Pendant la crise financière de 2007/08, laquelle avait déclenché une crise économique mondiale, la Commission européenne appliquait le droit des aides d’État de manière très stricte et interdisait un grand nombre d’aides dites « incompatibles » avec le Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE).

Suite à la déclaration de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, de faire « tout ce qui est nécessaire pour soutenir l’économie européenne » alors que la pandémie de coronavirus est « un défi sans précédent [et] un choc majeur pour nos économies »[1], la question de la flexibilité des règles de droit européen des aides d’État se pose.

Les États membres ayant dû mettre en place des mesures extrêmement restrictives pour la circulation des personnes mais aussi allant jusqu’à interdire un grand nombre d’activités commerciales et artisanales, étaient tout aussi contraints à créer des régimes d’aide visant à soutenir les PME, les industries et les indépendants qui se trouvent en difficulté financière temporaire suite aux répercussions du coronavirus.

Dans ce contexte, il est possible d’activer les Lignes directrices « sauvetage et restructuration d’entreprises en difficulté »[2] fondées sur l’article 107 §3 c) du TFUE et « destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques ». Elles permettent de prévoir des aides d’urgence au sauvetage et de venir en secours des entreprises qui doivent faire face aux pénuries de liquidités.

Ensuite, il faut pouvoir envisager des « aides destinées à remédier aux dommages causés […] par des évènements extraordinaires » (art. 107, §2 b TFUE) pour accorder des régimes d’aides comme celui notifié par le Danemark pour indemniser les organisateurs des dommages subis en raison de l’annulation de grands événements.

Plus évident encore, sont « les aides destinées […] à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre » (art 107, §3 b).

Or, les aides financières ne s’appliquant pas de manière générale à toutes les entreprises (p.ex. les subventions salariales, la suspension d’impôts, de la TVA ou des cotisations sociales) et les aides d’État allant au-delà des seuils dits « de minimis »[3] doivent être notifiées et approuvées par l’exécutif européen, afin d’éviter qu’elles ne soient déclarées illégales et ne doivent être restituées par le bénéficiaire.

Vu l’urgence, la Commission a adopté, le 19 mars 2020, un cadre temporaire en matière d’aides d’État[4] afin de garantir un suivi rapide et l’approbation des régimes notifiée dans le cadre du COVID-19 après seulement quelques jours. Selon Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence « ce nouveau cadre temporaire permettrait aux États membres d’exploiter pleinement la flexibilité prévue par les règles en matière d’aides d’État pour soutenir l’économie en ces temps difficiles ». En effet, ce cadre précise et clarifie quelles mesures de sauvegarde les États peuvent prendre aujourd’hui et ainsi, rétablir plus efficacement notre économie une fois la crise sanitaire surmontée. Les États membres pourront ainsi préserver la continuité de l’activité économique pendant et après la flambée du COVID-19 en renforçant la disponibilité de liquidités suffisantes.

Le cadre temporaire reconnaît que l’ensemble de l’économie européenne est confronté à une perturbation grave. Pour y remédier, 5 types d’aides peuvent être accordées :

  • Des subventions directes, avantages fiscaux sélectifs et avances remboursables. Jusqu’à 800 000 € pourront p.ex. être accordés à une entreprise qui doit faire face à des besoins de liquidités urgents. Cette option a été particulièrement bien accueillie par le milieu des affaires. Cependant, plus de flexibilité et de clarté seront nécessaires en ce qui concerne le soutien allant au-delà de 800 000 € pour les entreprises de plus grande taille.
  • Des garanties publiques sur les prêts contractés par des entreprises auprès des banques
  • Des prêts publics bonifiés octroyés aux entreprises. Il s’agit de prêts à taux d’intérêt réduit aux entreprises.
  • Des garanties pour les banques qui acheminent les aides d’État vers l’économie réelle. Ce type d’aide est considéré comme une aide directe aux clients des banques.
  • Des assurances-crédits à l’exportation à court terme.

Toujours est-il que les États devront démontrer que les mesures prises en vertu de ces règles temporaires sont nécessaires, appropriées et proportionnées. Les aides devraient, selon la Commission, aider les entreprises à surmonter la récession et à préparer une reprise durable, tout en limitant les conséquences négatives sur l’équité des conditions de concurrence au sein du marché unique. En ce sens, la Commission autorise le régime d’aides notifié par le Luxembourg. Un budget prévisionnel de 300 millions d’euros permettra de soutenir les entreprises et professions libérales touchées par l’impact économique du coronavirus. En fait, ces dernières pourront se voir octroyées jusqu’à 500 000 € en avance remboursable, leur permettant de couvrir des coûts de fonctionnement exceptionnels. Le 24 mars 2020, la Commission a estimé que cette mesure est nécessaire, appropriée et proportionnée afin de remédier à la perturbation grave de l’économie du Luxembourg liée au COVID-19.

Dans les mois à venir, le focus mis sur « l’aide de crise » se déplacera probablement vers des aides à la restructuration d’entreprises plus permanentes. De plus, l’impact sur les banques devra être surveillé pour leur permettre de prendre des risques supplémentaires. Enfin, nous espérons que la Commission européenne ait tiré ses leçons de la crise de 2007/08 et qu’elle poursuivra son approche flexible dans l’utilisation des outils d’aides d’État au lieu d’en avoir une lecture rigide empêchant l’assistance requise en temps de crise.

[1] Communiqué de presse, 13 mars 2020

[2] Communication de la Commission : Lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers (2014/C 249/01)

[3] Aide directe de max. 200 000 € sur 3 ans ; prêts subventionnés de max. 1 million d’€ sur une période de max. 5 ans ; garanties subventionnées pour des prêts de max. 1,5 million d’€ sur une période de max. 5 ans ; Règlement (UE) n ° 1407/2013

[4] Communication from the Commission: Temporary Framework for State aid measures to support the economy in the current COVID-19 outbreak, C(2020) 1863 final

Angela Lo Mauro
Conseillère affaires européennes auprès de la FEDIL