Actuellement, le marché du cloud est dominé par Amazon Web Services (AWS), Microsoft Azure et Google. Les trois fournisseurs américains couvrent environ 75% du marché du cloud public et investissent chaque année quelque 50 milliards d’euros dans le stockage de leurs données. Pratiquement aucune grande entreprise européenne ne peut éviter ces « hyperscalers » si elle veut stocker de grandes quantités de ses données, calculer et utiliser le big data, l’intelligence artificielle (IA) et l’Internet des objets (IoT) – que ce soit pour la conduite autonome, la production robotisée ou la télémédecine.

Afin de devenir plus indépendante de ces « Major Players » du cloud, l’Europe construit, sous le nom de GAIA-X, une alliance cloud basée sur les valeurs européennes. L’objectif est ambitieux et l’idée innovante. Ce n’est pas pour rien que le ministre allemand de l’Economie, Peter Altmaier, a évoqué un « Moonshot » lors de la présentation officielle de l’année dernière.

Les développements de ces derniers mois donnent lieu à l’optimisme. GAIA-X prend forme et le projet est en bonne voie d’atteindre son objectif et de façonner activement la prochaine génération d’infrastructures de données en Europe ainsi que de garantir la souveraineté des données pour les utilisateurs et les entreprises européennes. Un réseau de hubs GAIA-X, dont un au Luxembourg hébergé chez Luxinnovation, est en train de se créer. Ces hubs vont soutenir la croissance de l’écosystème et vont servir de point de contact pour les parties intéressées dans un pays. Les « use cases » ne sont pas encore tous tracés, mais les ambitions sont déjà là.

Avec GAIA-X, les entreprises ne devraient pas seulement être en mesure de contrôler elles-mêmes où elles stockent leurs données, pendant combien de temps et pour quelle utilisation. Les normes ouvertes devraient également faciliter le partage et l’échange de données afin que des innovations, de nouvelles chaînes de valeur et de nouveaux marchés puissent en émerger.

Si l’Europe souhaite développer sa propre position avec GAIA-X, cela ne signifie pas qu’elle veut se découpler du reste du monde. Les « hyperscalers » des États-Unis et d’autres entreprises technologiques hors d’Europe joueront un rôle et seront impliqués dans la mise en œuvre et la conception du projet. Mais, il reste à clarifier quel sera ce rôle et à déterminer qui va effectivement fournir les services d’infrastructure pour le projet.

Le fait que des entreprises technologiques des États-Unis et de Chine soient impliquées ne pose à priori pas de problème tant qu’aucune nouvelle dépendance n’apparaît. Au contraire, il fait plaisir de voir que des entreprises hors d’Europe reconnaissent l’urgence de la sécurité informatique et de la protection des données et répondent aux souhaits des consommateurs et des entreprises européennes. Tant que le projet n’ignorera pas ses principes de base et que la coopération avec les acteurs internationaux servira la protection des données, GAIA-X sera couronnée de succès, et la manière dont les données sont traitées, stockées et échangées en Europe changera à jamais.

En fin de compte, le succès de GAIA-X dépendra aussi en grande partie de sa capacité à s’affirmer sur le marché libre. Les entreprises – clients potentiels – vont devoir reconnaître dans cet écosystème de données européen d’éventuels avantages commerciaux. Afin de réussir, GAIA-X va devoir fournir les services envisagés à une vitesse et avec une qualité qui créent de réels avantages pour les entreprises en Europe.

Georges Santer
Responsable digitalisation et innovation auprès de la FEDIL