Parmi le nombre particulièrement élevé de projets d’investissement industriels pour le Luxembourg, annoncés il y a plus ou moins quatre ans, les projets Knauf, Fage et Google ont rapidement atteint une célébrité hors du commun. L’échéance électorale de 2018 y était certainement pour quelque chose. Quoi de plus facile pour les partis politiques et leurs porte-paroles que d’exprimer leurs points de vue sur le futur développement économique du pays avec un simple pouce vers le haut ou bien vers le bas pour les nouveaux projets Knauf, Fage ou Google ? À l’image des gladiateurs dans la Rome antique les projets d’investissement en question ont été jetés dans l’arène, dans ce cas-ci l’arène de la politique politicienne, où les arguments utilisés pour refuser l’un ou l’autre projet ne faisaient pas toujours preuve d’une qualité exemplaire.

Parmi les investisseurs précités, deux se sont déjà retirés. Le troisième poursuit son parcours procédural en dialogue avec les autorités et face à des opposants de la société civile. Ensemble avec le gouvernement, nous espérons qu’il arrivera à bon port. Or, indépendamment de l’issue finale du dernier survivant parmi les dossiers industriels tellement politisés, il y a lieu de constater que l’image de marque du « Let’s make it happen » vient de subir un contrecoup sérieux. Les positions et comportements antagonistes au sein du gouvernement, la nature des arguments avancés pour mettre en question le caractère international de l’activité industrielle et la tactique de l’usure appliquée pour décourager certains porteurs de projet sont diamétralement opposés aux valeurs de fiabilité, d’ouverture et de dynamisme imprimés sur notre drapeau du nation branding.

Oui, nous reconnaissons que plusieurs projets industriels d’envergure ont bien été autorisés au cours des dernières années. Mais ceci n’est-il pas normal ? Et oui, un projet industriel d’envergure peut susciter de sérieuses mises en question, qu’elles soient de nature écologique, géographique ou autre. La FEDIL plaide depuis longtemps en faveur d’une concertation préalable, rapide et efficace, impliquant et responsabilisant les autorités compétentes. D’éventuels obstacles devraient être identifiés à un stade très précoce et le porteur de projet devrait être réorienté par la suite si nécessaire. Nous voulons souligner ici l’engagement de celles et ceux parmi les représentants de ministères, de communes et d’administrations qui jouent un rôle actif et constructif pour améliorer la qualité d’un projet d’investissement qui leur a été soumis pour avis ou pour autorisation.

Le screening préalable signifie qu’il faudra également accepter des décisions de rejet de projets d’investissement par rapport à des critères d’exclusion lorsque des incompatibilités insurmontables sont identifiées. Ces décisions de rejet doivent être exprimées ouvertement et à temps et ne pas mener à un comportement politique ambivalent et à une attitude réservée synonyme d’interminables discussions et procédures et, en conséquence, d’une politisation démesurée des projets concernés. Un refus précoce peut être digéré. Un retrait provoqué par une longue et pénible course d’obstacle met en question le sérieux de notre politique industrielle.

Nous devons maintenant nous tourner vers l’avenir et tirer les bonnes leçons des expériences vécues. La récente décision gouvernementale de se doter de critères d’exclusion objectifs et d’instaurer une étape de screening préalable pour des projets d’investissement à impact potentiel significatif va dans la bonne direction. Cette étape supplémentaire conservera toute sa valeur tant que les protagonistes impliqués réussiront à évaluer les dossiers soumis dans un temps raisonnable et que, par la suite, ils resteront fidèles à leurs positions respectives. Un engagement clair du gouvernement entier en matière de politique industrielle, une meilleure concertation entre autorités impliquées dans le processus d’implantation de grands projets industriels ainsi qu’un traitement efficace et rapide des dossiers à autoriser constituent les bases indispensables à construire pour positionner le Luxembourg comme terre d’accueil d’investisseurs étrangers et pour redorer son blason après les récents échecs.

René Winkin
Directeur de la FEDIL