Après plusieurs années marquées par la fixation de multiples objectifs bien intentionnés et maintes fois renforcés, illustrant les ambitions européennes pour un développement plus durable, l’Union européenne se trouve maintenant confrontée aux défis à relever pour concrétiser ces objectifs. Les fruits à portée de main ayant été cueillis, il s’agit maintenant de poursuivre, voire d’intensifier la réalisation des objectifs précités là, où les efforts à consentir vont bien au-delà de quelques légères adaptations ou améliorations techniques ou comportementales.

L’industrie se trouve fortement exposée aux bouleversants qui s’annoncent. La décarbonation des procédés de production, la réorientation des approvisionnements en énergie, la question de l’accès aux matières premières requises et la capacité de saisir les opportunités économiques de la transition, toutes ces questions se posent avec une telle intensité et urgence qu’elles risquent de compromettre notre tissu industriel. Aujourd’hui plus que jamais, on peut se demander si cette transition énergétique, qui émanait en fait de l’Europe, ne pourrait pas se révéler être un accélérateur d’une désindustrialisation qui s’est déjà progressivement fait sentir. Il va sans dire que la crise énergétique et son impact sous forme de dégradation de la compétitivité-coût de plusieurs secteurs industriels n’arrange pas les choses.

Une évolution différente et plus harmonieuse peut être observée aux États-Unis. Lorsque l’administration américaine a enfin décidé de déployer une politique climatique répondant aux objectifs de l’accord de Paris, elle s’est assurée en même temps que les moyens nécessaires soient disponibles ou puissent être mis à disposition en temps utile. Avec l’approbation du « Inflation Reduction Act » (IRA), les décideurs politiques américains ont montré qu’ils ne veulent pas laisser au hasard la question, si le développement technologique et la capacité industrielle indigènes suivront la nouvelle demande. Même si l’Union européenne n’a certainement pas tort de critiquer les caractéristiques protectionnistes de cette approche outre-Atlantique, elle doit aussi se demander en quoi elle a contribué au succès de sa propre politique climatique en termes de prérequis et de retombées industrielles.

Pendant longtemps, de nombreux dirigeants politiques européens ont été convaincus que, d’un point de vue économique, la politique climatique serait un succès infaillible. On constate aujourd’hui que ce point de vue était plutôt naïf. Pas seulement parce que d’autres espaces économiques mettent le paquet pour soutenir leurs entreprises dans cette transition, mais aussi parce que l’envergure et le coût de cette transition dépassent souvent les moyens à disposition des entreprises concernées pour réussir dans le temps imparti.

Avec sa communication intitulée « Green Deal Industrial Plan » (GDIP) du 1er février 2023, la Commission européenne ajoute enfin une dimension industrielle au « green deal » initial qu’elle a présenté il y a plus de trois ans. Le GDIP repose sur trois piliers. D’abord, une accélération des procédures d’autorisation moyennant un cadre réglementaire prévisible et simplifié. La Commission annonce que ce cadre sera complété par des mesures visant à assurer un accès suffisant aux matières premières nécessaires à la transition et par une réforme du marché européen de l’électricité. Ensuite, un accès plus facile et plus rapide au financement qui comprend, entre autres, une adaptation des règles d’aides d’Etat. Finalement, le développement des compétences nécessaires sachant que 35 à 40% des emplois pourraient être affectés par la transition verte.

L’industrie salue cette réaction de la Commission européenne face aux énormes défis à relever par notre industrie et face aux politiques facilitantes et incitatives déployées ailleurs. Mais il faut enfin que les actes suivent les paroles. Bien entendu, cela concerne également les États membres qui jouent un rôle important dans la mise en œuvre de ce nouvel encadrement. L’objectif d’une simplification et d’une accélération des procédures en faveur de la transition énergétique sera un bon test pour vérifier si les responsables politiques sont vraiment prêts à remettre en question des modes de pensée, des procédures et des structures établis de longue date et incrustés, et à renoncer à leur frénésie de la réglementation.

René Winkin
Directeur de la FEDIL