Depuis la fin des années 1970, la SNCI, établissement bancaire de droit public, constitue un des instruments principaux de la politique de développement et de diversification économiques du Grand-Duché. De votre point de vue, quels ont été les moments clés de son activité de financement des entreprises luxembourgeoises ? Comment ses instruments d’intervention ont-ils évolué au fil du temps ?

En effet, la SNCI a été créée par la loi du 2 août 1977, qui en a également défini les missions, les instruments, les ressources et l’organisation. Ses activités démarrent le
3 janvier 1978, alors que le pays se prépare à une profonde restructuration de son économie, qui demandera un extraordinaire effort d’imagination et de solidarité. L’établissement a donc entamé tout juste son 42e exercice. Tout au long de son existence, la SNCI a poursuivi sa mission de développement des entreprises et de soutien à la diversification économique du Luxembourg, en s’adaptant continuellement aux exigences du temps et aux besoins des entreprises. En 41 ans, elle a financé des projets d’entreprises luxembourgeoises à hauteur de 3,7 milliards d’EUR, ce qui représente une intervention financière d’environ 90 millions d’EUR en moyenne annuelle.

La création de la SNCI se situe dans le contexte de la crise sidérurgique dont le caractère structurel se révèle brutalement au milieu des années ’70. Les pouvoirs publics prennent conscience des risques qu’encourt le pays en cas de faillite de sa principale industrie. Le contexte économique, social et politique est donc particulièrement propice à la mise en place de nouveaux instruments de politique structurelle. Face à l’ampleur de la situation, les représentants du gouvernement et des organisations patronales et syndicales décident de se constituer en comité de coordination pour élaborer les moyens de contrer la crise. Un plan d’action national est présenté à l’été 1977. Par la suite, il prend la forme de conclusions tripartites qui prévoient, entre autres et à brève échéance, la création de la SNCI.

En tant que banque de développement du Luxembourg, la SNCI est investie d’une mission d’intérêt général de promotion du développement économique du Luxembourg. En vue de remplir sa mission, elle accorde des prêts à l’investissement aux entreprises luxembourgeoises, soit directement, soit indirectement par le biais des banques intermédiaires de la Place. Elle octroie des prêts de création ou de transmission aux PME nouvellement créées ou reprises, des cofinancements aux projets de recherche-développement et innovation, des prêts aux jeunes entreprises novatrices, ainsi que des financements aux PME luxembourgeoises désireuses de s’implanter ou se développer à l’étranger. Depuis sa création, la SNCI a donc non seulement été un instrument-clé de la politique de promotion et de diversification industrielles, mais également un instrument de création et de développement de petites et moyennes entreprises industrielles, artisanales, commerciales et touristiques.

À côté de l’octroi de prêts et crédits, l’institution est habilitée à prendre des participations dans des sociétés anonymes et dans des sociétés à responsabilité limitée de droit luxembourgeois, ceci sur autorisation des ministres compétents. Ces opérations sont à priori de nature temporaire et se limitent en principe à une part minoritaire du capital social des sociétés concernées. Parmi les principales participations que la SNCI détient actuellement, on peut citer SES, Encevo, le Luxembourg Future Fund qui vise à soutenir les PME innovantes, ArcelorMittal, Cargolux, Eurobéton Holding, Luxcontrol, Luxtrust, Mangrove, un fonds d’investissement de capital-risque actif dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication, Digital Tech Fund qui vise les start-ups actives dans les TIC, Paul Wurth, RTL Group, Sisto Armaturen, Technoport, etc.
Résumons la mission de la SNCI en une phrase : La SNCI se veut un outil de compétitivité et de politique structurelle à moyen et à long terme.

Bien entendu, la banque a évolué tout au long de son existence parallèlement au développement de l’économie luxembourgeoise. Elle s’est continuellement adaptée aux besoins des entreprises. Plusieurs mécanismes de financement en faveur des entreprises se sont ajoutés au fil des années aux quatre instruments de base de la SNCI. Aujourd’hui, ses instruments sont au nombre de 11. Par ailleurs, la banque a régulièrement adapté ses taux d’intérêt dans un souci constant d’accompagner les entreprises luxembourgeoises en cofinançant leurs projets.

La modernisation des trois instruments-clés de la SNCI en 2005 constitue sans doute une étape importante de la banque lors de laquelle un certain nombre de modifications sont apportées au crédit d’équipement. Elles concernent notamment l’élargissement du cercle des bénéficiaires et l’élargissement de l’assiette des investissements éligibles. Plus tard, en 2009, la banque met en place deux nouveaux instruments : le prêt de reprise et le prêt de rachat qui doivent tous deux permettre de faire face aux cessions-transmissions d’entreprises. Il s’agit là d’un enjeu économique majeur.

Tout au long de son histoire, la SNCI n’a cessé de mener une politique de diversification vers de nouveaux secteurs d’activité. Pendant les dernières années, les moments clés étaient la création du Luxembourg Future Fund et la mise en place de trois nouveaux types de prêts. Le Luxembourg Future Fund (LFF), un fonds de 150 millions d’EUR, a pour objectif de participer à la diversification et au développement durable de l’économie luxembourgeoise en contribuant à attirer de l’étranger vers le Luxembourg des PME innovantes et technologiques en phase de démarrage, de développement ou de croissance, notamment dans les domaines de l’ICT, de la fintech, de la cybersécurité, de la cleantech et des nouvelles technologies de l’espace. Pour ce qui est des trois nouveaux types de prêts, ces derniers tiennent compte de l’évolution de l’économie nationale qui s’oriente de plus en plus vers des activités se basant sur des investissements immatériels. Ainsi, le prêt indirect développement, le prêt direct recherche, développement et innovation pour PME et le prêt entreprises novatrices sont introduits en 2014.

Dès 2015, la SNCI élargit de nouveau son activité au niveau des nouvelles technologies et se tourne également vers les ressources spatiales, conformément à sa mission de soutenir le développement économique du pays et d’encourager les entreprises à s’engager dans des projets de création, de transmission et de développement. En 2016, lorsque le gouvernement du Grand-Duché lance l’initiative SpaceResources.lu pour positionner le Luxembourg en tant que hub européen dans ce domaine, la SNCI cofinancera plusieurs entreprises actives dans ce domaine de façon directe ou indirecte. À l’heure actuelle, la SNCI participe activement à la mise en place d’un fonds d’investissement public-privé dédié aux technologies de l’espace.

L’accord de coalition du nouveau gouvernement souhaite donner à la SNCI « un rôle proactif dans les investissements en matière d’efficacité énergétique, d’économie circulaire et d’énergies renouvelables au sein des entreprises ». Pourriez-vous décrire de quelle façon la SNCI pourrait exercer un tel « rôle proactif » dans les domaines évoqués ; quelles sont les actions concrètes de la SNCI auxquelles les entreprises peuvent s’attendre ? Quels sont les projets entrepreneuriaux types en tant que thématique et volume que la SNCI vise à soutenir dans ce nouveau rôle ?

La SNCI dispose aujourd’hui d’un arsenal d’instruments qui couvre effectivement les investissements dans ces trois domaines. Que ce soit par un instrument direct ou via un instrument indirect, c’est-à-dire de concert avec une ou plusieurs autres banques commerciales de la place, la SNCI est bien préparée pour cofinancer des investissements en matière d’efficacité énergétique, d’économie circulaire et d’énergies renouvelables. Nous encourageons donc les porteurs de projet dans ces domaines à faire appel à nos instruments, soit en nous contactant directement, soit en passant par une banque de leur choix. En cas de besoin avéré, il n’est pas exclu que la SNCI se dotera d’un nouvel instrument de crédit idoine. À ce stade, nous sommes cependant d’avis que les instruments en place sont parfaitement capables de répondre aux attentes des entreprises dans ce domaine. En ce qui concerne le volume de ces investissements, je peux rassurer les membres de la FEDIL que les moyens que la SNCI peut mettre à disposition des entreprises désireuses de se faire cofinancer dans ce domaine par le biais d’un instrument de la SNCI seront largement suffisants.

La transformation digitale des entreprises est plus que jamais nécessaire. Cependant, cette transformation nécessite des investissements et des projets d’innovation et de recherche. Dans quelle mesure la SNCI peut-elle aider les entreprises pour financer ces projets ?

En ce qui concerne cette croissance qualitative, la SNCI souhaite accompagner l’investissement dans les nouvelles technologies, dans la recherche-développement et l’innovation, ainsi que dans le développement des secteurs des médias et de l’information. Par conséquent, la SNCI est déterminée à poursuivre ses activités visant à cofinancer activement la diversification et le développement de la structure économique, le transfert de technologies et l’innovation. Pour ce faire, la SNCI mettra un accent particulier sur l’accompagnement, au travers de ses instruments de prêts, des efforts d’investissements des entreprises luxembourgeoises dans le cadre de la digitalisation et de l’industrie 4.0.

Au cours des 40 dernières années, de nombreuses entreprises ont fait recours à l’instrument phare de la SNCI, le crédit d’équipement. On constate cependant une stagnation voire une baisse de la demande des entreprises industrielles pour ce produit. Comment s’explique cette baisse ?

Il est un fait que depuis la crise, la banque a, comme toutes les banques, navigué dans un contexte de facteurs exogènes difficile. Rappelons que les investissements productifs des entreprises étaient pendant des années en berne, le niveau de liquidité des entreprises est en moyenne toujours très élevé, et ceci est combiné à des niveaux de taux d’intérêt historiquement bas. Cependant, depuis 2017, nous constatons un léger retour à la normale, notamment parce que les entreprises, après une phase d’hésitation, recommencent à investir dans leurs infrastructures et dans leurs outils de travail. Depuis sa création, la SNCI a accordé des crédits d’équipement pour un montant total d’environ 860 millions d’EUR. Avec un taux d’intérêt de 1,5 %, cet instrument est toujours très attractif et je profite de cet entretien pour le rappeler à vos lecteurs.

À côté de l’investissement classique sous forme d’acquisition d’immobilisations corporelles, de nouvelles formes de financement, telles que le leasing ou l’investissement par des tierces parties, se sont développées. Par ailleurs la part des investissements consacrée à l’immatériel augmente. Comment la SNCI se positionne-t-elle par rapport à cette évolution ?

Vous avez tout à fait raison. C’est pour cela que la SNCI a complété sa gamme d’instruments de prêts.

En comparaison avec les instruments de prêts classiques de la SNCI, on peut souligner d’une manière générale que la SNCI a étendu sensiblement la base des dépenses éligibles au-delà du financement des immobilisations corporelles. Les nouveaux instruments financent une grande partie des actifs matériels et immatériels d’un projet donné. La SNCI se propose dans ce contexte comme acteur partageant le risque avec les banques commerciales et les promoteurs des projets. Je parle surtout de notre Prêt Indirect Développement (PID) qui vise le financement du plan d’affaires des entreprises à la base d’un projet de développement défini. Ce dernier peut consister p.ex. en l’élargissement de la gamme de produits ou services, de la base clientèle, etc. Il s’adresse aussi bien à des PME/PMI qu’à des grandes entreprises.

On peut donc dire que la SNCI dispose aujourd’hui d’une palette de financements couvrant l’ensemble des phases dans le cycle de développement d’une entreprise – création, développement, innovation, investissement et transmission ainsi que toutes sortes de situations nécessitant un co-financement – investissements, projets (actifs immatériels et actifs matériels), énergies renouvelables, économie circulaire, efficacité énergétique, digitalisation, etc.