Après quelques échecs déplorables, le gouvernement veut relancer sa politique industrielle en motivant des entreprises à renouveler ou à développer leurs outils de production. Cette volonté de consolider le tissu industriel en pleine crise économique, on la retrouve dans les discussions tripartites pour les secteurs sidérurgiques ou encore dans les annonces politiques qui accompagnent ou suivent les mouvements de restructuration ou de retardement d’investissements dans d’autres secteurs de l’industrie. La FEDIL partage le souci de nos décideurs politiques d’éviter une vague de désindustrialisation suite à la crise. Elle tient à souligner que cet effort doit passer par l’attrait et l’accompagnement constructif de projets innovants et de nouveaux investissements plutôt que par l’empêchement de mesures de restructuration nécessaires pour adapter l’offre aux nouvelles réalités des marchés.

L’action promotionnelle à l’adresse des nouveaux prospects et des industriels déjà établis n’est crédible et efficace que si elle peut s’appuyer sur un cadre infrastructurel, réglementaire et administratif favorable aux activités qu’on souhaite développer. Outre les éléments à caractère plus général, tels que la disponibilité de terrains, les procédures d’autorisation, les activités de recherche, les aides financières ou la disponibilité et le coût de la main d’œuvre, il y a lieu de relever un élément assez spécifique à l’industrie, à savoir la disponibilité et le coût de l’énergie. Les porteurs des grands projets industriels actuellement en discussion mentionnent tous le coût de l’énergie parmi les critères clés qui guideront les choix de leurs actionnaires pour ou contre de futurs investissements au Luxembourg.

Le coût de l’énergie est influencé par plusieurs facteurs, dont certains dépendent des choix politiques. Depuis la recomposition des portefeuilles ministériels en 2018, ces choix échappent au ministère en charge du développement industriel. Est-ce que le fait de tenir le ministre de l’Industrie à l’écart des décisions de politique énergétique est de mauvais augure ? En tout cas, l’opposition à toute forme de captage des émissions de CO2, la position trop restrictive à l’égard d’infrastructures pour l’hydrogène ou l’introduction récente d’une taxe CO2 peu adaptée à la réalité de l’industrie constituent des exemples qui laissent penser que la politique énergétique du pays est davantage guidée par l’idéologie que par le souci de préserver un cadre compétitif pour l’industrie.

Certes, le gouvernement veut soutenir les entreprises dans leurs efforts d’amélioration de l’efficacité énergétique. Mais on ne peut pas constamment réduire sa facture énergétique moyennant des mesures d’efficacité. Il y a des limites techniques et économiques à cela et puis des investissements récents ont presque atteint le maximum.

La politique climatique, le déploiement des énergies renouvelables et la digitalisation exercent et continueront à exercer une influence déterminante sur nos systèmes énergétiques. L’art de gouverner consiste à organiser l’encadrement réglementaire de cette transition de sorte qu’un dérapage des coûts ou une fragilisation de la sécurité d’approvisionnement soient exclus, tout en saisissant les nouvelles opportunités économiques résultant de la nouvelle dynamique. Les conséquences d’une gestion inadéquate se produiraient sur les plans social, économique et sécuritaire. Cet exemple illustre très bien que les origines d’une évolution économique et sociale ne résident pas nécessairement dans le portefeuille ministériel de celui qui doit en assumer les conséquences. Il en est de même pour ce qui concerne la politique industrielle.

À l’exception des subventions et des stimulants fiscaux fortement conditionnés par les règles européennes en matière d’aides d’État et des initiatives en matière de recherche et d’innovation, les principales clés de succès non sociales de la politique industrielle se retrouvent entre les mains de ministres verts. Les ministres en question doivent se rendre à l’évidence que leur rôle va beaucoup plus loin que celui du chevalier noble qui se bat contre ses collègues ministres écologiquement malintentionnés. Leurs décisions et leurs actions touchant aux questions environnementales, énergétiques, infrastructurelles ou d’aménagement du territoire sont aussi des décisions et des actions de politique industrielle. Il n’est pas exagéré de dire que les prochaines réussites ou les prochains échecs de projets d’investissement dans l’industrie seront avant tout leurs réussites ou leurs échecs car ils détiennent l’énergie qui alimente la politique industrielle.

René Winkin
Directeur de la FEDIL