Étant donné que le COVID-19 a catalysé l’importance de l’économie digitale, nous devons nous assurer qu’il s’agit d’un environnement juste et sûr pour les consommateurs et les entreprises européens.

Depuis un an, la Commission européenne affirme sa volonté de mettre à jour la directive 2000/31/CE relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »)[1], en présentant un « Digital Services Act » d’ici la fin de l’année 2020.

Cette directive a jusqu’à présent réussi à promouvoir le commerce en ligne et offert de nouvelles opportunités aux entreprises et plus particulièrement aussi aux petites et moyennes entreprises dont l’intégration à l’économie digitale européenne et même mondiale se voit plus simple. Partant, la directive sur le commerce électronique a favorisé la croissance au Luxembourg et en Europe, stimulé l’innovation dans le domaine du digital et permis la diversification ainsi que le développement de nouveaux services.

Or, 20 ans après son entrée en vigueur, il semble nécessaire de revoir son cadre juridique pour l’aligner sur la jurisprudence de l’UE, favoriser la lutte contre la vente de marchandises contrefaites et de contenus illégaux en ligne ainsi que d’améliorer le niveau d’harmonisation pour renforcer la compétitivité des entreprises européennes. De même, il serait utile d’aborder le problème de la réapparition constante du même contenu illégal soumis à des demandes de retrait. Aussi, reste-il essentiel de maintenir des conditions de concurrence équitables entre l’économie online et offline.

L’annonce d’une révision de ladite directive est l’opportunité pour la Commission européenne de tirer des conclusions de son dernier inventaire des barrières restantes au marché intérieur et notamment en ce qui concerne la libre circulation des services digitaux[2]. Surtout considérant l’impact de la crise du coronavirus sur le fonctionnement du marché intérieur, nous avons besoin de mesures de soutien non financières, renforçant le marché unique numérique et la libre circulation des prestations de services digitaux pour inciter la reprise et renforcer la résilience de l’économie de l’Union européenne. Il s’agit donc de continuer, plus que jamais, à prendre des mesures pour éliminer ces barrières.

Par conséquent, il est primordial de défendre la clause sur le marché intérieur figurant à l’article 3 de la directive. Ce principe du pays d’origine, selon lequel, un prestataire de services de la société de l’information est soumis au droit de l’État membre de l’UE sur territoire duquel il est établi, et non aux différentes législations des États membres de l’UE dans lesquels ses services sont fournis, est fondamental pour que les entreprises européennes et particulièrement, le entreprises luxembourgeoises, puissent continuer à proposer leurs services et exploiter leurs activités économiques au sein de l’UE.

Pour renforcer ce principe, la Commission européenne, lorsqu’elle veut s’attaquer par exemple à des problèmes qui pourraient surgir du fait que les règles de protection du consommateur peuvent encore différer légèrement d’un État membre à l’autre, doit être vigilante concernant le mécanisme de coopération renforcée entre autorités et régulateurs qu’elle envisage mettre en place dans le cadre d’un organe de supervision commun.

Concrètement, il faut éviter que le pays de destination du service puisse plus systématiquement et sans consultation effective du pays d’origine, prendre des mesures individuelles contre une entreprise non établie sur son territoire et de facto, amoindrir le principe du pays d’origine. Ce dernier est garant d’une sécurité juridique tant nécessaire pour les entreprises. Elles ont besoin d’une certitude maximale pour mener à bien leurs activités économiques. Cette clause devrait donc être incontournable et en aucun cas être affaiblie par la révision de la directive sur le commerce électronique dont l’objectif premier est de faciliter la libre circulation des services digitaux au sein du marché.

Par ailleurs, cette directive prévoit actuellement une certaine limitation casuelle de la responsabilité des prestataires de services intermédiaires. Concernant les procédures de notification et de retrait (« notice and action ») prévues à l’article 14 de la directive sur le commerce électronique, elles s’appliquent aujourd’hui à toute « activité ou information illégale ».

L’idée de la Commission serait de renforcer les obligations de moyen concernant ces activités ou informations illégales en ligne, par des principes de transparence, un devoir de diligence raisonnable et de coopération avec les autorités compétentes[4]. La Commission pourrait ainsi rendre obligatoire sa recommandation de 2018 sur les mesures destinées à lutter, de manière efficace, contre les contenus illicites en ligne[5]. Toujours est-il que, selon les règles en vigueur à l’heure actuelle, les plateformes digitales ne sont pas responsables pour l’activité illégale ou les informations placées sur leurs systèmes par un utilisateur, tant qu’elles n’en ont pas réellement connaissance. Elles ne doivent donc agir pour supprimer ou désactiver l’accès à ces informations que lorsqu’elles en ont effectivement pris connaissance.

En pratique, des accords volontaires avec des autorités ou des associations de consommateurs ont pu se faire et spécifier un processus de notification et de retrait. Dans la plupart des États membres, il n’y a pas de règles explicites concernant la notification d’une infraction, ce qui engendre un manque de clarté et de sécurité juridique. Toujours est-il que si la Commission prévoit de proposer de nouvelles dispositions d’harmonisation, s’appliquant horizontalement à toutes les plateformes digitales, elle devrait impérativement chercher à examiner quel impact celles-ci auraient sur les petites entreprises ou start-ups qui ont besoin d’une certaine flexibilité pour grandir. Les plateformes devraient continuer à ne pas être tenues responsables d’un contenu illégal dont elles n’ont pas la connaissance réelle et cette dernière ne devrait être supposée que lorsque l’intermédiaire est notifié.

Dans le domaine du cloud par exemple, seuls les clients professionnels contrôlent le contenu qu’ils y mettent. Ils devraient être responsables pour celui-ci et les services qu’ils y exploitent. La distinction entre les catégories de services à l’article 14 de la directive sur le commerce électronique devrait ainsi être complétée par des critères supplémentaires qui s’appliquent en fonction des obligations individuelles. Ces critères devraient prendre en compte les capacités techniques d’une plateforme pour accéder au contenu spécifique et non public des utilisateurs.

Enfin, il est important que nous évitions toute charge administrative supplémentaire et inutile afin que nos entreprises puissent continuer à prester leurs services digitaux de manière efficace en Europe et au-delà, sur la scène mondiale.


[1] Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur [en ligne]

[2] Communication from the Commission to the European Parliament, the Council, the European Economic and Social Committee and the Committee of the Regions identifying and addressing barriers to the single market, 10.3.2020 COM(2020) 93 final [en ligne]

[3] Ébauche de l’étude d’impact de la Commission européenne sur la partie « gatekeeper platforms

[4] idem

[5] Recommendation de la Commission du 1.3.2018 sur les mesures destinées à lutter, de manière efficace, contre les contenus illicites en ligne.

Angela Lo Mauro
Conseillère affaires européennes auprès de la FEDIL