Si l’Union européenne a pu maintenir une position forte en matière de commerce de biens et de services, on l’admet, elle accumule un retard dans la compétition technologique. Nos aspirations sont modestes, il faut surtout éviter tout affaiblissement supplémentaire de la compétitivité de l’UE sur la scène internationale.

En effet, la capacité d’innovation est cruciale pour la compétitivité. Or, force est de constater que l’UE ne dispose pas des fonds suffisants pour investir massivement dans la R&D et l’enseignement supérieur. Alors que les traités prévoient la possibilité de prendre des mesures règlementaires supranationales pour soutenir l’industrie, l’Union manque de moyens de support direct. Elle régule donc par le biais d’une politique de concurrence libre et non faussée dans le marché intérieur. Une véritable politique industrielle, une stratégie permettant de favoriser le développement, au niveau européen, de secteurs économiques à forte valeur ajoutée, fait défaut. De ce fait, les success stories du type « Airbus » sont bien trop rares et ne suffisent pas pour faire face à la montée en puissance de nos plus grands partenaires commerciaux sur le terrain, par exemple, de l’intelligence artificielle et de l’économie des données.

En dépit des besoins accrus d’investissements dans la digitalisation et dans la transition vers une économie à faible intensité carbone, certains s’interrogent sur le rôle de la politique de concurrence européenne. Pour répondre à la demande des consommateurs et trouver les meilleures solutions aux défis du XXIe siècle, une concurrence libre et non faussée, telle que garantie par les traités, est essentielle. En revanche, pour mieux résister à la pression de grands acteurs chinois et américains, l’UE pourrait élargir l’objet de cette politique, en ajoutant au seul critère de l’intérêt du consommateur, celui plus large de l’intérêt de l’Union. De même, moderniser le régime des aides d’État en donnant un accès uniforme aux entreprises, à des budgets proportionnés aux enjeux, dans des conditions de rapidité et de sécurité juridique permettrait de s’engager plus facilement dans des programmes ambitieux, considérant notamment l’urgence de la lutte contre le changement climatique. Vu qu’un nombre d’initiatives privées en faveur de l’innovation ou de la recherche transfrontalière ont du mal à se concrétiser, la Commission européenne a déjà mis en place des règles simplifiées pour faciliter la réalisation de projets importants d’intérêt européen commun (IPCEI), c’est-à-dire un cadre1 permettant aux États membres de combler ce vide conjointement. Un tel projet doit « contribuer à la réalisation des objectifs stratégiques de l’UE ; faire intervenir plusieurs États membres ; aller de pair avec un financement privé par les bénéficiaires ; générer des effets d’entraînement positifs dans l’ensemble de l’UE, qui limitent les distorsions potentielles de concurrence et être très ambitieux en termes de recherche et d’innovation »2 . En outre, la définition de six chaînes de valeur industrielles d’importance stratégique pour l’Europe3 , s’inscrit dans cet ordre d’idées et complète les travaux sur les EuroHPC ou encore de l’Alliance européenne pour la batterie.

Enfin, rendre l’UE plus visible et plus active autour de grands projets phares, tournés vers l’avenir pourrait soutenir sa stratégie industrielle et avoir une forte résonance interne et externe. En espérant que les États membres soient prêts à soutenir l’Union dans cette démarche et à la rendre plus systématique.

Angela Lo Mauro
Conseillère affaires européennes auprès de la FEDIL