres thématiques, comme celle de l’éco-conception, du recyclage et de la réutilisation des plastiques, dans le cadre d’un grand projet-phare « Plastic Loops » qui est en droite ligne avec les ambitions nationales de développement de l’économie circulaire.

Du reste, cette approche « circulaire » se retrouve aussi dans le futur éco-quartier qui verra le jour à Esch-Schifflange. Nous sommes impliqués, en amont de ce projet développé avec la société Agora, pour identifier et accompagner les entreprises susceptibles d’apporter des concepts innovants en la matière.

Pourquoi une entreprise devrait-elle faire la démarche de se manifester auprès de Luxinnovation, ou en d’autres mots : Quelles sont les domaines où vous pouvez aider nos entreprises ?

Nous souhaitons avant tout faciliter la vie des entreprises et leur permettre également d’avoir un regard plus ouvert sur les autres acteurs qui les entourent, sachant que dans beaucoup de cas, ces acteurs s’avèrent être des partenaires potentiels.

Bien souvent, un chef d’entreprise, notamment d’une PME, est trop accaparé par sa fonction et ses responsabilités pour être en mesure de poser ce regard périphérique autour de lui. Nous sommes là, par exemple, pour l’aider à identifier des programmes de recherche transnationaux pour lesquels son entreprise serait susceptible de solliciter un financement européen. Et nous pouvons aussi l’accompagner et le conseiller au moment de finaliser le dossier de demande de subvention.

Cela vaut aussi, évidemment, pour les financements nationaux proposés par le ministère de l’Économie.

Mais Luxinnovation est également en mesure d’accompagner les entreprises dans des démarches plus pragmatiques en vue d’être plus innovantes dans leurs procédés ou leurs organisations – c’est le programme Fit 4 Innovation -, de se servir des outils digitaux pour gagner en performance – Fit 4 Digital – d’accélérer la transition vers les principes d’économie circulaire – Fit 4 Circularity – ou d’exploiter tout son potentiel pour favoriser sa croissance – Fit 4 Growth -.

Enfin, comme expliqué précédemment, les entreprises qui cherchent à nouer des contacts et à entamer des collaborations avec des instituts de recherche peuvent trouer des passerelles via la Cluster Initiative.

Comme vous pouvez le constater, la panoplie des services est donc très vaste. Couplée avec la mission de promotion internationale, cela fait de Luxinnovation un acteur pivot dans la politique de développement économique du Luxembourg.