« Développer des solutions de mobilité efficaces est un des défis les plus importants du 21e siècle… » 1 selon le ministre de la Mobilité et des Travaux publics. Cependant, en ce qui concerne le transport de marchandises, certains potentiels d’efficacité restent inexploités. En effet, en tant qu’un des seuls pays de la Grande Région, voire du Benelux, le Luxembourg n’autorise pas la circulation de véhicules dits « écocombis » sur son territoire. Il s’agit ici de véhicules plus longs et plus lourds (VLL) qui peuvent mesurer jusqu’à 25,25 mètres de long (contre 18,75 mètres pour une combinaison camion-remorque) et afficher une masse totale jusqu’à 60 tonnes (contre 44 tonnes pour les combinaisons de véhicules de maximum 5 essieux). Avec cette capacité de charge plus importante, les écocombis permettent de transporter une même quantité de marchandises avec moins de trajets (deux écocombis peuvent transporter la même quantité de marchandises que trois combinaisons de véhicules traditionnels). L’absence de trajets autorisés pour ce type de véhicules résulte dans des situations où des écocombis circulent jusqu’à la frontière luxembourgeoise, mais doivent recharger les marchandises sur des véhicules traditionnels pour le restant du trajet sur le territoire luxembourgeois !

La crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont accentué les difficultés en matière de logistique, avec des délais de livraison plus longs et des services de transports plus coûteux. À cela s’ajoute la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la logistique, situation qui s’est fortement accentuée avec la reprise économique plus forte que prévue à la sortie de la crise sanitaire.

Dans le contexte d’une demande croissante des besoins en transport, l’industrie a besoin de solutions. Certes, les alternatives au transport routier, tels que le rail et les voies navigables peuvent amortir une partie de cette demande, mais ne constituent pas, selon les cas, d’alternatives pour certains types de trajets, ni d’un point de vue opérationnel (i.e. pas d’accès) et ni d’un point de vue économique (i.e. pas de rentabilité). Notamment sur des distances courtes entre pays limitrophes, l’intermodalité n’offre pas de véritable solution flexible. Dès lors, un transport routier efficace par le concept des écocombis pour le transport de matières non dangereuses peut offrir une solution face au manque de main-d’œuvre dans le secteur de la logistique, face à l’augmentation des coûts de transports, face au manque d’interconnexions de certaines zones d’activités avec l’intermodalité ou encore face au trafic routier.

Par ailleurs, le transport par écocombis peut résulter dans une réduction de l’empreinte carbone de 20% à 30% 2 pour une même charge transportée par camion standard. Face au manque d’alternatives de décarbonisation du transport à l’heure actuelle, toutes les mesures ou solutions qui visent à minimiser l’impact écologique des activités logistiques devraient être considérées, notamment eu égard aux coûts et délais pour l’avènement de nouvelles technologies de motorisations (hydrogène, électrique).

Les écocombis circulent déjà depuis plusieurs années en Belgique, Suède, au Danemark et aux Pays-Bas par exemple. Dans ces pays, aucun impact négatif sur la sécurité routière ou de transfert modal n’a été constaté 3. Du côté belge, des voies ont déjà été autorisées jusqu’à Sterpenich ou jusqu’à la frontière entre Bastogne et Wiltz.

Finalement, il faut noter que le Luxembourg autorise déjà des véhicules plus longs et plus lourds pour le transport de personnes, similaires aux dimensions des écocombis, sur différentes lignes. Si cela est possible pour le transport des personnes, pourquoi ne pas l’autoriser pour le transport de marchandises ?

En conclusion, à défaut d’être une solution définitive, les écocombis offrent au moins une opportunité (bien que conditionnée à une évaluation et des autorisations au cas par cas) d’augmenter l’efficacité du transport en cohérence avec les objectifs gouvernementaux, tout en offrant aux entreprises qui pourraient en bénéficier une possibilité d’optimiser leurs coûts logistiques. Et, à défaut d’un cadre général pour les écocombis, ne serait-il pas au moins opportun de créer un cadre spécifique pour des projets-pilotes ?

Jean-Marc Zahlen
Conseiller énergie et environnement auprès de la FEDIL