Dans la lutte pour le climat et en particulier pour réduire la consommation d’énergie, le Luxembourg a lancé en 2015 un « Mécanisme d’Obligation en matière d’efficacité énergétique » (MOEE). Ce mécanisme oblige les fournisseurs et distributeurs d’énergie à réaliser des économies d’énergie chez leurs clients. Le MOEE considère les fournisseurs d’énergie en tant que partie obligée (PO) et les contraint à réduire progressivement leurs volumes d’énergie vendus d’année en année.

Un nouveau cadre européen[1] ouvre maintenant la discussion pour inclure le secteur des carburants routiers traditionnels dans le MOEE. Les fournisseurs de carburants se verraient dès lors contraint de réduire la consommation de carburants chez leurs clients.

Sachant que les carburants routiers représentent la plus grande partie de la consommation énergétique luxembourgeoise, il semble évident de vouloir inclure ce secteur dans le MOEE et de faire des fournisseurs de carburants routiers traditionnels une nouvelle partie obligée (PO).

Or, un MOEE opère par des mesures nationales afin de réduire la consommation énergétique. En ce sens, il exigerait que les fournisseurs de carburant luxembourgeois appliqueraient des mesures définies au niveau national afin de trouver des potentiels en efficacité énergétique (EE) qui, pour la majorité, ne sont pas à trouver sur le territoire national. Étant donné que la plus grande partie du potentiel d’économies en carburant (77 %, en 2017) est consommée en dehors des frontières nationales, les mesures définies pour le Luxembourg ne s’appliqueraient pas et on ne pourra espérer qu’elles génèrent des économies d’énergie.

On pourrait argumenter que la consommation de carburant pourrait néanmoins être réduite par une mesure très simple : l’augmentation progressive du prix des carburants. Encore une fois, les implications ne sont pas aussi évidentes : premièrement, l’augmentation des prix du carburant ne réduit pas la consommation de carburant ; elle ne fait que la déplacer vers d’autres marchés. Un tel déplacement inflige d’importantes pertes de revenus au Luxembourg sans produire des bénéfices pour l’atténuation du changement climatique. Deuxièmement, une réduction de la consommation de carburant résultant d’une augmentation du prix ne peut pas être réclamée par les PO, car la réduction ne provient pas de leur action mais d’une action fiscale.

La plupart des MOEE dans l’UE s’appliquent aujourd’hui aux fournisseurs de gaz et d’électricité. Ils visent donc des objectifs d’amélioration de l’EE par l’intermédiaire de revendeur qui entretiennent des relations étroites avec leurs clients. Ces relations client fortes permettent non seulement d’influencer plus directement les habitudes de consommation de leurs clients, mais aussi de mesurer avec précision les gains en EE dont ils peuvent tenir compte dans un MOEE.

Des relations clients offrant la possibilité de promouvoir directement l’EE et de les mesurer avec précision n’existent pratiquement pas pour l’approvisionnement en carburant routier.

De surcroit, un MOEE pour les carburants routiers nécessiterait l’adaptation du programme cadre réglant les prix des produits pétroliers, car les fournisseurs de carburants auront besoin d’options pour récupérer les coûts supplémentaires liés à leurs efforts MOEE.

Par conséquent, dans le secteur des carburants routiers, l’hypothèse n’est pas à exclure qu’un MOEE ne soit pas l’instrument le plus efficace dans la lutte pour l’EE. Il existe de nombreux instrument qui ont fait leurs preuves afin de promouvoir les économies d’énergie dans ce secteur, p.ex. des normes en EE des véhicules, l’étiquetage de la consommation des véhicules, une taxation des carburants routiers concertée avec les pays limitrophes, des limitations de vitesse ou des mesures visant à améliorer les infrastructures de transport et de logistique.

 

[1] EU Directive 2018/2002 of the European parliament and of the council of 11 December 2018 amending Directive 2012/27/EU on energy efficiency

Gaston Trauffler
Responsable politique industrielle auprès de la FEDIL