Depuis le début de l’année passée, les restrictions COVID impactent la mobilité des personnes lorsqu’elles veulent se rendre dans un autre pays et ce même au sein de l’Union Européenne. Ces restrictions nous rappellent à quel degré notre pays est dépendant des mouvements transfrontaliers. Dès les premiers jours de confinement et jusqu’à présent, le gouvernement luxembourgeois a dû se battre pour garder les frontières ouvertes aux frontaliers qui travaillent dans notre pays et sans lesquels ni nos entreprises ni notre secteur des soins et de la santé ne sauraient fonctionner.

Les 207.415 frontaliers recensés au 4ième trimestre 2020 représentent presque la moitié de notre main d’œuvre. Dans la plupart des entreprises du secteur privé, les frontaliers représentent la majorité des travailleurs employés. Pour compléter ce tableau, il faut y ajouter les 140.561 personnes détachées au Luxembourg dans le cadre de 52.840 déclarations à l’ITM, dont trois quarts proviennent de nos pays voisins. Finalement, la mobilité des travailleurs est également requise pour les détachements que nos entreprises opèrent vers l’extérieur.

Les différents cas de figure à gérer par nos entreprises lorsqu’il s’agit de la circulation de leurs travailleurs, clients ou fournisseurs constituent parfois un vrai casse-tête. Les documents certifiant l’emploi d’un travailleur frontalier au Luxembourg constituent la base. S’y ajoutent les règles supplémentaires propres à chaque pays. Depuis quelques semaines, nos voisins allemands réfléchissent à l’introduction d’une obligation de test COVID pour les travailleurs frontaliers avant qu’ils ne puissent rentrer chez eux.
Une telle obligation existe déjà entre l’Allemagne et la France et elle n’a pas manqué de produire ses effets sur des frontaliers français qui transitent par l’Allemagne pour venir travailler dans la région Est du Grand-Duché. Depuis début mars, ils font un grand détour pour éviter le passage par l’Allemagne lorsqu’ils se rendent au travail.

La chose se complique quand une entreprise luxembourgeoise doit envoyer des équipes en mission vers un pays tiers et lorsque ces équipes sont composées de résidents de plusieurs pays. Ces cas de figure sont souvent oubliés lorsque nos pays voisins recommencent à modifier leurs règles de mobilité. Ils pensent à leurs entreprises, mais pas à celles qui emploient leurs résidents travailleurs frontaliers. Heureusement, nos bonnes relations avec les services diplomatiques des pays voisins nous permettent par la suite d’identifier et de mettre en place des solutions ad hoc, mais malheureusement toujours avec un peu de retard.

Les pays qui imposent une quarantaine au retour de leurs résidents détachés en mission au Grand-Duché empêchent des opérations importantes d’entretien ou de maintenance sur des machines installées dans nos entreprises. Quel fournisseur étranger veut renoncer une ou deux semaines à des collaborateurs hautement qualifiés parce qu’ils ont servi un client luxembourgeois ?

De même, les transports internationaux tels que le fret aérien ou le secteur maritime sont particulièrement concernés par la disparité des mesures COVID leur causant des coûts supplémentaires non-négligeables.

Il va sans dire que le télétravail (qui présuppose également des arrangements spéciaux avec les pays voisins) ne constitue pas une alternative valable à tous les besoins de mobilité.

La moitié environ des travailleurs frontaliers doit se rendre physiquement au travail. Ceci vaut également pour ce qui concerne les opérations de détachement vers le Luxembourg ou à partir du Luxembourg. Souvent, les entreprises industrielles et artisanales n’ont pas le choix si elles veulent continuer à servir des clients étrangers au risque de les perdre. Il en est de même des entreprises qui ont leur quartier général au Luxembourg avec des fonctions techniques ou industrielles au niveau groupe qui sont opérées à partir du Luxembourg. Il est inimaginable que ces entreprises interrompent leurs déplacements vers les succursales pendant plus d’un an.

Avec l’avènement des campagnes de vaccination, on voit s’ouvrir une nouvelle perspective pour la mobilité de nos travailleurs. Le vaccin devrait faciliter des déplacements urgents vers des pays à forte incidence, alors que les collaborateurs ne seraient plus exposés aux risques de santé y associés. Par ailleurs, l’accès au vaccin ouvrirait les portes des pays étrangers qui sont en train d’imposer le passeport de vaccination comme condition ou facilitation d’entrée sur leur territoire.

Les entreprises ont réduit leurs activités de voyage à un strict minimum. Cette situation n’est pas tenable à long terme et une série d’entreprises fortement représentées à l’international doivent continuer à effectuer des déplacements de première nécessité. Nous comptons sur notre gouvernement pour leur offrir des solutions répondant à leurs besoins essentiels et ce à côté du maintien des frontières ouvertes pour garantir la libre circulation aux travailleurs frontaliers.

René Winkin
Directeur de la FEDIL