L’actualité de l’UEL est double : d’une part, le 25e anniversaire de l’association, célébré en juillet dernier, et d’autre part, bien sûr, les discussions avec les syndicats et le gouvernement dans le cadre de la « Sozialronn ».

Commençons par le jubilé. L’UEL fête son quart de siècle dans un contexte socio-économique complexe. Depuis deux décennies et demie, le monde et le Luxembourg ont connu un grand nombre de bouleversements qui ont transformé le paysage économique. Quelles évolutions majeures dans la mission de l’UEL et dans la défense des intérêts des entreprises ont marqué ce parcours ?

Le Luxembourg est un pays dont la performance et le bien-être général reposent sur des entreprises dynamiques et compétitives. Ces dernières constituent le moteur fondamental de la viabilité de la politique budgétaire du pays et du financement de la sécurité sociale et de notre État-providence enviable. Le Luxembourg s’est habitué à des entreprises générant toujours davantage d’emplois, de cotisations sociales et de recettes fiscales.

Depuis sa création et tout au long de sa (relative) jeune existence, tous les membres de l’UEL, dont la FEDIL, ont poursuivi avec ambition et détermination la mission de l’UEL qui est justement d’œuvrer pour un pays compétitif et attractif qui puisse, dans un contexte international tendu et incertain, financer l’État social et surtout investir dans l’avenir.

Or, évidemment, il n’existe pas de certitude quant à la croissance économique et au maintien de ces recettes budgétaires et des cotisations sociales.

Et nous remarquons, au cours des dernières années que cet équilibre est sous tension. La croissance économique et de l’emploi du Luxembourg s’essoufflent progressivement alors que les dépenses semblent, invariablement, adopter une évolution très dynamique à la hausse. Le contexte économique, les pressions sur nos entreprises et notre modèle socio-économique nous obligent à redoubler d’efforts pour atteindre notre mission.

Dans ce contexte justement, comment l’UEL s’est adaptée ? Comment l’UEL a-t-elle redéfini son positionnement et ses priorités au fil du temps ? Comment s’organise-t-elle aujourd’hui ?

Le positionnement de l’UEL s’est en effet redéfini au cours de son existence et est aujourd’hui mis en œuvre via trois priorités et sujets-clés du dialogue social interprofessionnel et intersectoriel : l’emploi et le droit du travail, la fiscalité et la sécurité sociale.

L’UEL agit sur ces sujets transversaux, communs à toutes les entreprises et à tous les secteurs de l’économie. L’UEL anime des groupes de travail et des échanges avec ses organisations membres sur ces grands sujets interprofessionnels. Elle présente ainsi des positions communes ou concertées aux pouvoirs publics et aux partenaires sociaux dans le cadre du dialogue social national.

En tant qu’association faîtière de six organisations d’employeurs et de deux chambres, l’UEL traite en priorité, comme vous venez de le mentionner, de sujets transversaux tels que l’emploi, le droit du travail, la fiscalité ou encore la sécurité sociale. N’est-il pas parfois difficile de concilier les intérêts de secteurs aussi variés que l’industrie, l’artisanat, le commerce et le secteur Horeca ? Comment faire pour définir des positions communes et parler d’une seule voix ?

Aujourd’hui, encore plus qu’à sa création, l’objectif de s’échanger et de se concerter est essentiel pour que les organisations professionnelles, regroupées au sein de l’UEL, consolident leur force dans le dialogue social national, dans l’intérêt de toutes les entreprises luxembourgeoises.

Nous ne voyons pas la diversité comme une contrainte mais comme un atout. Pour autant, si les secteurs partagent le besoin identique d’avoir un environnement propice à l’activité économique et à l’attraction des talents, les intérêts peuvent parfois différer sur d’autres sujets. C’est la raison d’être de l’UEL de rapprocher les vues des différents secteurs, et d’œuvrer pour trouver un dénominateur commun équilibré.

Rappelons que l’UEL n’opère pas sur les aspects sectoriels, compétences exclusives des Fédérations professionnelles. Concernant les aspects plus institutionnels comme les avis relatifs aux projets de loi, les lois organiques de la Chambre de Commerce et de la Chambre des Métiers prévoient clairement leurs missions et objectifs, complémentaires à ceux de l’UEL.

De manière générale, nous saluons le fait que chaque membre de l’UEL parvienne à dépasser ses intérêts individuels pour le bien collectif, pour l’économie en général, pour le pays ! Chacun est conscient que l’intérêt commun d’avoir une économie solide et diversifiée constitue un défi tout aussi important que défendre les intérêts individuels.

Dans des déclarations récentes, vous avez plaidé en faveur de réformes structurelles et volontaristes, nécessaires pour relancer l’économie. Pouvez-vous développer votre pensée et préciser les mesures de réforme que vous jugez urgentes et indispensables pour renforcer l’économie et ses entreprises ?

Il est d’abord important d’observer la réalité économique. Alors que les signaux d’alerte se multiplient, l’économie s’effondre sans faire de bruit. Ses effets risquent de fragiliser durablement notre tissu entrepreneurial, nos emplois et à terme notre État-providence. Ce danger, encore peu perçu, dans la sphère publique, est pourtant bien réel.

Les derniers chiffres publiés par le Statec (5 septembre 2025) montrent que le PIB a reculé de 1,1% en 2022 pour une croissance proche du 0 en 2023 (+0,1%) et en 2024 (+0,4%). Autrement dit, le PIB réel, soit la création de richesse nette (après neutralisation de l’effet prix), était, fin 2024, plus faible que fin 2021 (-0,6%).

La création d’emplois de l’économie marchande a également chuté de manière spectaculaire pour passer de 11.000 en 2022 à 6.500 en 2023 puis à 600 seulement en 2024.

Les finances publiques, relativement bonnes actuellement, s’expliquent par des éléments exceptionnels, non récurrents. À terme cependant, la logique reprendra et les recettes budgétaires seront nécessairement portées avant tout par la santé intrinsèque des entreprises.

Malgré ce contexte économique, le Gouvernement a choisi de suivre pleinement le volet social de son accord de coalition, en multipliant les actions pour augmenter le pouvoir d’achat, notamment celui de ceux au bas de l’échelle des salaires. Le Gouvernement a par exemple augmenté le salaire minimum de 2,6% et l’a exempté d’impôt.

Notre message est que ces évolutions ne sont pas durables. Le Luxembourg ne sortira pas miraculeusement de cette situation qui devient de plus en plus structurelle. Le statu quo n’étant plus une option, le gouvernement doit élargir son activité jusqu’à présent surtout ponctuelle (logement, start-ups, attractivité des talents via la fiscalité…) aux vraies réformes structurelles, afin de libérer un nouveau potentiel de croissance à travers toute l’économie.

Dans le domaine de la fiscalité, pouvez-vous nous rappeler les principaux dossiers sur lesquels travaille l’UEL. Y a-t-il des avancées dans le dialogue avec le gouvernement sur les points annoncés dans l’Accord de coalition ? Y a-t-il d’autres propositions fiscales que vous souhaiteriez aborder pour renforcer la compétitivité des entreprises ?

À l’UEL, nous œuvrons pour une fiscalité qui vise à renforcer la compétitivité, attirer les talents et simplifier les démarches administratives des contribuables. Nos actions ont récemment permis d’élargir la bonification d’impôt pour les investissements liés à la transition écologique et digitale. Dans ce domaine, nous proposons d’aller plus loin en incluant la recherche et développement et en augmentant le taux de la bonification pour les investissements dans l’intelligence artificielle, afin d’aligner le Luxembourg sur les standards internationaux et soutenir davantage l’innovation locale.

Nous saluons le fait que le gouvernement a déjà mis en œuvre plusieurs mesures fiscales prévues dans l’Accord de coalition : amélioration de la prime participative, baisse de l’impôt sur les sociétés, clarification du régime du carried interest, et incitations pour les particuliers investissant dans des entreprises innovantes. D’autres mesures fiscales visant à favoriser l’actionnariat salarié dans les start-ups et à faciliter la transmission d’entreprises ont également été annoncées.

Cependant, il est essentiel de poursuivre ces efforts. L’innovation des entreprises doit rester centrale pour renforcer la compétitivité de notre pays et la fiscalité est justement un levier stratégique à actionner à cet égard.

L’UEL est à l’écoute des entrepreneurs et travaille avec ses membres pour proposer des solutions favorisant une croissance durable, axée sur les compétences et la productivité. Parmi nos priorités en matière fiscale : continuer d’améliorer le régime de la prime participative, ramener l’impôt sur les sociétés à un taux compétitif au niveau européen et moderniser le traitement des pertes fiscales reportables. Il nous semble également important de faciliter les transmissions d’entreprises et de maintenir un cadre fiscal attractif pour relancer le secteur du logement et de la construction.

Le monde du travail a beaucoup évolué ces dernières années, aussi bien pour les salariés dont les attentes et les priorités ont largement changé, surtout depuis la pandémie du Covid, que pour les employeurs qui sont confrontés à cette nouvelle donne, doublée d’une pénurie de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs. Dans ce contexte, en quoi le droit du travail devrait-il évoluer pour répondre à cette nouvelle réalité et prendre en compte les aspirations des uns et des autres ?

Les entreprises évoluent dans un contexte marqué par une incertitude croissante et des transformations constantes. Elles doivent faire face à une hausse des congés légaux annuels, fériés et autres types de congés rendus plus attrayants pour les salariés et plus flexibles (ex. congé parental) ainsi qu’à une augmentation (de l’ordre de 23% entre 2019 et 2024) de l’absentéisme pour raisons de santé.

Promouvoir un droit du travail moderne qui tienne compte de ces évolutions et défis et permette aux entreprises de fonctionner de manière plus efficace, ensemble avec leurs salariés, est donc une nécessité. Suivant les analyses menées par les organisations d’employeurs membres de l’UEL, des ajustements sont nécessaires à différents niveaux, notamment de la durée de travail et des temps de repos journaliers et hebdomadaires ou encore des régimes des heures supplémentaires et du plan d’organisation du travail.

L’idée n’est pas de remettre en cause le régime de 8 heures par jour et de 40 heures par semaine qui reste la référence, mais de permettre aux entreprises d’adapter leurs activités aux absences imprévues de leurs salariés, aux attentes de leur clients tout en veillant à préserver leur attractivité auprès des collaborateurs, dans un environnement concurrentiel toujours plus exigeant.

Ceci nous amène au dialogue social et l’actualité récente ? Quels enseignements tirez-vous de la « Table ronde sociale » et du processus de discussions ?

Les discussions et pourparlers ont permis aux partenaires sociaux d’exposer en détail leurs grilles d’analyse et leurs propositions pour relever les défis du pays. Tout en reconnaissant les efforts entrepris, et même si des rapprochements ont pu être atteints, une convergence totale n’a pu être dégagée.

Face à cette situation de divergence dans le cadre d’un dialogue social animé, le Gouvernement a légitimement tiré des conclusions. L’UEL les accepte bien qu’elles ne reflètent pas totalement, ni les demandes des employeurs, ni celles des syndicats. Le temps est maintenant venu de regarder en avant.

L’UEL est engagée afin d’avancer non seulement sur les dossiers précités, mais de façon générale sur tous les chantiers essentiels à la stabilité économique, à la compétitivité et à la redynamisation du marché du travail. L’UEL va continuer à contribuer, dans le dialogue social, aux travaux permettant de solidifier nos fondements socio-économiques et à en garantir la soutenabilité.