Dans le contexte des travaux et discussions autour du projet de plan national énergie climat, traçant le chemin vers la réalisation des objectifs ambitieux du gouvernement d’ici 2030, l’introduction d’une éventuelle taxe CO2 ou d’un autre type de tarification du CO2 a figuré parmi les mesures les plus commentées.

Il va sans dire qu’une telle taxe ou tarification serait saluée par les entreprises dont l’activité se verrait dynamisée suite à un renchérissement des énergies fossiles, incitant les consommateurs à investir pour remplacer ou réduire le recours à ces formes d’énergies. D’autres entreprises affichent une attitude plus réservée puisqu’elles considèrent avant tout la hausse de coût qu’une telle mesure provoquerait au niveau de leurs exploitations. Enfin, il y a celles qui commercialisent les produits susceptibles d’être taxés et qui pourraient accuser une baisse de leur activité traditionnelle.

Sans vouloir me faire l’avocat des uns ou des autres, il m’importe d’aborder ici deux propositions de mesures qui devraient faire partie d’un concept de la tarification du CO2 qui se veut cohérent et efficace.

La première proposition répond à l’intérêt de baser notre indice national mesurant l’évolution du niveau général des prix sur un panier de produits durable. Le maintien d’un indice basé sur l’évolution des prix d’énergies fossiles ou d’autres produits et services nocifs pour le climat n’est plus compatible avec les ambitions gouvernementales en la matière. Des points de vue tant écologique qu’économique, le maintien d’un panier de produits traditionnels produirait des effets tout à fait pervers s’il devait être combiné avec une taxe ou une autre forme de tarification du CO2. La pratique d’une compensation des pénalités sur le CO2 par le biais du méchanisme de l’indexation est doublement criticable. D’abord parce que cette compensation signifierait un maintien du pouvoir d’achat justifiant et récompensant des choix et comportements non-désirables dans le chef des consommateurs. Ensuite, parcequ’une telle constellation se traduirait in fine par un renchérissement du facteur travail et donc un doublement de la charge pour les entreprises.

La volonté politique d’atténuer les répercussions négatives d’une taxe ou d’un tarif CO2 pour les consommateurs est compréhensible. Mais il y a des façons plus ou moins pertinentes de le faire. Un recyclage du produit de la taxe sous forme de soutiens supplémentaires aux consommateurs qui se conforment aux exigences de l’agenda climatique s’impose si on veut offrir une neutralité financière à l’ensemble des consommateurs. Des instruments complémentaires, telle que l’allocation de vie chère, permettraient de parer à d’éventuels effets sociaux non-souhaités.

Assurer la neutralité financière moyennant un recyclage du produit d’une éventuelle taxe ou tarification du CO2 n’est pas possible pour ce qui concerne les entreprises. Les règles europénnes en matière d’aides d’Etat limitent aujourd’hui déjà la marge de manœuvre des Etats membres. D’où l’intérêt de s’attaquer à un deuxième sujet important, à savoir la définition d’un régime de déduction fiscale. Celui-ci devrait permettre aux entreprises investissant dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre de compenser ces dépenses par une réduction des taxes ou tarifs à payer, ce qui accélérerait la transition pour cette catégorie d’acteurs économiques.

2020 sera la dernière année préparatoire avant d’aborder une courbe de réduction des émissions beaucoup plus raide. Les décideurs politiques et les acteurs concernés devraient mettre à profit ce délai pour finaliser un plan d’action cohérent qui concilie au mieux les objectifs climatiques et énergétiques du pays avec ses aspirations économiques et sociales. La définition et l’application d’un panier durable pour le calcul national de l’inflation (IPCN), d’une part et le couplage d’éventuels taxes ou tarifs sur les émissions industrielles de CO2 avec un régime de déduction fiscale, d’autre part, contribueraient à la qualité et à la cohérence du paquet que le gouvernement compte fisceller dans les semaines à venir.

René Winkin
Directeur de la FEDIL