Le filassier de l’acier

Un cliquetis métallique régulier accueille le visiteur de la petite usine sise dans une cité à Bertrange… Dans les halls de production teints en vert pâle – couleur spécialement mélangée chez Gérard – se cache un univers industriel comme d’antan.

Ici se fabrique un objet apprécié tant par les ébénistes que par les carrossiers et les ménages privés. Un produit de niche réputé dans le monde entier et exporté en Belgique, France, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Italie, Suisse, Grèce, Chypre, Pologne, Finlande, Suède, Hongrie, République tchèque, Antilles Françaises, USA, Canada, Indonésie, Australie, Nouvelle-Zélande et Yémen.

Son emballage avec la jeune femme souriante à la chevelure noire sur fonds bleu est mythique, sa capacité est quasi tous-terrains.

Le tampon en laine d’acier signé Piwel.

En 1935 l’esprit entrepreneurial a poussé Pierre Welter à s’appliquer à la confection d’un produit rare et à acheter sa première machine. L’atelier de fabrication de laine d’acier se trouvait alors dans le garage loué à Hollerich, rue de la Vallée. En 1940 on a construit une usine à Merl, route de Longwy, et en 1952 l’entreprise a déménagé à Bertrange dans ses locaux actuels. C’est là qu’Albert Welter, le père des dirigeants actuels, a commencé à travailler tout en adaptant l’entreprise aux exigences du marché. Après plusieurs transformations et extensions tout au long des années 1970 à 1990, Tom Welter est arrivée dans l’entreprise familiale en 1986 et, épaulé par sa sœur Carole, il se consacre toujours à tisser de la laine d’acier.

Piwel produit actuellement 500 tonnes par an. 7% du chiffre d’affaire sont réalisés au Luxembourg, le reste se fait à l’international, dans les pays européens et le monde entier. La laine d’acier luxembourgeoise est partout : l’on charge même régulièrement des conteneurs destinés aux DOM TOM. Environ un quart de la production sert au nettoyage (ménages privés et professionnels). Les autres principaux marchés sont des sociétés spécialisées dans les fournitures pour la restauration et le traitement du bois ou encore l’industrie avec des produits techniques divers.

La gamme de produits proposés est diversifiée :

Premièrement – voilà le produit phare, qui a fait la notoriété nationale de Piwel, avec son packaging légendaire – les tampons de laine d’acier imprégnés de savon, soit simples soit en version inoxydable. C’est le grand classique, nettoyant et dégraissant efficacement sans rayer. Que ce soitent les barbecues, les vitres, les pare-brise et casseroles ou les ménages, les tampons Piwel servent à tout et cela à base d’un produit facilement recyclable – comme l’acier est le seul ingrédient entrant dans la production des petits ballotins polyvalents – et du savon non-polluant. Naturellement ils existent aussi sans savon et peuvent s’utiliser à sec pour polir et faire briller des objets en métal, les cuirs, les bois, les antiquités…

Piwel produit aussi des éponges en fil inoxydable et en fil galvanisé ou alors des éponges avec à base de fil de cuivre pur qui sont tricotées à Bertrange. Les éponges sont ensuite enroulées et leur finissage se fait dans des ateliers protégés tout à la main. « Parce que comme cela, le produit ne s’effiloche pas »,
explique M. Welter.

De plus, l’on propose des éponges double face en mousse et surface à récurer. Mais rien n’est plus fin que la véritable laine d’acier signée Piwel qui, elle, n’est pas abrasive et ne rayera pas les objets délicats.

Bref, « tout étincelle grâce à Piwel ».

Piwel a toujours su s’adapter aux tendances du marché. Le fait que l’on s’est maintenu dans un environnement compétitif tient notamment à ce que l’entreprise occupe une niche :  effectivement, on ne trouve pas beaucoup de matériel de production pour cette activité. Comme ce genre de machine n’est pas suffisamment prisé, aucun ingénieur ou constructeur de machines industrielles ne s’en occupe. Voilà pourquoi les équipements ont toujours été conçus en famille et pour la grande majorité (comme par exemple en ce qui concerne la machine qui injecte le savon dans les tampons) fabriqués ou adaptés in house. Les chaînes de production pour ainsi dire « faites maison » et le marché niche que dessert Piwel lui permettent de s’imposer face à la concurrence issue de pays à faibles coûts salariaux. Mais surtout, il y a la question du know-how… et c’est là que réside toute la richesse du tampon en laine d’acier luxembourgeois dont le degré de finesse est inégalable.

En somme, le procédé est simple : le fil d’acier est passé à travers des cylindres alignés alors que des lames le rasent, produisant ainsi des copeaux qui peuvent être plus fins qu’un cheveu humain. Les copeaux se rejoignent et s’enroulent ensuite sur de larges bobines. Mais à Bertrange chez les Welter, c’est réellement l’amour du détail qui compte. Une quinzaine d’employés manient les ballotins de laine d’acier avec précaution, les lames permettant de tailler le fil sont remplacées sans relâche à la main, échangées contre des lames fraîches sortant tout juste de l’affûteuse qui, elle aussi, tourne sans cesse.

Piwel

La poésie émanant du clapotis des machines quasi centenaires, du bruissement des bobines qui tournent et du va-et-vient des métiers qui tissent au sein des espaces de production peints de ce vert pâle si caractéristique, voilà ce qui respire la « vraie » industrie. La matière grise qui s’enroule de bobine en bobine, de cylindre en cylindre véhicule la grisaille industrielle, mais une grisaille d’un raffinement précieux, celle de ce métier consistant à transformer un simple bout de fil métallique en une laine d’une douceur sans pareille.

1935
Création et premier Atelier Piwel à Hollerich
1940
Création de Factory Piwel installée à Merl
1952
Construction et emménagement à Bertrange- Helfent
1962
Constitution de l’actuelle Piwel s.à r.l.
1986
Tom, actuel directeur, entre en fonction, assisté par sa sœur Carole Welter à partir de 2002
2005
Piwel obtient le label “Made in Luxembourg”

Depuis la création de leur entreprise, les Welter réalisent instinctivement ce qui fonde l’idée du « letz make it happen » : occuper des niches et s’appliquer à y exceller. Ils le font à leur cadence, avec discrétion et modestie. Mais surtout avec beaucoup de feeling, car le feeling y est pour beaucoup dans la fabrication de la laine d’acier finissime signée Piwel : aucun procédé de densitométrie n’étant possible, ce sont le savoir-faire et une profonde connaissance du produit qui comptent.

Tom et Carole Welter main dans la main avec leur équipe savent exactement quel doit être le touch and feel de la laine. Et pour y arriver ils procèdent comme des orfèvres, passionnées pour l’infiniment petit et le singulièrement fin, soignant leurs ateliers et machines comme le ferait un bijoutier.