„Wer die Vergangenheit nicht kennt, kann die Gegenwart nicht verstehen und die Zukunft nicht gestalten.“ [1]

À l’occasion du centenaire de l’écho des entreprises, cette citation de Helmut Kohl nous permet de replonger dans une autre ère, pour comprendre l’actualité et participer aux discours sur l’avenir.

1920. L’année de naissance de l’écho marque le début des « années folles » et de la « belle époque » en Europe. Créativité, croissance économique et valeurs libérales triomphaient. Après les évènements de la première guerre mondiale et de la pandémie de grippe de 1918 [2], l’Europe avait une grande soif pour la liberté, la démocratie ainsi que la stabilité économique et politique. Une Europe sous des changements politiques, sociaux et culturels non négligeables.

Au Grand-Duché, les années 1920 étaient marquées par une reprise de l’économie. L’industrie lourde dominait la vie en société et, à l’image d’une écriture de Carlo Hemmer, ancien secrétaire général de la FEDIL « Le Luxembourg [était devenu] un don du fer tout comme l’ancienne Égypte était un don du Nil ». C’est en grande partie dans ce passé industriel que notre pays a trouvé sa richesse. Pareillement, la France avait réussi à s’enrichir par le déploiement massif de sa production industrielle notamment d’acier et de fonte. Et si l’Allemagne connaissait des difficultés financières dues à une dette de réparation des dommages subis par d’autres pays lors de la première guerre mondiale, elle arrivait finalement à y faire face grâce au progrès technologique et de surcroît, à l’augmentation de la capacité de production du secteur de la sidérurgie.

Cette sensation d’espoir accompagnant la reconstruction de l’Europe s’exprimait par une forte volonté de s’organiser entre États souverains, tout en faisant confiance à l’instrument de la diplomatie pour résoudre de potentiels conflits internationaux avant qu’ils ne débouchent sur une guerre armée. Au cours des négociations des traités de paix [3], Monsieur Thomas Woodrow Wilson, vingt-huitième président des États-Unis, ouvrait grandement la voie à la création, en 1920, de la Société des Nations. Cette dernière, décidément victime de l’isolationnisme des États-Unis, mais également du système de vote à l’unanimité et partant, de son incapacité à résoudre un nombre de conflits successifs entre plusieurs nations, avait le mérite d’être la première organisation internationale dont l’objectif était de maintenir la paix dans le monde. À Genève, le Luxembourg, convaincu, participait activement aux travaux de la Société des Nations. Cette période et l’idée de voir la valeur ajoutée et la hauteur de
« l’ensemble » au-delà de la somme de ses parties, marquaient certainement notre pays et son engagement, plus tard, dans la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier en 1950 et de la Communauté économique européenne en 1957. C’était encore en marge de ce mouvement d’organisation internationale que l’ambition de concevoir une « union européenne » avait été exprimée par Aristide Briand, en 1925, dès son arrivée aux fonctions de ministre des Affaires étrangères en France. En effet, il présentait sa célèbre vision « des États-Unis d’Europe » [4] devant les 27 États européens membres de la Société des Nations en 1929.

Enfin, n’oublions pas que les années 20 européennes étaient en outre marquées par la montée en force des populistes et fascistes. En Italie, par l’arrivée au pouvoir de Benito Mussolini. Il était devenu Premier ministre et dictateur dans le premier gouvernement fasciste du monde, y établissant un État totalitaire. En même temps, Adolf Hitler avait fondé le parti national socialiste des travailleurs allemands. Nous connaissons l’histoire et la catastrophe qui ont directement suivi ces évènements. Pourtant, n’oublions pas non plus la liberté, la paix et la prospérité offerte aux Européens et aux personnes qui vivent et travaillent sur le territoire de l’Union européenne depuis que ses États membres ont décidé de s’engager dans une « union sans cesse plus étroite » [5].

2020. Le centième anniversaire de l’écho est marqué par le combat contre le coronavirus, le changement climatique et la révolution digitale. De la créativité est demandée, une nouvelle forme de croissance économique se fait désirer et une redécouverte de la démocratie libérale se veut urgente. Sous la pression des conséquences néfastes et imminentes du réchauffement climatique, d’une crise sanitaire sans précédent avec toutes ses implications sociétales et économiques, mais aussi sous la pression d’une mobilisation toujours plus ferme des forces politiques populistes, le projet européen doit aujourd’hui affronter plusieurs défis existentiels simultanément.

Toute crise est bouleversante. D’une part, les effets du changement climatique ainsi que l’actuelle pandémie de coronavirus risquent d’augmenter considérablement la pauvreté dans le monde et d’impacter notablement la migration internationale. D’autre part, il a pu être observé à quelle vitesse même les États membres de l’UE, qui ont établi des droits fondamentaux de libre circulation entre eux, peuvent rétablir des frontières entre les peuples, se repliant sur des considérations d’intérêt national. L’histoire peut être cyclique et complexe. Des réponses simples comme elles ont déjà souvent pu être proposées par les populistes ne font que susciter la peur, la défiance et la haine. La réponse de l’Union est donc d’autant plus importante et le déploiement du plan de relance européen est donc d’autant plus pressant. Il s’agit maintenant de surmonter les vetos prononcés par la Hongrie et la Pologne, bloquant à ce jour le budget européen parce qu’ils s’opposent à l’instauration d’un mécanisme qui lierait l’accès au financement européen au stricte respect des principes de l’état de droit.

À ce moment précis de l’histoire, les États membres de l’UE devraient reprendre du recul sur les évènements des derniers mois et montrer leur capacité à défendre la solidarité européenne en faveur de leurs citoyens, de leurs acteurs économiques et finalement de nos valeurs fondamentales communes.


[1] Bundestagsrede zur Geschichte der Vertreibung, 1995. [en ligne]

[2] Virus de la grippe A (H1H1), dite « grippe espagnole ».

[3] Conférence de la paix de Paris, 1919.

[4] Mémorandum sur l’organisation d’un régime d’union fédérale européenne. [en ligne]

[5] Article premier, Traité sur l’Union européenne, 2009 [en ligne]

Angela Lo Mauro
Conseillère affaires européennes auprès de la FEDIL