Madame Baillie, le 28 février, le Vice-Premier ministre, ministre de l’Économie, Étienne Schneider a présenté la nouvelle stratégie de promotion économique du Luxembourg. En votre qualité de présidente du Comité de pilotage du commerce extérieur et des investissements, nouvellement créé, vous tenez les rênes de la nouvelle stratégie de promotion économique du pays. D’abord, pourquoi avoir abandonné l’ancien modèle avec Luxembourg for Business comme structure commune (publique/privée) en charge de la promotion ?
Les partenariats avec le secteur privé sont d’une importance cruciale. Il ne s’agissait à aucun moment de renoncer au partenariat avec le privé mais, bien au contraire, de bien déterminer des synergies avec un autre GIE où le privé constitue aussi un partenaire de premier ordre : Luxinnovation. Cette structure assume un rôle stratégiquement important dans le développement de l’économie luxembourgeoise. Il nous a paru logique de réunir les deux GIE, et cela de sorte que Luxinnovation détienne et développe non seulement tout le know-how nécessaire pour accompagner nos entreprises et stimuler l’écosystème mais que, de plus, ce même organisme soit l’outil de communication et de promotion économique du Luxembourg sur une échelle internationale. Parallèlement nous avons reconnu l’importance du fait que c’est bien le ministre de l’Économie qui doit tracer le chemin en allant au-devant afin de montrer vers où le Luxembourg s’avance économiquement parlant. Voilà pourquoi il a été constitué une autre structure – le Trade and Investment Steering Commitee coordonnant le tout, présidé par le ministre de l’Économie, réunissant tous les acteurs qui jouent un rôle dans l’économie, les fédérant et les impliquant dans la mise en œuvre d’une stratégie, d’une vision et d’objectifs communs. Au sein de cette structure, tous les intervenants sont bien conscients de la nature de leur mission et de leurs rôles respectifs afin d’atteindre les objectifs fixés.
Les ministères et organisations qui portent cette nouvelle stratégie partagent une vision commune de la promotion économique. Quels en sont les objectifs majeurs ?
Notre vision commune consiste en le développement d’une économie innovatrice, mais cela doit se faire sur la base de nos traditions et de notre culture. Il nous importe, premièrement, d’aider les entreprises luxembourgeoises à trouver une entrée sur des marchés internationaux et de s’y développer. Deuxièmement, il faut attirer des entreprises étrangères qui apporteront à notre pays une réelle valeur ajoutée, qui conviennent à notre esprit, qui sachent idéalement compléter et contribuer à fortifier nos domaines d’excellence. Cela signifie aussi que nous devons être prêts à prendre des risques. Voilà ce dont tous les acteurs sont conscients, que ce soit le Ministère de l’Économie, le Ministère des Affaires étrangères, la Chambre de Commerce, Luxinnovation ou la FEDIL. Nous sommes désormais porteurs d’une vision commune.
Dans le contexte de la nouvelle stratégie, de nouvelles missions ont été conférées à Luxinnovation. Pourquoi ce choix ?
Il s’agissait de voir où, au sein de nos organismes, nous disposons déjà d’un know-how et de développer ce know-how plutôt que de recommencer à zéro. Luxinnovation a un know-how sectoriel très fondé. On y gère les clusters, on y connaît les entreprises et Luxinnovation a la tâche de développer ces secteurs et domaines tous en les fortifiant. Elle a donc des connaissances et compétences sur lesquelles on peut édifier des choses, notamment les nouvelles activités, des activités permettant d’épauler notre écosystème de manière sensible. Aussi, notre communication doit-elle être basée sur cela, saisissant ces compétences techniques et sectorielles en les mettant à profit de la promotion.
En même temps, Luxinnovation devra continuer à remplir son rôle d’adresse de premier choix pour les entreprises innovantes déjà établies dans le pays. Comment réussir cette coexistence des missions au sein de Luxinnovation ?
Le rôle primaire de Luxinnovation est de stimuler l’innovation dans l’économie. Cela restera toujours le rôle clé de la Luxinnovation. Si les entreprises qui forment le tissu économique de notre pays ne bénéficient pas d’un environnement innovant et stimulant qui leur permet d’évoluer, d’autres ne seront guère attirées à venir s’installer chez nous et nous disposerons de trop peu d’arguments pour promouvoir notre économie vis-à-vis des investisseurs et entreprises internationaux. Luxinnovation, comme son nom le dit, a été créée pour soutenir les entreprises dans tout ce qui a trait à l’innovation. Elle devra continuer à le faire et cela à plus forte raison. Afin de pouvoir remplir ses nouvelles missions, elle a obtenu de nouvelles ressources humaines et financières du Gouvernement. Je suis confiante qu’elle sera à la hauteur de cette tâche sans délaisser les autres missions.
Comparé à avant, le nouveau modèle prévoit l’implication d’un nombre accru d’acteurs publics et privés. Vous êtes en charge de leur coordination. Comment arrivez-vous à développer une action commune et à répartir les tâches de façon à permettre une orientation optimale des entreprises, tant celles qui souhaitent exporter que celles qui s’intéressent au Grand-Duché comme site d’implantation potentiel ?
En effet, c’est un grand défi de fédérer toute cette multitude d’acteurs, d’un côté les représentants des entreprises qui souhaitent exporter, et de l’autre ceux dont l’intérêt est d’attirer des nouvelles activités économiques au Luxembourg. Mais il est évident que le développement de notre économie ne peut se faire sans que ces intérêts respectifs soient bien compris et pris en compte. Il est important que ceux qui travaillent à faire venir des entreprises dans notre pays disposent d’une profonde connaissance des entreprises déjà implantées et en cours de développement, ceci pour comprendre justement quelles parties du marché sont déjà remplies et pourraient être les éléments manquants qui pourraient venir renforcer l’écosystème de manière mutuellement bénéfique. Il est donc primordial de disposer d’une vue d’ensemble, de savoir écouter, de comprendre et de trouver des solutions dans l’intérêt de chacun, même si parfois l’un ou l’autre doit faire des compromis. Tel est le rôle du Trade and Investment Steering Commitee.
J’ajoute que la répartition des rôles est claire et nette. Dans le volet « outbound », à savoir en ce qui concerne le soutien aux entreprises dans l’accès aux marchés internationaux, c’est la Chambre de Commerce qui est directement concernée. Pour l’« inbound », donc quand il s’agit d’attirer investisseurs et entreprises à Luxembourg, le Ministère de l’Économie avec le soutien de Luxinnovation tient les rênes.
Plus concrètement : imaginons que je suis une PME désireuse de me lancer dans la grande exportation. Après la réforme, ai-je la possibilité de m’adresser à un point de contact unique pour m’informer sur mon marché cible, pour nouer des contacts sur place, pour connaître d’éventuelles formalités à respecter et pour accéder aux instruments de soutien tels que le COPEL ou le Ducroire ?
C’est notre ambition que les PME désireuses de se lancer dans l’exportation puissent trouver un point de contact facilement accessible et efficace. Nous sommes là très clairement dans une approche client. C’est pourquoi nous avons mis en place un site internet www.tradeandinvest.lu axé sur le point de vue du client. Qu’il s’agisse d’un investisseur souhaitant s’installer au Luxembourg ou bien d’une entreprise intéressée à se développer sur les marchés internationaux. Notre but est que l’entreprise puisse y retrouver facilement son point de contact pour le marché cible qui l’intéresse et que cette personne puisse l’accompagner au fur et à mesure de ces démarches et des questions qui se posent. Nous affichons cette information sur notre site internet commun. Et lorsqu’il s’agit vraiment de soutenir l’entreprise, c’est la Chambre de Commerce qui est le premier point de contact pour l’entreprise voulant accéder au marché international.
De même, comment se déroulerait l’accueil d’un investisseur étranger potentiel souhaitant s’informer sur les conditions d’implantation d’une activité donnée ?
En fait je distingue deux scénarios : d’un côté nous avons la recherche proactive sur base d’une analyse de marché et démarchage ciblée par Luxinnovation sous l’égide du Ministère de l’Économie. Dans ce cas-ci nous avons établi tout un processus fixant comment cibler le marché, faire l’analyse, démarcher le client potentiel, l’inviter chez nous, l’accompagner,cela en lui fournissant un « key account manager ».
De l’autre côté il y a le scénario de l’intérêt spontané : un entrepreneur se manifeste et souhaite avoir des informations sur les opportunités qui se présentent pour lui dans notre pays. Il aura d’abord la possibilité d’accéder à toutes ces données générales et sectorielles sur notre site internet ; il y aura la possibilité d’obtenir un accueil et un filtrage par House of Entrepreneurship si l’investisseur ou l’entreprise devrait s’adresser à cette structure qui est positionnée comme le « service provider » des entreprises dans leurs démarches administratives. La House of Entrepreneurship saura bien orienter l’investisseur étranger vers les experts sectoriels du Ministère de l’Économie et de Luxinnovation pour le traitement d’un dossier concret. Il s’agit donc vraiment d’une prise en charge personnalisée et individuelle de l’investisseur en fonction de ses besoins spécifiques.
Est-ce qu’une entreprise déjà établie au Luxembourg aurait intérêt à demander des services à la structure de promotion économique si elle est porteuse d’un nouveau projet d’investissement ?
Une entreprise déjà établie au Luxembourg n’a pas besoin de s’adresser au TISC – structure pour promouvoir l’accès des entreprises luxembourgeoises aux marchés internationaux et pour attirer investisseurs internationaux – qui est donc une structure à vocation internationale. L’entreprise luxembourgeoise peut continuer à s’adresser, comme dans le passé, directement au Ministère de l’Économie ou à Luxinnovation et bénéficiera d’un service client et d’une accessibilité directe garantie. Elle trouvera d’ailleurs également sur le site internet www.tradeandinvest.lu toutes les informations dont elle a besoin afin de joindre les responsables pouvant la soutenir efficacement et directement dans toutes ses démarches.
En tant qu’acteur de la promotion économique, vous observez certainement l’action de vos pairs à l’étranger et vous serez confrontés à des situations où d’autres pays auront de meilleurs arguments pour convaincre des investisseurs. Est-il prévu d’organiser un retour d’information sur des bonnes pratiques à l’étranger pour nourrir l’orientation de la politique économique luxembourgeoise ?
Oui, nous suivons nos confrères internationaux de près. Il existe différents angles d’approche. Les uns sont plus découplés du Gouvernement que d’autres. Mais nous constatons que c’est un des plus grands atouts du Luxembourg de fournir aux acteurs privés de l’économie un accès facile et direct au Gouvernement et aux décideurs politiques du pays un lien direct avec les entreprises, ce qui leur permet de comprendre les problèmes et défis de manière à pouvoir élaborer avec les entreprises des solutions efficaces et solides. Le modèle que nous avons établi prend en compte nos forces et particularités.
Ceci dit, nous suivons de près les bonnes pratiques à l’étranger et n’hésitons pas à nous inspirer d’autres modèles, à adapter notre approche, ceci bien évidemment en fonction de notre taille et de nos ressources.
Finalement, si vous étiez face à un investisseur potentiel, quels seraient vos trois arguments de taille pour le convaincre à s’implanter au Luxembourg ?
L’accessibilité, le pragmatisme et la stabilité. Voilà les arguments forts que nous constatons toujours à l’étranger, les facteurs clés nous différenciant surtout par rapport à des pays plus grands et où les démarches sont souvent plus complexes.